Les D.O.M. et l’élargissement de l’Europe

Quatre dossiers clé

7 juin 2004

L’UE élargie à 25 États, confrontée à la compétition mondiale, doit faire évoluer aussi bien ses institutions que ses politiques. Elle doit définir de nouvelles règles, clarifier ses objectifs : c’est l’objet de la future Constitution européenne. Elle doit adapter ses politiques aux accords de l’OMC, ce qui entraîne des conséquences pour ses productions de base comme le sucre, ou encore l’oblige à rechercher des accords préférentiels avec d’autres regroupements de pays. Enfin l’élargissement à 10 pays moins développés que la moyenne européenne exige une nouvelle orientation de la politique de cohésion. Quatre enjeux qui concernent directement les départements d’outre-mer et dont le Parlement européen sera l’un des acteurs.


1) La mondialisation ou les accords commerciaux internationaux

Depuis plusieurs années, on assiste à une accélération des échanges internationaux dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à laquelle a adhéré en 2003 le plus grand pays du monde : la Chine. Sur fond de mondialisation, on voit se développer à l’échelle du monde la création de blocs régionaux : l’Union européenne mais aussi la MERCOSUR en Amérique du Sud, l’ALENA en Amérique du Nord, l’ASEAN en Asie, la COMESA en Afrique etc... Entre eux, ces blocs cherchent à nouer des accords préférentiels qui, compte tenu de leurs puissances, marginalisent les petits États ou les États les plus pauvres.
L’Union européenne est engagée dans ce processus, notamment dans notre zone géographique. Elle a ainsi décidé de développer des accords de partenariat économiques régionaux, d’ici 2008, avec la COMESA qui regroupe les pays d’Afrique australe et de l’Est.

La Réunion en première ligne

Ces accords se basent sur une donnée : une libéralisation des échanges asymétriques : les produits du COMESA ont droit à un accès libre au marché européen, très rapidement ; dans l’autre sens, les produits européens accéderont au marché de la COMESA, plus tard.
La Réunion, région européenne la plus proche des pays du COMESA, est donc en première ligne, d’autant que certaines productions de ces pays sont aussi produites dans l’île.
Depuis le mémorandum qu’elles ont adopté à Cayenne, les Régions ultra-périphériques (RUP) insistent auprès de Bruxelles pour que cette particularité soit prise en compte afin de favoriser un co-développement durable favorable à tous. Dans la communication de la commission adoptée le 28 mai dernier, un premier progrès a été accompli avec l’engagement de développer la coopération régionale et de tenir compte des RUP dans les négociations commerciales qui ont débuté et qui dureront jusqu’en 2008.

La Réunion est en première ligne devant la libération des échanges entre l’Union européenne et ses partenaires. (photo Imaz Press Réunion)

2) Le sucre

La question de l’avenir de la filière canne-sucre-rhum est vitale pour La Réunion. Ce d’autant plus que le savoir-faire réunionnais a permis de prolonger les débouchés de cette filière vers la production d’électricité avec les centrales du Gol et de Bois Rouge. De même, on ne peut sous-estimer l’impact sur la gestion et l’aménagement du territoire de la filière.
Jusqu’à aujourd’hui, La Réunion a bénéficié pour sa production sucrière d’un soutien de l’Europe : depuis les champs jusqu’aux raffineries en passant par les usines, le transport, la recherche agronomique... et bien sûr dans le cadre de l’Organisation du marché communautaire du sucre (l’OCM-sucre). C’est la garantie d’écoulement d’un quota de 300.000 tonnes à un prix soutenu.

Une décision de l’OMC en juillet

Aujourd’hui, dans le cadre de l’élargissement et de la mondialisation, l’Union européenne doit modifier l’organisation de son marché du sucre en même temps que de grands producteurs mondiaux, comme le Brésil. Ces derniers réclament la suppression de toutes les subventions européennes. Les tribunaux de l’organisation mondiale du commerce rendront, à ce sujet, leur décision en juillet 2004. Mais un précédent jugement pris dans un autre dossier (celui des subventions accordées par les États-Unis à ses producteurs de coton) laisse entendre que l’OMC donnera raison au Brésil, à la Thaïlande et à l’Australie dans le dossier “sucre”.
Aussi, préférant anticiper, l’Union européenne a engagé des discussions afin de réformer sa politique sucrière. Aujourd’hui, elle s’oriente vers un découplage des aides par rapport à la production et vers une baisse du prix du sucre.
Dès 2003, la Région Réunion a engagé une action qui a permis d’obtenir que l’UE prévoit un traitement particulier pour le sucre réunionnais. Mais jusqu’à aujourd’hui, l’UE refuse de dire ce que sera ce traitement particulier. Elle le fera à partir de juillet 2004, en s’adressant au Conseil de l’UE et au nouveau Parlement européen élu le 13 juin.

L’avenir de la filière canne-sucre-rhum : une question vitale pour La Réunion. (photo Kalo)

3) La solidarité

Depuis 1987, La Réunion a bénéficié d’importants financements européens, d’abord avec l’Opération intégrée de développement (OID), puis surtout avec trois plans de développement régional (PDR) successifs. Le dernier couvre la période 2000-2007 et représente un apport de plus 1,5 milliard d’euros au titre de l’objectif 1 de la politique de cohésion économique et sociale.
Dans la nouvelle Union européenne, cette politique de cohésion va devenir le premier poste budgétaire des dépenses européennes, car le retard des nouveaux États membres par rapport à la moyenne européenne est très important.

Deux programmes supplémentaires

L’UE doit donc réviser les règles de cette politique. Mais tous les États ne sont pas d’accord et six d’entre eux, dont la France, veulent limiter les dépenses communautaires après 2006 - lorsque l’élargissement prendra tous ses effets - en les maintenant à leur niveau actuel.
Dès 2002, les présidents des RUP se sont mobilisés pour défendre leurs régions. Un premier résultat a été obtenu en ce début d’année : les RUP bénéficieront de cette politique générale avec, en outre, deux programmes supplémentaires : l’un pour compenser les surcoûts, l’autre pour favoriser la coopération régionale.
Mais les montants de ces aides dépendront de la décision des États et du vote par le Parlement européen des budgets. Les négociations vont durer jusqu’en 2005. D’où l’importance des élections européennes du 13 juin.

Depuis 1987, La Réunion a bénéficié d’importants financements européens qui permettent d’entreprendre des chantiers essentiels pour l’aménagement de notre territoire. (photo Imaz Press Réunion)

4) Les RUP dans la Constitution européenne

Traduction de leur situation particulière au sein de l’Union, les RUP ont obtenu leur reconnaissance juridique dans le traité d’Amsterdam avec l’article 299-2, qui permet d’adapter les politiques européennes à leur réalité.
L’élargissement de l’UE entraîne une réécriture des traités. Cette tâche à été confiée à une instance dirigée par l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing : la Convention européenne.
Grâce à l’action constante des présidents des RUP, la Convention a proposé dans son projet de constitution de garder la reconnaissance du statut spécifique de nos régions.
Le 18 juin prochain, la Conférence inter gouvernementale des États (CIG), qui se réunira ce jour-là, décidera de l’avenir du projet de Constitution proposé par la Convention. En cas d’accord, chacun des 25 États devra ensuite l’approuver, soit en organisant un référendum, soit en faisant voter l’ensemble de leurs parlementaires (députés et sénateurs pour la France qui seront réunis en Congrès). Dans chaque État-membre, un débat s’est ouvert quant à la manière avec laquelle le projet de Constitution sera adopté. Les partisans d’une décision démocratique souhaitent que les populations soient consultées.

Une situation qui peut évoluer

Ceci étant, dans les discussions en cours entre les États, la situation des RUP peut changer car :
1) d’autres Régions d’Europe qui connaissent des handicaps permanents comme les zones de montagne, les îles voudront bénéficier d’un statut identique à celui des RUP, tout en appartenant au continent européen ;
2) d’autres territoires qui sont actuellement seulement associés à l’Europe - car les obligations des traités européens ne s’appliquent pas à eux - souhaitent devenir des RUP ; c’est notamment le cas de Mayotte ;
3) d’autres enfin exigent d’être mieux traités qu’actuellement. C’est par exemple le cas de la Polynésie française qui est rangée dans la catégorie des PTOM et qui demande que l’Europe fasse plus d’efforts à son égard.
Tout cela exige, de la part des présidents des RUP, un suivi attentif du dossier, et c’est la Région Réunion qui a été chargée de cette tâche.


La région, partenaire privilégiée des institutions européennes

L’Organisation institutionnelle interne de chaque État-membre - qui est très variable d’un pays à l’autre - a été marquée pendant ces vingt cinq dernières années par le développement de la décentralisation. C’est une donnée que l’Union européenne a dû prendre en compte.
De leur côté, les régions européennes, se rendant compte qu’elles avaient de plus en plus la responsabilité de mettre en œuvre des décisions prises dans le cadre européen, se sont organisées pour cela. Ainsi est né le dialogue institutionnel de l’Union avec les régions : un comité des régions a été créé, et le projet de Constitution qui sera examiné par la CIG du 16 juin prochain renforce cette dimension territoriale de l’UE.
Dès sa création, la Région Réunion a compris l’importance de ce partenariat : son premier président en exercice a fait adhérer La Réunion à la “conférence des Régions Perylan et New times”. De là est née la coopération des régions françaises d’outre-mer avec les Açores, Madère et Canaries, coopération officialisée quelques années plus tard par l’installation de la “conférence des présidents des RUP”. Depuis, cette conférence est devenue le premier partenaire institutionnel de l’UE, comme le souligne la communication adoptée le 26 mai par la Commission européenne.
Le Parlement européen, régulièrement informé des positions de le conférence, est un relais important pour les RUP.


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