Réchauffement sur les frontières du Kurdistan d’Irak sur un fond de tension Américano-Turc - 2 -

6 novembre 2007

Bruits de bottes à la frontière du Kurdistan

Les derniers affrontements entre l’armée turque et les combattants du PKK ont touché profondément le moral des Turcs (perte de 15 soldats) n’ont fait que gonfler l’abcès. La colère des militaires turcs a atteint des sommets, le Général Ilker Basboug, chef de l’armée de terre, lors d’un discours adressé aux cadets de l’académie militaire d’Istanbul le 24 septembre, a averti les responsables états-uniens qu’aucune solution durable en Irak ne pourrait avoir lieu sans le soutien de son pays. Il a ajouté : « les soldats turcs mènent actuellement des opérations de recherches afin de détruire les unités du PKK avant l’arrivée de l’hiver ».

L’armée turque hausse le ton

Quant au Général Yasar Büyükanit, chef de l’armée, il a averti les pays voisins de la Turquie, sans les nommer, contre tout aide accordée aux combattants du PKK, en insistant sur le fait que ceux-ci ne peuvent pas mener leurs attaques sans un soutien extérieur. Le Général a également exprimé l’inquiétude et le souci de l’Establishment militaire à l’égard d’une entité kurde indépendante dans le nord de l’Irak car elle constitue un risque politique et sécuritaire pour son pays.
A cela, il faut ajouter une question chronique et complexe, à savoir l’activité des combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui trouve refuge à la frontière entre les deux pays dans une zone montagneuse, dite Qandil, à cheval sur les deux pays dont l’accès est hyper difficile.

Tentatives de réconciliations

Bien que les deux pays s’efforcent de normaliser la situation en ce qui concerne les événements du premier mars et 4 juillet 2003, selon une déclaration récente du Général Halimi Özkök chef de l’armée turque à cette époque, les choses se compliquent chaque jour.

Le gouvernement central à Bagdad

Quant au gouvernement central irakien de Monsieur Maliki, dépourvu de moyens efficaces de gouverner, occupé par des problèmes quotidiens d’ordre économique, politique et sécuritaire, la tension sur les frontières avec la Turquie le dépasse.
Ainsi la visite de Monsieur Nouri Al-Maliki, Premier ministre irakien à Ankara qui a eu lieu le 08 août suivie par celle de Monsieur Jawad al-Boulani, Ministre de l’intérieur le 28 septembre dans le but d’apaiser la tension entre les deux pays, n’a pas pu répondre, malgré les apparences, aux attentes et aux exigences des autorités turques qui souhaitaient une sécurisation totale de leurs frontières avec celles du nord de l’Irak par le biais d’un délogement de 4.000 à 12.000 combattants du PKK, qui selon Ankara lancent des attaques contre son territoire à partir de l’Iraq.
Monsieur Maliki, qui se trouvait déjà en position, politiquement fragile, du fait que son cabinet ministériel soit abandonné par deux groupes importants à l’assemblée nationale, n’a pas pu signer comme Ankara le souhaitait « un accord exécutif de sécurité », mais il l’a remplacé par un « mémorandum d’entente » qui permet d’accélérer les démarches aboutissant à la signature d’un « pacte d’anti-terrorisme ».
La visite de son Ministre de l’intérieur a fini par la conclusion de plusieurs accords après quatre jours de négociations difficiles. La poursuite des militants du PKK dans les territoires irakiens sans avoir l’autorisation préalable de Bagdad (main libre), comme cela a été le cas sous le régime de Saddam Hussein, n’a pas pu être signée.
À sa décharge, Monsieur Al-Maliki doit tenir compte du puissant gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, qui n’a pas la même lecture que celle des autorités turques concernant le PKK. Monsieur Jamal Abdullah, le porte parole de ce gouvernement considère que la question du PKK est avant tout, une extension de la vie politique turque, autrement dit que c’est un problème turco-turc.
Pour le ministre des Peshmergas kurdes, Monsieur Sheikh Ja’afar la question du PKK doit être résolue par la voie politique et ses forces (110.000 à 120.000 hommes bien entraînés et équipés) ne participeront à aucune opération contre ces combattants.
Quant à Abdul Rahman Jadarji, membre de la commission diplomatique du PKK, il a demandé au Premier ministre irakien de revoir ses déclarations à Ankara notamment en ce qui concerne le mémorandum signé quelques jours plutôt.
De toute façon et selon le professeur Mounem Altai, spécialiste de la Loi à l’université Al-Moustansirya, le gouvernement central ne dispose aucun moyen permettant d’appliquer le contenu de ces accords dans la Province du Kurdistan sans l’accord préalable de ses dirigeants.
En bref, et par ordre alphabétique, américains, kurdes, turcs, on demande à Monsieur Al-Maliki l’impossible. Certes, avec cette entente avec la Turquie la guerre a été repoussée, mais pour combien de temps ?

Sur la frontière iranienne aussi

Actuellement, des sites kurdes nous rapportent que les territoires frontaliers subissent des tirs de canons sporadiques de l’artillerie turque et iranienne pendant plusieurs heures presque quotidiennement. Récemment, le 24 septembre, la République Islamique d’Iran a reconnu pour la première fois ces faits. Le Général Yayha Rahim Safavi, le conseiller militaire de l’ Ayatollah Ali Khamenei a expliqué que son gouvernement a déjà informé son homologue irakien de la nécessité d’éloigner les combattants de "Vie libre au Kurdistan" (PJAK), la branche iranienne du PKK selon Téhéran, qui mènent des opérations en Iran à partir des bases qui se trouvent à 10 km de profondeur à l’intérieur de l’Iraq.
De son côté Monsieur Ali Larijani, Président du Conseil Supérieur de la sécurité a accusé les américains de soutenir les PJAK. Pour lui, la fragilité et la faiblesse de la position américaine en Irak les poussent à aider des groupes comme le PJAK afin d’effectuer des opérations à l’intérieur de l’Iran : sabotage et endommagement de pipelines pétroliers. Par contre, ce qui intrigue, c’est le silence radio pratiqué par l’armée et les responsables états-uniens sur place concernant ces bombardements.

Fayez Nahabieh


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