Le chef du gouvernement stigmatise les opposants au Traité constitutionnel européen

Qui sont les conservateurs ?

2 avril 2005

Annoncé comme l’entrée dans la campagne du Premier ministre, le dîner-débat organisé mercredi à Lyon a été marqué par des prises de position de Jean-Pierre Raffarin à l’encontre de ceux qui ne partagent pas son point de vue au sujet du projet de Traité constitutionnel européen. Selon le chef du gouvernement, dire “non” à la question posée au référendum, c’est être conservateur. Un argument très curieux quand on constate que le résultat de la politique conduite par ce dirigeant est justement le démantèlement de plusieurs décennies d’avancées sociales.

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Le "“oui” de changement" contre le "“non” conservateur", le moins que l’on puisse dire, c’est que le chef du gouvernement ne fait pas de détail.
Pour de nombreux observateurs, c’est ce mercredi 30 mars que Jean-Pierre Raffarin est entré dans la campagne du référendum. Le chef du gouvernement compte peser sur le débat, soutenant activement le camp du “oui” au Traité constitutionnel européen, soumis à référendum le 29 mai prochain. Deux mois qui, selon le Premier ministre, seront marqués par une vingtaine de réunions "d’explication". Mercredi soir, lors d’un dîner-débat organisé à Lyon, le chef du gouvernement a donné le ton : un discours pour le moins agressif envers ceux qui ne partagent pas son point de vue. Selon lui, les partisans du “non” utilisent des "mensonges" et il promet l’isolement de la France en cas de refus du projet.
Mais sans nul doute, l’argument qui fera date est celui du "“oui” au changement" opposé au "“non” conservateur".
Voici donc un dirigeant qui accuse les tenants du “non” au référendum d’être des conservateurs alors qu’il est le chef d’une majorité qui depuis plus de deux ans vote des lois qui remettent en cause plusieurs décennies de progrès social. Au-delà de la contradiction, on peut souligner que cet “argument-phare” s’appuie sur le point de vue de dirigeants du PS pour qui le projet de Traité constitutionnel est porteur d’avancées sociales. Il suffit de se remémorer les propos tenus mercredi dans l’enceinte du Conseil général par le parlementaire socialiste Jean-Claude Fruteau. Selon ce dernier, le traité proposé "est le plus progressiste (...) le plus démocratique".

Un recul avec l’article II-75

Avec de tels soutiens issus d’un parti qui revendique son appartenance au camp progressiste, en appelant à l’héritage de Jean Jaurès ou de Léon Blum, nul doute que Jean-Pierre Raffarin croit jouer sur du velours et stigmatise ses adversaires en les accusant d’être des conservateurs. C’est du pain béni pour lui que d’affirmer que ce sont justement ceux qui se présentent comme les défenseurs historiques des plus démunis et du progrès social qui soutiennent avec lui ce projet.
Pourtant, il suffit simplement de se reporter à un point précis de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, deuxième partie du traité, pour relever un point qui à lui seul est révélateur d’un recul considérable des droits sociaux, ce qui signifie donc une victoire pour les conservateurs.
L’article II-75, relatif à la “Liberté professionnelle et droit de travailler” stipule dans son premier alinéa que "toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée", tandis que son deuxième alinéa affirme notamment que "tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi". Or, que dit la Constitution de la Vème République sous le régime de laquelle nous vivons ? Elle reprend le préambule de la Constitution de la IVème République qui inscrit dans le marbre que "chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi".

Perte d’une créance

Que dire de plus sinon que l’on observe un recul. Aujourd’hui, chacun peut revendiquer l’obtention d’un travail, c’est un droit lié à sa personne, garanti par la Constitution. Le "droit de travailler" est une formulation beaucoup plus vague, qui est liée à celle de "liberté de chercher un emploi", et force est de constater que le droit à l’emploi n’est plus garanti. C’est un acquis symbolique, obtenu au lendemain de la victoire sur le nazisme et inspiré du programme du Conseil national de la résistance, qui est remis en cause. Un acquis autour duquel se sont construites des politiques sociales, destinées à lutter contre le chômage de masse que l’on subit depuis déjà de nombreuses années, en particulier à La Réunion. Si l’on enlève au citoyen cette créance, quelle garantie a-t-il que les politiques de lutte contre le chômage vont effectivement se poursuivre, puisqu’au cas où le projet de Traité constitutionnel entrait en vigueur, il ne lui resterait plus que la "liberté de chercher un emploi".
Nous sommes là au cœur d’un retour au passé, qui signifierait la négation de plusieurs décennies d’acquis sociaux. Remettre en cause ce qui permet le changement social, n’est-ce pas cela être conservateur ? C’est pourtant la ligne de ce gouvernement depuis plus de deux ans. Or, le projet de Traité constitutionnel multiplie les articles qui peuvent être interprétés comme voisins de cette ligne. Et le seul changement le plus visible est la porte ouverte à un recul des droits tels que les concevaient ceux qui se donnaient pour objectif de fonder une nouvelle société au lendemain du second conflit mondial. Un changement très tendance “conservateur” qui semble tromper de moins en moins sur sa véritable nature.

Manuel Marchal


An plis ke sa

o Chirac à 36% et Raffarin à 27%
La cote de confiance de Jacques Chirac est restée stable en mars, et celle de son Premier ministre a perdu un point, selon un sondage TNS-Sofres publié aujourd’hui par "Le Figaro magazine".
La cote de confiance du président de la République reste stable à 36%. Soixante-deux pour cent des personnes interrogées ne font "pas" ou "plutôt pas" confiance au chef de l’État pour résoudre les problèmes qui se posent en France actuellement.
Le Premier ministre perd lui un point, sa cote de confiance s’établissant à 27%. Ils sont 71% à ne pas lui faire confiance.

o Le P.S. compte sur Jacques Chirac
Le directeur de campagne du PS pour le référendum, François Rebsamen, a espéré jeudi que l’intervention de Jacques Chirac le 7 avril puisse répondre au "besoin d’explication" sur le Traité constitutionnel pour lever la "confusion" ambiante.
"Il y a un besoin d’explication qu’on ne peut pas faire du Japon", a déclaré M. Rebsamen .

o Jack Lang attaque violemment les socialistes partisans du “non”
Porte-parole de la campagne du PS pour le référendum sur la Constitution européenne, Jack Lang a dénoncé jeudi soir à Marseille les soi-disant "mensonges", "sornettes" et "manquements à l’honnêteté intellectuelle" des tenants du “non” au PS, les accusant d’être "les complices objectifs de l’ultralibéralisme" et "des marchands d’illusion".

o Borloo ne croit pas aux promesses de Raffarin
Jean-Louis Borloo, ministre de la Cohésion sociale, a demandé hier sur LCI, aux patrons français de "recruter d’urgence les jeunes de 16-24 ans" car la "pyramide des âges" et "le patriotisme des entreprises l’exigent".
"Les entrepreneurs français ont besoin des jeunes apprentis. On (le gouvernement) a fait, nous, notre boulot : une exonération de 1.600 euros par an pour un jeune pris", a déclaré M. Borloo.
Le ministre de la Cohésion sociale avait estimé la veille que l’engagement de Jean-Pierre Raffarin d’une baisse du chômage de 10% en 2005 ne serait "probablement pas tenu précisément sur les chiffres annoncés".
Ces exhortations du ministre ont de quoi inquiéter. Si le Plan de cohésion sociale ne devait son salut qu’au patriotisme patronal...


Référendum : Café citoyen à Saint-Pierre avec ATTAC Réunion

“Europe quand j’écris ton nom”

À l’occasion du prochain référendum, un café citoyen est organisé par ATTAC Réunion à Saint-Pierre le 15 avril à 18 heures chez Juan, à l’étage du 36, rue Désiré Barquisseau (angle de la rue des Bons Enfants)
Tél : 0692.09.58.01.
Voici le texte de l’appel diffusé par les organisateurs : "Pourquoi nous devons dire “non” à l’Europe libérale ? Il sera répondu à cette question dans un exposé clairvoyant, analysant et comparant des articles du Traité constitutionnel, les juxtaposant pour nous faire comprendre les enjeux de cette Europe-là où le mot peuple n’est inscrit nulle part, mais le marché est cité 78 fois et la concurrence 27 fois.
Les services publics disparaissent pour être rebaptisés services d’intérêt économique général, dont les missions ne doivent pas éliminer la concurrence etc. Venez nombreux. L’heure est à l’écoute et aux questionnements".


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