Déclaration complète de Tokyo

Réunion des ministres de la justice du G7

8 juillet 2023

La deuxième réunion des ministres de la Justice du G7 s’est déroulée aujourd’hui à Tokyo, le ministère de la Justice étant représenté par Olivier Christen, directeur des affaires criminelles et des grâces. Cette réunion a également été l’occasion d’une rencontre avec les ministres de la Justice de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).

Les échanges ont porté sur l’aide à la reconstruction en Ukraine, la promotion des valeurs de l’État de droit et l’articulation des travaux du G7 avec l’ASEAN, dans le domaine du droit et de la justice.

Ils ont permis de rappeler l’importance toute particulière que la France accorde à la coopération internationale en matière de droit et de justice, notamment vis-à-vis de l’Ukraine.

Ainsi, dès les premiers jours suivant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France, qui présidait alors le Conseil de l’Union européenne, a tenu à ce que l’Union européenne se mobilise pour lutter contre l’impunité, en renforçant la capacité d’Eurojust à rassembler les preuves des crimes de guerre et de crime contre l’humanité en lien avec la Cour pénale internationale.

Désormais, et près de 18 mois après le début du conflit, il apparaît indispensable que les efforts nécessaires en vue de reconstruction de l’Ukraine bénéficient de la solidarité la plus large des partenaires du G7, en pleine cohérence avec les valeurs partagées d’État de droit et de respect des libertés fondamentales.

En ce sens, la France a marqué son soutien à la présidence japonaise dans la création d’un groupe de travail chargé de la lutte contre la corruption, devant servir de support pour partager les informations et faire le point sur les initiatives en matière de lutte contre la corruption en Ukraine.

A l’issue de cette rencontre, les ministres de la Justice ont adopté la Déclaration conjointe de Tokyo :

1. Nous, ministres de la Justice et procureurs généraux de l’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de la France, de l’Italie, du Japon et du Royaume-Uni, et commissaire européen à la Justice, avons rencontré le ministre de la Justice et le procureur général d’Ukraine et les représentants du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) lors de la réunion des ministres de la Justice du G7, qui s’est tenue le 7 juillet 2023 à Tokyo. Cette réunion a été organisée au titre de l’initiative « Diplomatie des affaires juridiques » du ministère japonais de la Justice dans le cadre de son approche diplomatique coordonnée, qui vise à défendre et à consolider l’ordre international libre et ouvert fondé sur des règles de droit, respectant la Charte des Nations Unies, au profit de tous les pays, quelle que soit leur taille.

2. Nous avons réaffirmé notre ferme détermination à préserver et à renforcer la dynamique lancée lors de la réunion des ministres de la Justice du G7 qui s’est tenue l’année dernière à Berlin sous la présidence de l’Allemagne, et notre engagement commun de promouvoir sans cesse les valeurs que nous partageons, telles que l’état de droit et le respect des droits de l’homme, qui constituent la pierre angulaire de nos sociétés, en particulier à une époque confrontée à des défis mondiaux sans précédents. Nous invitons tous les partenaires à se joindre à nous pour œuvrer ensemble à l’édification de sociétés dont tout le monde puisse profiter.

I. SOUTENIR LES EFFORTS DE RECONSTRUCTION DE L’UKRAINE DANS LES DOMAINES DU DROIT ET DE LA JUSTICE

3. Nous continuons de condamner avec la plus grande fermeté la guerre d’agression illégale, injustifiable et ne faisant suite à aucune provocation que la Russie mène contre l’Ukraine, qui constitue une violation flagrante du droit international, et nous réitérons notre détermination sans faille à soutenir l’Ukraine.

4. Nous réaffirmons les engagements fermes que nous avons énoncés dans la Déclaration de Berlin, adoptée l’année dernière lors de la réunion des ministres de la Justice du G7, et nous continuerons de coopérer et d’assurer une coordination étroite avec les autorités ukrainiennes afin de tout mettre en œuvre pour que les auteurs des crimes atroces commis au cours de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine rendent des comptes, conformément à la Déclaration de Berlin ainsi qu’à la Déclaration des chefs d’État et de gouvernement du G7 sur l’Ukraine, publiée le 19 mai 2023 lors du Sommet d’Hiroshima. Nous continuerons de travailler de concert avec nos partenaires pour soutenir les initiatives du G7 et de ses partenaires à cet égard. Nous réaffirmons également notre détermination à soutenir les enquêtes et les poursuites relatives aux atrocités commises en Ukraine, notamment celles concernant des violences sexuelles et sexistes liées au conflit, en gardant à l’esprit le rôle important joué par les victimes et les témoins dans les enquêtes portant sur ces crimes et en soutenant les autorités ukrainiennes à cet égard. Nous nous félicitons du début des activités opérationnelles du Centre international de poursuite du crime d’agression contre l’Ukraine au sein d’Eurojust le 3 juillet 2023.

5. En outre, en tant que ministres de la Justice et procureurs généraux du G7 et commissaire européen à la Justice, nous réaffirmons notre détermination à soutenir l’Ukraine dans les efforts qu’elle accomplit pour reconstruire sur une base plus solide, en particulier les réformes entreprises dans les domaines du droit et de la justice. Nous reconnaissons que ces efforts serviront de base à la reconstruction d’une société plus forte et plus résiliente fondée sur l’état de droit et qu’ils contribueront au processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Nous saluons le travail accompli par le Groupe de soutien à l’Ukraine des ambassadeurs du G7 pour faire progresser les réformes du pays en matière de justice et de lutte contre la corruption. Nous nous félicitons des efforts bilatéraux, multilatéraux et régionaux déployés actuellement pour aider l’Ukraine, notamment dans le cadre de la Conférence sur le relèvement de l’Ukraine, qui s’est tenue à Londres le 21 juin 2023, et nous continuerons d’y participer. Nous entendons également continuer d’harmoniser nos efforts pour renforcer la dynamique en faveur du relèvement et de la reconstruction de l’Ukraine. Nous poursuivrons nos efforts pour veiller à ce que la Russie finance la reconstruction à long terme de l’Ukraine et nous réaffirmons que, dans le respect de nos systèmes juridiques respectifs, les actifs souverains russes présents dans nos juridictions resteront immobilisés tant que la Russie n’aura pas payé le coût des dommages qu’elle a causés à l’Ukraine.

6. Conscients de la menace que la corruption fait peser sur la stabilité et la sécurité de nos sociétés en sapant les institutions et les valeurs démocratiques et en mettant en danger l’état de droit, nous reconnaissons que la lutte contre la corruption constitue un domaine de premier plan dans lequel le G7 s’efforcera d’apporter une aide supplémentaire à l’Ukraine. Nous saluons les efforts significatifs déployés en Ukraine pour lutter contre la corruption, notamment avec le concours de la communauté internationale. Nous soulignons que les efforts en la matière sont une composante essentielle d’une allocation des ressources impartiale, transparente et juste et qu’ils joueront un rôle crucial pour que l’Ukraine sorte encore plus forte de la guerre.

7. À cette fin, nous prévoyons de créer, sous la coordination du Japon, le Groupe de travail pour la lutte contre la corruption en Ukraine (ACT for Ukraine) des ministres de la Justice du G7, qui constituera une plateforme souple et participative permettant de réunir des experts du G7, d’Ukraine et des institutions internationales compétentes, notamment le PNUD et l’ONUDC. En étroite coopération et coordination avec le Groupe de soutien à l’Ukraine des ambassadeurs du G7 ainsi qu’avec les partenaires actuels menant des activités de lutte contre la corruption et participant aux initiatives en cours, notamment en ce qui concerne le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, le Groupe de travail servira de support pour partager les informations et faire le point sur les initiatives en cours ou prévues en Ukraine en matière de lutte contre la corruption, analyser les besoins de l’Ukraine en la matière et élaborer les stratégies envisageables, en examinant notamment des projets utiles de renforcement des capacités et d’assistance technique, adaptés aux besoins de l’Ukraine.

8. Nous aiderons également l’Ukraine à renforcer, en tant que de besoin, les capacités de ses institutions judiciaires et répressives, en mettant à sa disposition des programmes de renforcement des capacités et en lui fournissant une assistance juridique et technique. Nous nous félicitons de la coopération menée sur ces questions entre le G7 et des organisations et institutions compétentes, telles que le PNUD, l’ONUDC, l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Conseil de l’Europe, l’Organisation internationale de droit du développement et l’Institut des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en Asie et en Extrême-Orient.

II. RENFORCER LA COOPÉRATION ET LA COORDINATION AU SEIN DU G7 POUR PROMOUVOIR L’ÉTAT DE DROIT

9. Nous rappelons le rôle clé du G7 dans la confrontation aux enjeux mondiaux dans les domaines du droit et de la justice. Nous reconnaissons également que la coopération et la coordination au sein du G7 et avec les organisations et initiatives concernées contribuent grandement à promouvoir l’état de droit dans la communauté internationale. Nous sommes déterminés à collaborer avec nos partenaires internationaux pour favoriser l’état de droit à l’échelle mondiale.

10. Nous sommes déterminés à fournir ou à soutenir, en fonction des besoins, la mise à disposition d’assistance technique (et juridique) et de renforcement des capacités en matière de justice et de lutte contre la corruption dans d’autres pays et juridictions afin de promouvoir nos valeurs partagées. Nous reconnaissons que notre aide doit être à la fois fondée sur une compréhension mutuelle, adaptée au profil sociétal, économique, culturel, juridique ou autre du pays bénéficiaire, et respectueuse des valeurs partagées. Afin de consolider notre approche coordonnée consistant à mettre à disposition une assistance technique (et juridique), à renforcer les capacités, à créer de la synergie dans les relations et à éviter de dupliquer les initiatives, nous entendons prendre les mesures nécessaires pour partager des informations et pour coordonner les initiatives en cours et prévues.
11. Nous nous emploierons à accélérer la coopération et à renforcer la lutte contre les formes les plus graves de criminalité transnationale organisée, notamment en favorisant de nouveaux modes de coopération et la confiscation de produits illicites, comme il est envisagé dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (Convention de Palerme de 2000).

12. Nous soulignons notre engagement de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ainsi qu’à atteindre les 17 Objectifs de développement durable visant à garantir les droits de l’homme pour tous et à parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes et à l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles. C’est dans ce contexte que nous réaffirmons le rôle de chef de file international du G7 dans la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes et dans le respect, la promotion et la protection des droits fondamentaux et de la dignité de toutes les femmes et des filles ainsi que des membres de la communauté LGBTQIA+. Nous œuvrons à développer et à mettre en œuvre les mesures et les programmes adaptés pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes, y compris l’égalité d’accès aux biens et aux services, et pour éliminer les obstacles à la progression de l’autonomisation des femmes et des filles dans ce domaine. Nous condamnons fermement les crimes à caractère sexiste ainsi que toute forme de violences sexuelles et sexistes.

III. METTRE EN LIEN LE G7 ET LA RÉGION INDOPACIFIQUE, Y COMPRIS L’ASEAN, DANS LES DOMAINES DU DROIT ET DE LA JUSTICE

13. Face aux menaces et enjeux sérieux auxquels l’ordre international libre et ouvert fondé sur des règles de droit est confronté, nous réaffirmons l’importance du multilatéralisme et de la coopération internationale dans la promotion de la paix, de la stabilité et de la prospérité ; nous sommes déterminés à prendre des mesures pour renforcer les liens avec nos partenaires principaux partout dans le monde, notamment en faisant progresser nos valeurs partagées. Dans ce contexte, nous rappelons l’importance d’une région Indopacifique libre et ouverte, c’est-à-dire solidaire, prospère, sécurisée, fondée sur l’état de droit et gardienne des principes communs, notamment la souveraineté, l’intégrité territoriale, le règlement pacifique des différends, les libertés fondamentales et les droits de l’homme. Nous soulignons notre volonté commune de renforcer la coordination avec nos partenaires régionaux, notamment l’ASEAN et ses États membres, pour faire progresser nos valeurs partagées. À cette fin, et à l’initiative de la présidence japonaise du G7, nous nous réjouissons de tenir à l’occasion de ce G7 ministériel la toute première réunion ministérielle entre l’ASEAN et le G7 dans les domaines du droit et de la justice : l’interface ASEAN-G7 des ministres de la Justice. Nous nous félicitons vivement de cette occasion historique de rencontrer les ministres de la Justice et les procureurs généraux des États membres de l’ASEAN et le secrétaire Général de l’ASEAN.

14. Nous réaffirmons notre soutien inconditionnel au caractère central et à l’unité de l’ASEAN, ainsi que notre attachement à promouvoir une coopération conforme à la Vision de l’ASEAN pour la région Indopacifique, qui partage les principes fondamentaux d’une région Indopacifique libre et ouverte. Nous entendons poursuivre le dialogue bilatéral et multilatéral avec les États membres de l’ASEAN pour discuter des questions d’intérêt mutuel dans les domaines du droit et de la justice. Nous respectons la diversité des États membres de l’ASEAN et sommes déterminés à bâtir ensemble des relations fortes et durables.

15. Nous reconnaissons que, pour bâtir de telles relations, il faut un engagement à long terme constant, constructif et sérieux. Nous reconnaissons en particulier l’importance pour le G7 et pour les États membres de l’ASEAN de soutenir le développement de la nouvelle génération et de coopérer avec cette dernière. Nous reconnaissons également le rôle clé de cette coopération dans la consolidation d’une confiance et d’une compréhension mutuelles.

16. À cette fin, nous saluons le « Forum des dirigeants de demain », initiative prise par la présidence japonaise du G7, qui réunira périodiquement des agents jeunes et prometteurs travaillant dans les domaines du droit et de la justice au sein du ministère de la Justice ou d’autres ministères du G7 et des États membres de l’ASEAN. Ce Forum fournira à la nouvelle génération de dirigeants l’occasion de se réunir et de discuter des enjeux communs, d’apprendre les uns des autres en partageant des informations, des connaissances, et des bonnes pratiques, et de mieux comprendre comment les systèmes juridiques nationaux, bien que différents, peuvent promouvoir et mettre en œuvre des valeurs partagées. Nous nous emploierons à faire en sorte que ce Forum ouvre la voie à des relations tournées vers l’avenir entre le G7 et l’ASEAN et qu’il facilite la poursuite d’un dialogue fondé sur les valeurs partagées.


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