Corse

Quelles incidences pour les D.F.A. ?

Vers un nouveau statut

11 avril 2003

Les institutions insulaires corses se divisent actuellement en trois collectivités : l’assemblée de Corse, qui tient lieu de Conseil régional, et les deux Conseils généraux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud. Le projet gouvernemental de nouveau statut pour la Corse prévoit notamment de substituer à cette organisation une assemblée unique, qui réunirait en un même lieu les compétences des deux instances départementales et de l’assemblée régionale.
Lors de sa visite en Corse lundi dernier, Jean-Pierre Raffarin a précisé les principes de « simplicité, [de] cohérence [et de] proximité » organisant ce projet de nouveau statut. Il a notamment souligné que la future assemblée unique « exercera toutes les compétences des régions et des départements, et aura en charge le développement économique et social ».
Le référendum local organisé le 6 juillet prochain en Corse pour consulter la population sur ce nouveau statut s’inscrit dans le cadre de la réforme de la décentralisation, désormais incluse dans la Constitution. Et comme l’a souligné le Premier ministre sur "France 3", cette consultation, inédite en France, sera « la première application de la réforme constitutionnelle sur la décentralisation ».

Résultats d’une Histoire

Dans le discours qu’il a prononcé à Ajaccio, le Premier ministre a longuement justifié l’initiative qu’il prenait.
« Pour la première fois de votre longue Histoire, vous qui participez à la vie de l’île, vous choisirez directement vos institutions politiques », a-t-il dit. Il a expliqué que « le retard économique préoccupant », les « trop nombreuses hésitations institutionnelles » et « la violence, qui additionne vols, rackets, destruction de biens publics ou privés, assassinats » sont les résultats de l’Histoire, des mutations économiques ayant bouleversé la société insulaire ainsi que la confrontation qui s’est installée, « chacun s’observant sans se voir, s’écoutant sans s’entendre ». « Il faut que l’État et les institutions locales changent aussi pour s’adapter à ces enjeux nouveaux et pour ainsi mieux remplir leur rôle », a dit le Premier ministre. « C’est pour cette raison que j’ai souhaité une action forte de décentralisation, dont la réforme de la Constitution est la première réalisation. La Corse prend la tête de la nouvelle régionalisation française ».

Valable pour d’autres régions

Posant la question : « Pourquoi changer les institutions de la Corse ? », le Premier ministre note que « la Corse est partie intégrante de la République » mais que l’on ne peut « nier que l’insularité pose un problème particulier : le strict décalquage de l’organisation administrative française a conduit à faire coexister dans l’île deux départements et une région alors que la Corse ne compte que 260.000 habitants ».
« On ne peut s’empêcher de penser que l’union des moyens et des compétences permettrait d’obtenir de meilleurs résultats. Ce message me paraît vrai pour d’autres régions de France », explique Jean-Pierre Raffarin avant de présenter les nouvelles institutions que le gouvernement propose aux Corses. Le Premier ministre reconnaît prendre un risque en soumettant par référendum le projet gouvernemental. Mais il a affirmé assumer ce risque.
Ainsi donc, à partir de la réforme constitutionnelle récemment adoptée par le Parlement réuni en Congrès, c’est le gouvernement - et non les Corses ou leurs représentants élus - qui prend l’initiative de proposer de nouvelles institutions et de consulter les Corses. Sa démarche n’est pas la même que celle adoptée pour la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane qui, elles, sont demandeuses d’un changement statutaire.

Les propositions des D.F.A.

La ministre de l’Outre-mer a demandé aux élus des D.F.A. (départements français d’Amérique) de lui faire leurs propositions, tout en s’engageant à les soumettre à référendum.
Le projet gouvernemental pour la Corse fait disparaître un échelon administratif : le "département". Les deux départements corses actuels seront remplacés par deux Conseils territoriaux (de Haute-Corse et de Corse du Sud) qui exerceront, par délégation, les compétences de proximité. Une proposition qui remet en cause la sacralisation du Département.
C’est une autre unité administrative qui se trouve valorisée : « la Corse est partie intégrante de la République. À ce titre, elle bénéficie des institutions dont notre pays s’est progressivement doté. C’est ainsi que, comme ailleurs en France, la commune est l’unité de base de la démocratie locale », a souligné Jean-Pierre Raffarin.
Le projet d’assemblée unique, proposé en 1982 aux départements d’outre-mer, avait été recalé par le Conseil constitutionnel au prétexte qu’il faisait disparaître l’unité de base du Département, le canton. Si l’élection pour désigner les membres de l’assemblée unique s’était faite sur une base cantonale et non à l’échelle régionale, le projet aurait été accepté. Comment sera réglé le problème en Corse ?

Et la bidép...

Dans le débat sur la création de deux départements à La Réunion, les adversaires de la réforme administrative avaient fait un parallèle avec le régime administratif corse et avaient trouvé un argument bien spécieux : c’est la création d’un deuxième département qui aurait été à l’origine de tous les problèmes corses, y compris la violence. On l’a vu, le Premier ministre non seulement donne une autre vision des causes de la situation dans l’île de Beauté mais encore il fait disparaître les deux entités départementales, sans en conserver une seule !
Quelle sera la réaction des Guadeloupéens, des Martiniquais et des Guyanais à la suite de l’initiative du Premier ministre ? Au moment où nous écrivons ces lignes, nous l’ignorons. Il n’en reste pas moins que la voie devant les conduire à un changement statutaire n’est pas facile. Les élus guyanais et martiniquais ont fait connaître au gouvernement leur projet. Mais, aux yeux de la ministre de l’Outre-mer, ces propositions ne sont pas conformes aux dispositions de la nouvelle Constitution. Brigitte Girardin leur a demandé de revoir, en quelque sorte leur "copie".

Interpeller les élus

Les Antillais-Guyanais devront aussi compter avec une opinion publique sceptique. Un récent sondage effectué en Guadeloupe pour le journal "France Antilles" indique que la question du statut n’est pas une priorité et que l’assemblée unique est loin de faire l’unanimité.
Les résultats de l’étude « vont interpeller nombre d’élus. D’autant qu’ils font apparaître, une fois encore, un décalage entre la population et sa classe politique », écrit le journal antillais. Mais ce dernier ajoute : « la lecture des réponses apportées révèle aussi une carence d’information autour des enjeux du débat ». Ce qui n’est pas propre aux Antilles.

De la Corse aux D.O.M. : une question d’argent
De l’intervention du Premier ministre lundi dernier à Ajaccio, on retiendra surtout sa proposition de référendum sur le statut de l’île. Mais d’autres propos de Jean-Pierre Raffarin mériteraient qu’on leur prête attention.
En effet, le Premier ministre a rappelé que la loi du 22 janvier 2002 a été mise en application et qu’elle prévoit une aide budgétaire importante : « 2 milliards d’euros sur 15 ans ». « J’ai veillé à ce que les crédits prévus soient inscrits malgré une situation budgétaire difficile », a ajouté Jean-Pierre Raffarin.

Le 12 mars dernier, le Conseil des ministres adoptait le projet de loi-programme pour l’outre-mer. Interrogée par "le Quotidien" deux jours plus tard, Brigitte Girardin réagissait : « Je tiens à dire que dans le contexte actuel, passer une loi-programme de 270 millions d’euros par an est une performance ».

Comme la loi-programme est, elle aussi prévue pour 15 ans, son montant total devrait s’élever à 4 milliard 50 millions d’euros.

Si nous comprenons bien, les 260.000 Corses bénéficieront sur 15 ans de 2 milliards d’euros d’investissement. Sur la même période, le gouvernement va mettre en œuvre pour les 740.000 Réunionnais, 170.000 Mahorais, 428.000 Guadeloupéens, 387.000 Martiniquais, 152.000 Guyanais - sans compter les Wallisiens, les Tahitiens, les Kanaks et les Saint-Pierrais - une loi-programme qui devrait être financée à hauteur de 4 milliards 50 millions d’euros.
Ajoutons que les Corses bénéficient d’une dotation, au titre de la continuité territoriale, d’environ 1 milliard d’euros par an.


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