Mobilisation dimanche pour la défense des conquêtes sociales

Prêts à voter à trois heures du matin

18 août 2004

Dans un article publié hier, l’envoyé spécial de “L’Humanité” à Caracas évoque l’ambiance dans laquelle s’est déroulé le vote de dimanche dernier. Les inter-titres sont de “Témoignages”. Un scrutin contesté par l’opposition soutenue par la Maison-Blanche qui veut une enquête sur des fraudes présumées et démenties par les observateurs de l’Organisation des États américains dirigée par un adversaire d’Hugo Chavez. Des accusations auxquelles répond le président vénézuélien en affirmant que « le Venezuela ne deviendra pas une colonie ».

Tout a commencé en fanfare dès trois heures du matin en ce dimanche électoral de folie. À cette heure de la nuit, le clairon a sonné et les échos des feux d’artifice se sont propagés dans tout Caracas. C’était le moment de tirer les électeurs de leurs lits pour se rendre aux urnes, ainsi que les y avait invités Chavez. Car la procédure électorale, avec un nouveau système entièrement informatisé comprenant un triple verrou de sécurité (empreinte, vérification d’identité, vote avec dépose du justificatif dans une urne) laissant à chacun un trace d’encre violette sur le doigt, s’annonçait longue et rude. Et ce fut ainsi. Au fil du jour, la foule a en effet grossi sur les trottoirs, aux abords des bureaux de vote étroitement surveillés par les militaires.
Les queues formées devant les bureaux de vote ont dû probablement se compter en kilomètres dans tout le pays. À l’Est, dans l’immense quartier populaire de Libertador, on est descendu des collines perchées sur les flancs de la montagne Avila. On est venu par familles entières très tôt, les provisions à la main. À Catia, une école religieuse "semi-privée" appelée Maria Rosa Molas, l’un des centres de vote, on ne fait pas mystère de son désir de dire "no" à la révocation du président, comme Maria Luz de Diaz et de sa fille Aquilina, qui toutes deux fabriquent galettes et petits pains à la maison.

Défendre des acquis

Pour les habitants du "barrio" il s’agit de défendre des acquis. Et ici, en effet, les "missions" de santé, d’éducation et de travail mises en place par le gouvernement sont en train de faire un tabac. Parce que les gens qui y vivent, les pauvres, les "negritos" ou même les "édentés" comme on les traite avec mépris, sont devenus partie prenante de ces initiatives.
Et les résultats deviennent probants, redonnant espoir et dignité à tous ceux qui ont été laissés pour compte. Ainsi Moreno Hernandez, technicien du gaz à la PDVSA, la compagnie pétrolière qui avait été au cœur de l’important conflit déclenché fin 2002 par le patronat et les cadres, une épreuve de plus qu’a dû subir Chavez. "Grâce à Dieu, tout ça c’est fini", soupire Moreno, qui n’en revient toujours pas d’avoir été, lui ainsi que des milliers d’ouvriers, "l’otage" de patrons peu scrupuleux et d’un syndicat corrompu, la CTV, lors de cette grande grève du pétrole qui a duré deux mois. En face de l’école, Rodrigo, muni de son thermos de café, note avec soin sur une petite table pliante, le nombre des entrées, au cas où l’informatique viendrait à défaillir.

Bipolarisation

C’est un autre monde qui s’ouvre lorsque vers l’Ouest, fief du "oui", nous franchissons la frontière que constitue la grande avenue Libertador. Tout devient plus vert, plus ample, plus propre. Un vernis de modernité. On se trouve en compagnie d’une délégation de parlementaires progressistes européens, venus sans mandat officiel "s’informer et informer" sur le bon déroulement du scrutin et apporter leur solidarité au peuple vénézuélien, dans ce Caracas des classes moyennes et celui des riches. Particulièrement à Los Palos Grandes, qui respire l’opulence et où, au collegio Al Alba, de nombreux votants attendent impatiemment leur tour, protégés parfois du soleil par des petites tentes ouvertes.
Dehors, c’est la haine. La haine d’un Chavez "dictateur". Quelqu’un hurle en français "Chavez, ça n’est pas possible !" Et pourtant si. Le peuple, ces pauvres descendus en ville dimanche soir ou restés perchés dans leurs collines, vient de lui apporter le plus cinglant démenti.


Un président “mal élu” parle de fraude

Comme l’opposition libérale, Washington ne reconnaissait pas hier les résultat du référendum qui a confirmé Hugo Chavez. Or, ce scrutin était surveillés par des observateurs internationaux, parmi ces derniers on trouvait notamment l’ancien président américain Jimmy Carter et des adversaires résolus de la politique menée par Hugo Chavez. Et pour ces observateurs oculaires, le scrutin s’est déroulé sans accroc. Ce qui n’était pas le cas de celui qui a permis à George Bush de prendre le pouvoir à la Maison-Blanche, mais aux États-Unis, les élections se déroulent sans observateurs internationaux.


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