Au-delà des incantations, de la culture de la peur et de la répression

S’attaquer aux racines du terrorisme

26 juillet 2005

Comme à chaque vague d’attentats terroristes frappant l’Occident, les médias sont dominés par des incantations et vœux pieux, auxquels succèdent des reportages cultivant tantôt la peur, tantôt l’appel à la “vie normale”, tandis que la répression prend le dessus depuis ces bavures policières jusqu’aux guerres meurtrières. À quoi tout cela peut-il mener si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes des actes terroristes qu’est l’augmentation continuelle de pauvres, d’exclus et de personnes opprimées dans un monde dominé et saigné par le terrorisme de l’argent roi.

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Chaque jour, des dizaines de milliers de personnes meurent parce qu’elles sont sous-alimentées, parce qu’elles ont le paludisme, la tuberculose, ou parce qu’elles ont consommé une eau qui n’est pas potable. Ce sont autant de décès qui n’ont pas cours en Occident grâce au progrès sanitaires et aux richesses disponibles. Mais ces avancées ne sont pas partagées avec tous les humains.
La sous-alimentation tue encore en ce début de 21ème siècle. Qu’en sera-t-il quand dans moins de 50 ans, la Terre sera la maison commune à 9 milliards d’habitants ? Pourtant, notre planète est capable de nourrir 15 milliards de personnes, mais la nourriture est mal répartie. Et dans les pays les plus riches, les principales causes de décès viennent d’une consommation trop abondante.
Essentielle à la vie, l’eau est déjà de longue date une source de conflit car elle n’est pas répartie uniformément sur le globe. Avec la conjonction des changements climatiques et de la croissance de la population, on se doute que cette situation ne pourra que s’aggraver.

Sources de désespoir

On pourrait multiplier les exemples à l’infini, mais pour résumer, on peut s’en tenir à un raccourci : 20% de la population mondiale profite de 80% de richesses de la Terre, 8 humains sur 10 doivent se contenter de 20% des richesses de la Terre. Et c’est ce deuxième monde, qui rassemble aujourd’hui 80% de l’humanité, qui connaîtra la plus forte croissance démographique ces 50 prochaines années, alors que dans le même temps la minorité qui vit mieux va voir son nombre stagner, voire diminuer. Mécaniquement, cela entraînera donc un fossé encore plus grand entre riches et pauvres, car ces derniers seront chaque jour plus nombreux à se partager les 20% qui restent.
Mais il ne faut pas perdre de vue que ces pauvres voient comment ceux qui s’en sortent mieux qu’eux profitent du système. Ces exclus des richesses et du droit à la vie entrent dans les foyers des plus nantis grâce à la télévision, ils voient donc ce à quoi ils ne pourront jamais avoir accès. L’accroissement des inégalités et des frustrations, voilà la situation explosive qui se prépare si rien n’est fait pour mettre en œuvre un partage plus équitable des richesses que la Terre et l’humanité peuvent produire.
Et pourtant, bien que le résultat de ces frustrations ait donné des événements tels que les attaques du 11 septembre 2001, les attentats de Madrid ou ceux de Londres, les dirigeants de l’Occident ne semblent pas vouloir aller vers une autre alternative que la mondialisation libérale. Un “système” de domination économique qui favorise l’expression des fanatismes de tous bords, qui exploitent la détresse et la frustration de ceux qui sont condamnés à ne rien espérer.

Peur sans issue

Rien ne peut justifier les attaques qui font aujourd’hui la “une” des journaux et qui frappent des innocents. Mais chacun doit aussi se dire que tant que persisteront sur la Terre les inégalités que nous connaissons, le nombre des désespérés va augmenter. Tant qu’il ne sera pas mis fin à la violence qui déclenche le terrorisme, alors les fanatismes trouveront toujours des personnes suffisamment désespérées pour sacrifier leur vie tout en essayant de tuer un maximum de personnes.
Tant que l’on ne se donne pas les moyens de trouver et de mettre en œuvre une solution à ce phénomène de désespoir, qui fait qu’une personne soit tellement à bout pour que le but de sa vie soit de se transformer en une bombe et d’infliger le plus de dégâts possible, alors les habitants des métropoles des pays riches peuvent s’habituer à vivre dans la peur. C’est la même peur que connaissent les Israéliens lorsqu’ils sortent dans un lieu public, le même sentiment que vivent les Palestiniens lorsqu’ils voient des hélicoptères et des avions dans le ciel. Une peur qui ne résout rien. Une peur qui ne fera que monter chaque jour davantage, liée à l’accroissement inéluctable de la population mondiale et du nombre de pauvres si rien ne change.
La paix ne se trouvera pas dans une répression plus forte ou dans la fermeture des frontières. Elle nécessite une profonde remise en cause des relations entre les peuples et entre les humains. Elle a besoin d’une véritable solidarité pour que le fossé qui sépare l’humanité en deux mondes se réduise. C’est en ce moment que cela se joue, car quand la Terre aura 9 milliards d’habitants, la tâche sera beaucoup plus difficile car la somme des frustrations sera encore plus importante.

Manuel Marchal


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