Concurrence entre travailleurs en Irlande

Retour ’aux pires pratiques du 19ème siècle’

15 décembre 2005

Dans un article publié sur son site, “Le Monde” explique l’impact de la mise en concurrence des travailleurs dans un pays où certains n’hésitent pas à mettre en œuvre ce que permet la directive Bolkestein. On lira ci-après quelques extraits de cet article.

La grève qui frappe depuis plus de 3 semaines le premier armateur irlandais a immobilisé ses 4 ferries, dont le "Normandy", qui fait la navette entre Rosslare et Cherbourg. (...) Tout a démarré à la suite de la décision d’Irish Ferries de remplacer l’ensemble de son personnel navigant, presque entièrement irlandais, par des équipages lettons engagés via une agence de recrutement basée à Chypre.
Pour ce faire, la compagnie veut immatriculer 3 de ses 4 bateaux sous pavillon de complaisance chypriote. Le "Normandy", lui, est déjà immatriculé aux Bahamas, une boîte postale mise à l’index par les syndicats de marins. Les avantages de l’abandon du pavillon irlandais pour l’armateur sont évidents : officiers et personnel d’exécution lettons coûtent moitié moins cher puisqu’ils ne bénéficient même pas du salaire minimum.
À Dublin, Irish Ferries se pose comme "un employeur admirable qui représente la tradition maritime depuis des générations". Frappée par la fin des magasins hors taxes, la société, cotée en Bourse, veut réduire ses coûts pour résister à la concurrence des compagnies aériennes à bas tarifs. Elle a utilisé la carotte - un plan de départs volontaires généreux - et le bâton, recourant à des gardes de sécurité privés. (...)
La grève survient alors que les sentiments xénophobes progressent dans ce "Tigre celtique" qui découvre brutalement l’immigration de masse. À l’instar du Royaume-Uni et de la Suède, l’absence de période transitoire pour le libre accès au marché du travail a provoqué l’afflux en Irlande de citoyens des nouveaux pays membres de l’Union européenne, en particulier polonais et baltes.
L’énorme capital de sympathie dont jouissent les marins a changé la donne. (...) Le patronat irlandais, désormais muet, est bien ennuyé de voir les projecteurs braqués sur ce que l’éditorialiste de l’“Irish Times”, Fintan O’Toole, appelle "l’Irlande inconnue" : celle de l’exploitation des migrants, corvéables à merci, dans les secteurs où le pays souffre de pénurie de main-d’œuvre.
"La compagnie revient aux pires pratiques du 19ème siècle. On veut transformer l’Irlande en une sorte de colonie d’esclaves en détruisant 40 ans de progrès social" : pour Michael Wall, permanent du SIPTU, centrale syndicale des transports, une victoire d’Irish Ferries bouleverserait le secteur maritime mais également le partenariat patronat-syndicats-pouvoirs publics, pilier des rapports sociaux. (...)
En 2004, les profits d’Irish Continental Group, société mère d’Irish Ferries, se sont élevés à 26,5 millions d’euros, dont les neuf dixièmes provenant du transport maritime.


Immigration, emploi et salaires en Irlande

Le nombre d’immigrés provenant des nouveaux pays membres depuis l’élargissement de l’UE, en mai 2004, a été en Irlande de 150.000, dont 14.000 Lettons.
L’Irlande est, avec la Grande-Bretagne, la destination privilégiée de l’émigration d’Europe de l’Est. Selon le ministère britannique de l’Intérieur, 293.000 Européens de l’Est se sont installés au Royaume-Uni, en majorité des Polonais, depuis 2004.
40% des emplois créés en 2004 sont aujourd’hui occupés par des travailleurs de l’Est (40.000), surtout dans les secteurs où existe une pénurie de main-d’œuvre : agriculture, construction, restauration et hôtellerie, hôpitaux, mécanique.
D’après l’Equal Authority, les ouvriers agricoles de l’Est sont payés entre 1,25 euro et 2,50 euros de l’heure, les laveurs de vitres 5 euros et une femme de ménage 6 euros. Le salaire minimum officiel est de 7,65 euros.


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