Coopération régionale

« Promouvoir l’identité indianocéanique comme moteur d’une ’coopération communautaire’ »

Entretien avec Paul Hoarau, président de la Fédération communautaire de l’océan Indien

23 avril 2003

La F.C.O.I., à travers les coordinations fondatrices, rassemble trois cent cinquante associations intervenant dans les domaines du développement local, de la solidarité, de la culture... dans les cinq pays de la Commission de l’océan Indien (Madagascar, Maurice, La Réunion, Seychelles et Union des Comores). Après une année de définition des objectifs, de mise en place des structures, la F.C.O.I. a lancé un premier appel à projets. Onze projets répondant à l’objectif de promouvoir l’identité indianocéanique comme moteur d’une ’coopération communautaire’ entre les îles seront examinés lors de prochaines Rencontres aux Seychelles. Nous reproduisons ci-après une interview de Paul Hoarau, président de la F.C.O.I., recueillie par ’Echo-développement’, la lettre de liaison des agents de développement de l’océan Indien.

Quel est le rôle de la Fédération communautaire de l’océan Indien ?
Paul Hoarau : La Fédération communautaire de l’océan Indien (F.C.O.I.) s’est donnée comme tâche de mobiliser les sociétés civiles des îles de la zone et de sensibiliser les États pour promouvoir l’identité indianocéanique comme moteur d’une "coopération communautaire" entre les îles et comme ciment d’une future "communauté" ou "union" indianocéanique.
Nous militons pour la reconnaissance de cette indianocéanité par les États des pays qui en font partie et par la communauté internationale.
L’"Indianocéanie" est le nom d’une réalité qui vit. Ce nom devra remplacer la dénomination actuelle des "Iles du Sud-Ouest de l’océan Indien". Cette dénomination est de l’ordre de l’enregistrement administratif permettant de classer un dossier.

Comment vous êtes vous organisé depuis que vous êtes passé de la Fondation communautaire de l’océan Indien abritée par la Fondation de France à la Fédération communautaire de l’océan Indien ?
La Fondation communautaire de l’océan Indien abritée par la Fondation de France a pris fin en septembre 2001, conformément aux conventions passées. Nous avons dû prendre notre autonomie. Mais les relations entre notre fédération actuelle et la grande fondation française demeurent. En 2002 et 2003, nous fonctionnons grâce à la Fondation de France. Et nous comptons beaucoup sur son aide pour devenir, nous-mêmes, une fondation.
Si notre fédération est de droit de français, c’est parce qu’il n’existe pas d’associations de droit international. Mais dans sa composition et dans son fonctionnement, la F.C.O.I. est internationale au niveau de l’Indianocéanie. Les délégués de la F.C.O.I. dans chaque île où elle est implantée sont vice-présidents de l’association, et les grandes décisions sont prises collégialement entre les responsables de toutes les îles. Nous apprenons à fonctionner quotidiennement ensemble, à distance.
La F.C.O.I., sous égide de la Fondation de France, était composée des coordinations d’associations qui l’avaient fondée. Ces coordinations sont devenues, depuis nos rencontres d’avril 2002 à Maurice, "des coordinations fondatrices" de la nouvelle fédération. Mais celle-ci est ouverte à d’autres coordinations et à des associations indépendantes. Et lors de nos prochaines rencontres des Seychelles, il sera proposé d’ouvrir la fédération à des personnes physiques et à des entreprises. L’appel et lancé à tous ceux qui veulent participer avec nous à la promotion de l’identité indianocéanique, à la pratique d’une coopération communautaire, à la création de la future Union indianocéanique.

Combien rassemblez-vous d’associations, et dans combien d’îles ?
À travers les coordinations fondatrices, la F.C.O.I. réunit, actuellement, plus de 350 associations réparties sur Anjouan, la Grande Comore, Madagascar (Antananarivo), La Réunion, les Seychelles. Il est question d’implantations à Mayotte, à Rodrigues et à Mohéli.

Où en est le premier appel à projets nouvelle manière ?
Nous avons reçu onze propositions de projets. Aujourd’hui, sept projets font l’objet d’une demande de subvention auprès des bailleurs de fonds divers. Les quatre autres, dont deux sont importants par les objectifs qu’ils se proposent, font l’objet de démarches en vue de finaliser les dossiers.
Nous distinguons deux grandes catégories de projets : les projets destinés à promouvoir l’identité indianocéanique d’une part, et les projets destinés à améliorer les conditions de vie matérielles et morales d’individus, de familles, de groupements constitués de collectivités de base, dans une perspective de développement. Sur les sept projets qui sont prêts aujourd’hui, quatre sont à placer dans la première catégorie et trois dans la seconde.
L’ensemble des projets est présenté par la F.C.O.I. aux différents bailleurs internationaux, nationaux, régionaux et locaux ; publics et privés. Les bailleurs n’auront ainsi qu’un seul interlocuteur pour les sept projets. Les subventions iront aux porteurs de projets. Mais ceux-ci seront suivis, évalués par la fédération qui sera co-responsable avec les porteurs de projets, vis-à-vis des bailleurs.

Qu’attendez-vous des 2èmes rencontres programmées aux Seychelles en mai prochain ?
Nous attendons des deuxièmes rencontres aux Seychelles, tout d’abord de nous connaître mieux entre nous, responsables de la F.C.O.I. Nous nous découvrons quasiment chaque jour un peu plus, à distance à travers nos échanges sur le fonctionnement et les actions de la F.C.O.I. Les rencontres des Seychelles vont nous permettre de faire le point, non plus à travers des e-mails, des conversations téléphoniques et des courriers postaux ; mais face à face autour d’une même table. Cela est très important. Si nous en avions les moyens, nous nous rencontrerions plus souvent.
Ces rencontres vont nous permettre d’échanger, de préciser, et de publier ensemble nos objectifs et leurs contenus. Les choses, à cet égard, ont fait des bonds de géant depuis Flic en Flac à Maurice en 2002. La promotion de l’identité indianocéanique et les moyens de l’assurer sont mieux définis, le concept de coopération communautaire est plus précis, la construction d’une future Union indianocéanique est plus franchement affichée. Nous débattrons de tout cela et l’évaluerons au niveau des différentes délégations aux Seychelles. Mais par dessus tout, les rencontres seront l’expression physique de la réalité indianocéanique au niveau des sociétés civiles que nous représentons. Un commencement de l’union des peuples qui devra s’élargir d’année en année, appelée à devenir partenaire d’une union des États.

Vous parlez beaucoup d’indianocéanité. Que recouvre ce concept ?
L’Indianocéanité est la base, le fondement, le socle culturel de la coopération communautaire que nous voulons promouvoir pour constituer la future Union indianocéanique. L’Indianocéanité concerne les pays représentés au sein de la Commission de l’océan Indien, (C.O.I.)
C’est ce patrimoine culturel issu de l’Histoire, de la politique, du mouvement et des métissages des populations, des langues, etc. que ces pays partagent entre eux dans un espace insulaire bien délimité qui constitue l’Indianocéanité.
C’est ce patrimoine partagé qui fait que les peuples sont des peuples réellement cousins et qui peut faire penser qu’il leur serait possible et intéressant d’organiser entre eux, une union, un partage de leurs ressources pour construire un avenir commun dans le respect, bien entendu, des réalités nationales et locales respectives des uns et des autres.
Dans cet esprit communautaire, possible en raison du socle culturel commun, la coopération ne se passe plus entre pays riches qui donnent et pays pauvres qui reçoivent, mais entre peuples différents, mais d’une même famille qui, tous, donnent selon leurs moyens et qui, tous, reçoivent selon leurs besoins. Dans cet esprit et dans ce fonctionnement communautaire, l’objectif est le développement de l’Indianocéanie, globalement. Les disparités actuelles des situations matérielles et morales entre nos îles devront s’atténuer et, à terme, disparaître.

En quoi la F.C.O.I. peut-elle permettre le développement de l’Indianocéanité ?
La F.C.O.I. permettra le développement de l’Indianocéanité si elle réussit à faire partager la vision communautaire que supposent l’Indianocéanie, le concept d’Indianocéanité par les opinions publiques, les sociétés civiles, les acteurs économiques, sociaux, culturels, les États indianocéaniens et la communauté économique.
Ce patrimoine indianocéanien, permettant aux pays qui le partagent de travailler plus étroitement ensemble s’ils en ont la volonté, élargira les bases du développement pour chacun d’eux : marchés intérieurs, échelle des moyens de l’export, capacités de mises en valeur, désinsularisation, espaces d’activités, poids de leur présence dans le monde, etc. Avec leurs bases propres, les États de l’Union pourront mieux négocier des aides extérieures dans le sens d’un développement plus rapide et durable de leur pays, unis au sein de la communauté, mais aussi dans le cadre de négociations bilatérales.
Il faudrait cependant que les États se dotent de l’outil de cette politique. Cet outil existe, c’est la C.O.I. Mais une autre C.O.I. Les nouvelles orientations de la commission vont dans le bon sens, mais pas suffisamment. La C.O.I. ne doit plus être ce qu’elle est pratiquement devenue, une agence technique de mise en œuvre des projets financés par l’Union européenne exclusivement.
L’entreprise est ambitieuse. Il est difficile, dans le cadre de cet entretien, d’ouvrir toutes les perspectives. En tout état de cause, il faudra avancer sûrement, donc progressivement, en s’armant de patience, raison de plus pour s’y mettre sans trop attendre.


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