Assemblée générale des Nations unies

Reconnaissance de l’État palestinien : des leçons d’un vote historique

3 décembre 2012

Le vote du 29 novembre 2012 méritait qu’on revienne sur quelques éléments utiles pour saisir la réalité des changements en cours et confronter nos réflexions.

Nous sommes le 14 novembre 2012, il y a 2 semaines à peine. Israël triomphait sur le terrain militaire et sur le web dans la sale guerre qu’il mène contre le peuple palestinien depuis 65 ans. La scène de l’assassinat du chef militaire du Hamas, Ahmed Jabari, est filmée et montrée sur YouTube, Facebook et Twitter. La guerre est un jeu où il y a un vainqueur, et c’est bien sûr Israël. Le cadavre et la voiture déchiquetée de la victime sont présentés comme des trophées de guerre. Les messages sont partagés en boucle sur les réseaux sociaux et repris par les autres types de médias. De toutes les géographies de la planète, les gens réagissent et inter-réagissent.

En mondialisant les scènes de guerre, Israël a soulevé l’indignation de larges couches de population peu habituées à ces réalités. Cela a impacté la position politique des États membres de l’ONU. C’est l’une des raisons qui ont probablement conduit à l’isolement extrême d’Israël. La Palestine a reçu le vote positif de 138 États. Le plus spectaculaire fut la position des pays européens les plus influents qui se sont partagés en votant soit en faveur de la Palestine, soit en se réfugiant dans l’abstention. Au final, sur 147 exprimés, seulement 9 pays, dont les États-Unis et le Canada, ont voté contre la reconnaissance de l’État palestinien.

L’effet boomerang

Le 29 novembre 2012, seulement 15 jours après le triomphe militaire et médiatique d’Israël, c’est la débâcle. Désormais, Israël est placé sous le jugement d’une opinion mondiale mieux avertie et contrôlant le vote de leur gouvernement respectif. Or, c’est justement ce scénario que craignaient Israël et les États-Unis. Durant 6 décennies, ils ont tout tenté pour priver la Palestine d’une tribune de dimension mondiale.

Maintenant, ils craignent que, grâce à sa stature internationale, l’Autorité de la Palestine demande l’adhésion de l’État palestinien au Tribunal pénal international (CPI) qui juge les fauteurs de crimes de guerre et des génocides. Dans le cas précis, les preuves ne manquent pas : Israël a fourni suffisamment de pièces à conviction sur YouTube, Facebook et Twitter.

C’est probablement parce qu’il est conscient de cet atout qu’il a en mains que Mahmoud Abbas a déclaré qu’il ne l’utiliserait qu’en cas de nouvelle agression. Cette attitude non revancharde est un argument qui comptera dans le vote des électeurs israéliens lors des législatives anticipées du 22 janvier 2013. Des électeurs qui ont manifesté bruyamment l’an dernier pour que leur gouvernement dépense plus pour la justice sociale et la baisse des prix que pour la guerre. Faciliter l’émergence d’une majorité conciliante est nécessaire pour entamer les négociations de Paix, en particulier pour traiter les problèmes de frontière, de sécurité, du retour des réfugiés, etc.

Comme quoi, il n’y a jamais de situation désespérée

Sommes-nous témoins d’un profond changement à la direction des affaires du monde ? Nous avons encore en mémoire les scènes terribles d’affrontements entre Palestiniens, entre le Hamas et le Fatah, alimentés par des stratégies différentes et des enjeux de pouvoirs. De même, on se souvient des images montrant l’armée israélienne encerclant Yasser Arafat, enfermé dans le seul pavillon de l’hôpital de Ramallah qui n’avait pas encore été détruit. Mais au-delà de ces facteurs internes aux acteurs impliqués dans la guerre, et de ses évolutions, un changement important est intervenu dans les rapports mondiaux.

En effet, qui aurait pu penser que les États-Unis étaient à ce point devenu si impuissants qu’ils n’ont plus été capables d’entraîner davantage de gouvernements sur leur position de refus, y compris leurs alliés historiques ? Ce vote révèle, en fait, la profondeur de la crise politique mondiale et la perte de confiance vis-à-vis des Américains.

Toutes les cartes sont rebattues

L’influence des États-Unis a prospéré sur l’effondrement des puissances coloniales européennes à partir de la 2ème Guerre mondiale. Leur hégémonie s’est renforcée après la chute du Mur de Berlin et la disparition de l’expérience soviétique, après 1989. Aujourd’hui, ils sont tenus pour responsables des difficultés du monde, sur tous les plans : économique, écologique, énergétique, politique et stratégique. L’ American Way of Life a pris un sacré coup dans l’aile. Le pays qui faisait jadis la morale à la gouvernance des pays pauvres se trouve aujourd’hui avec une dette de 16.000 milliards de dollars, causant ainsi un préjudice considérable aux autres.

L’ONU joue un rôle plus important dans la période de transition politique en cours vers une gouvernance mondiale renforcée.

Ary Yee Chong Tchi Kan

Le résultat d’une victoire écrasante

Nos voisins : les Seychelles, Ile Maurice, les Comores ont voté avec les vainqueurs

POUR : Angola, Antigua et Barbuda, Argentine, Arménie, Azerbaïdjan, Bahrein, Belarus, Belgique, Belize, Bangladesh, Bénin, Bolivie, Botswana, Bhoutan, Brésil, Brunei Darussalam, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cap-Vert, Chili, Chine, Comores, Congo, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Cuba, Djibouti, Équateur, Espagne, Éthiopie, Finlande, France, Gabon, Gambie, Géorgie, Ghana, Grèce, Grenade, Guinée, Guinée-Bissau, Guyane, Honduras, Inde, Indonésie, Irak, Iran, Irlande, Islande, Italie, Jamaïque, Japon, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, Koweït, Kyrgyzstan, Lesotho, Libye, Liechtenstein, Luxembourg, Malaisie, Maldives, Mali, Mauritanie, Mexique, Mozambique, Namibie, Népal, Nicaragua, Niger, Nigeria, Oman, Ouganda, Ouzbékistan, Pakistan, Pérou, Philippines, Portugal, Qatar, Saint Kitts and Nevis, Sainte-Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, Salvador, Sao Tomé, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Sri Lanka, Surinam, Swaziland, Syrie, Tadjikistan, Thaïlande, Timor oriental, Trinidad et Tobago, Tunisie, Turkménistan, Turquie, Tuvalu, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Yémen, Zambie, Zimbabwe, Afghanistan, Afrique du Sud, Algérie, Arabie saoudite, Autriche, Birmanie, Chypres, Corée du Nord, Danemark, Dominique, Émirats arabes unis, Équateur, Érythrée, Ile Maurice, Iles Salomon, Laos, Liban, Malte, Maroc, Norvège, Nouvelle-Zélande, République centrafricaine, République dominicaine, Russie, Serbie, Sud-Soudan, Suède, Suisse, Tanzanie, Tchad.

CONTRE : l’influence des Américains sur les petits États

Canada, États-Unis, République tchèque, Israël, Iles Marshall, Micronésie, Nauru, Palau, Panama.

ABSTENTION : la position refuge des Européens

Albanie, Andorre, Australie, Bahamas, Barbade, Bosnie, Bulgarie, Cameroun, Colombie, Croatie, République démocratique du Congo, Estonie, Fidji, Allemagne, Guatemala, Haïti, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malawi, Monaco, Mongolie, Monténégro, Pays-Bas, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Pologne, Corée du Sud, Moldavie, Roumanie, Rwanda, Samoa, Saint-Marin, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Macédoine, Togo, Tonga, Royaume-Uni, Vanuatu.
Une leçon pour La Réunion ?

La classe politique réunionnaise devrait profiter que tous les centres d’influences politiques postcoloniaux sont de plus en plus inopérants pour s’inscrire résolument dans l’axe de la nouvelle ère qui est en train de se construire.

Les territoires seront de moins en moins périphériques d’un centre, car chacun est une partie de ce nouveau Monde en fécondation. Ne serait-ce que parce que les affaires du monde agitent notre conscience, comme celle de la guerre d’Israël contre les Palestiniens ? Imaginez si la position française était celle du précédent gouvernement ?

Or, le candidat François Hollande avait exprimé son souhait de rénover les rapports aux DOM. Il a l’occasion, le 10 décembre, d’être aussi fécond qu’à l’ONU et de rompre avec des rapports postcoloniaux.
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  • Nn zhistoires livres l’’cole et l’HISTOIRE ! Une page m’connue au lendemain de la dernière guerre le premier projet pour reloger les juifs dEurope, avait été de cder un bout de territoire d’un des trois vaincus. Soit L’Allemagne, La France, L’Italie et ce projet donnait l’espace de L’Alsace et la Lorraine, à ce jour La France aurait été ? Les Vosges ? Le Puy de Dôme ? ... Cette reconnaissance n’est qu’un pas des droits légitimes de ce peuple. Saluons de même l’initiative de mobilisation des Footballeurs Pro de Frédéric Kanouté sur un motif lié au sort des Palestiniens.


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