Les RUP défendent leurs spécificités auprès de la Commission européenne

Se préparer à la nouvelle donne

8 mars 2005

Les 2 et 3 mars, le président de la Région Réunion et président de la Conférence des RUP, Paul Vergès, conduisait une importante délégation auprès de la Commission européenne. À quatre mois à peine d’un Conseil européen qui sera décisif pour les perspectives financières de l’Union, les sept Régions ultra-périphériques (Canaries, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Acores, Madère et La Réunion) doivent défendre coûte que coûte leurs spécificités, en termes de handicaps mais aussi d’atouts, auprès des 22 États membres qui n’ont pas de RUP.

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En tant que président de la Conférence des présidents des Régions ultra-périphériques de l’Union européenne, Paul Vergès a eu la délicate mission de présenter aux commissaires européens rencontrés la semaine dernière à Bruxelles, la transversalité entre les différentes problématiques inhérentes à chaque RUP et ce, en une heure de débat. Face aux problèmes brûlants de la canne, de la banane et aux perspectives de dotations des régions classées en objectif 1, en raison de leur retard de développement par rapport à la moyenne européenne, la commissaire européenne à la politique régionale, Danuta Hübner, et le commissaire européen à l’environnement, Stavros Dimas, se sont montrés intéressés et attentifs à l’exposé et aux questionnements proposés par le président Vergès.

Quel avenir pour la canne ?

À la différence des plantations de betterave des autres régions européennes, à La Réunion, les souches de canne sont plantées tous les 10/12 ans. Alors que les planteurs sont menacés par une diminution de 37% de leurs recettes, que la compensation financière des pertes engendrées par la réforme sucrière ne leur est pas garantie (ni par l’Europe, ni par la France pour La Réunion), qu’avec les fortes pluies, l’humus part en mer malgré la canne censée limiter l’érosion des sols, que le baril de pétrole était à 55 euros il y a trois jours, que la bagasse fournit 55% de notre consommation électrique... faut-il poursuivre la culture de la canne à La Réunion ? Bien qu’elle ne soit pas compétente pour répondre aux inquiétudes exprimées par le président Vergès, Danuta Hübner l’a remercié pour ses différents éclairages sur le sujet et l’a assuré qu’elle s’entretiendrait avec Marianne Fischer Boel, commissaire européenne à l’agriculture, sur la question. Rencontrant pour la première fois l’Outre-mer, Danuta Hübner a également apprécié l’exposé fait par le président Vergès quant à la dispersion géographique des RUP et les avantages économiques qu’elles constituent pour l’Europe.

Quelle cohésion territoriale et sociale ?

Comment plaider la cohésion territoriale et sociale comme stratégie de développement alors que les RUP n’ont pas la même unité territoriale que les autres États membres de l’Union ? Ces derniers vont fixer les fonds structurels à attribuer aux RUP pour la période 2007-2013, alors que rares sont ceux qui parviennent à localiser ces régions dans le paysage européen. Paul Vergès a ainsi rappelé à Danuta Hübner que si l’Europe se trouve en tête de la compétition entre les grandes puissances mondiales que sont les États-unis, la Chine et la Russie, c’est parce que les RUP occupent des positions maritimes stratégiques pour l’économie européenne. Elles génèrent des zones économiques spéciales qui permettent à l’Europe d’être la deuxième puissance maritime du monde et de détenir, grâce à l’Outre-mer, 80% de sa biodiversité. Au-delà de la bataille financière, les RUP offrent des perspectives de co-développement très riches et bénéfiques pour l’Union qui souhaite s’inscrire dans le contexte actuel de mondialisation. Pour jouer ce rôle de levier et assurer leurs développements, les RUP ont besoin des moyens financiers adaptés. Convaincue par la pertinence de ce constat, Danuta Hübner a assuré le président de la Région Réunion de sa présence lors de la conférence annuelle des RUP qui se tiendra en septembre à La Réunion.

Il reste peu de temps

Alors que le taux de contribution des pays membres ne dépassera pas le 1% du PIB déjà en place pour l’Europe des 15, alors que les crédits de la Politique agricole commune resteront également inchangés, se pose le problème de la répartition des fonds structurels européens qui inquiète particulièrement les RUP. Le président de la Conférence des présidents des RUP, Paul Vergès, n’a pas caché à Bruxelles que compte tenu des retards de développement des RUP, de leur croissance démographique particulière, de la réforme de l’OCM-sucre qui sera discutée le 10 mars à Strasbourg et menace les fonds structurels des RUP, toute diminution en volume des fonds structurels serait aggravée par une diminution par tête. Le 22 mars, les 25 États membres de l’Union présenteront leurs positions sur le budget européen pour l’année prochaine et celles encore à venir jusqu’en 2013. Les échéanciers se succèdent et il ne reste que peu de temps aux RUP pour défendre les causes, pour tenter d’assurer le maintien et la réalisation de leurs projets de développement. Mieux vaut ne pas être trop optimistes, car malgré l’écoute offerte par la Commission européenne aux présidents des RUP, c’est le Conseil qui tranchera. Il faudra aux citoyens réunionnais se positionner sur le référendum constitutionnel avant même de savoir quel budget sera alloué à leur région. Une précipitation qui laisse peu de place à la réflexion.

Estéfany


À nouvelle législation, nouveaux budgets

La politique régionale de l’Union européenne représente plus du tiers de son budget consacré à la réduction des écarts de développement entre les régions. Le 14 juillet 2004, la Commission européenne a adopté la réforme législative de cette politique de cohésion, pour un budget de 336,1 milliards d’euros pour la période 2007-2013. Concrètement, la Commission a présenté 5 propositions législatives : un règlement sur les dispositions générales applicables aux fonds structurels (avec une concentration dans les régions les moins développées et donc dans les nouveaux États membres) ; un règlement pour chacun de ces trois fonds (Fonds européen pour le développement régional ou FEDER, Fonds social européen ou FSE, Fonds de cohésion) ; un règlement instituant la création d’une structure transfrontalière de coopération ; une disposition prévoyant que le développement rural sera désormais rattaché entièrement à la Politique agricole commune (PAC) et ne fera plus partie de la politique régionale ; la suppression en tant que tel du programme "Urban", destiné aux projets de développement des villes et quartiers en difficulté, les projets urbains pouvant toutefois être à l’avenir financés au titre des différents objectifs. Si la réforme proposée maintient les principes de base du mécanisme de mise en œuvre (programmation pluriannuelle, partenariat, cofinancement, évaluation), toutes les propositions de cette architecture législative “simplifiée” démontrent leurs limites d’application pour les RUP. Elles doivent néanmoins être débattues par les États membres, avec de profonds changements en perspective dans l’attribution des budgets.

Quels critères européens de protection de l’environnement ?

Bien que l’éloignement géographique des RUP soit une de leur spécificité inscrite dans le Traité constitutionnel, grâce à l’échange avec le président Vergès, le commissaire européen à l’environnement, Stavros Dimas, a pu apprécier davantage leur situation géographique dans l’espace européen et les défis qui s’offrent à elles en termes de protection de l’environnement, comme à l’ensemble des régions européennes. Alors qu’une grande partie de la population ultrapériphérique habite sur le littoral marin, les changements climatiques conduisent à définir des critères d’aménagement spécifiques pour ces zones côtières, tout en respectant les objectifs de protection du littoral et de respect de l’environnement dans son ensemble. Au vu de notre croissance démographique, de nos besoins en termes de foncier et d’aménagement, en principe, ce problème semble sans solution. À l’initiative de La Réunion, les experts de l’ONERC présenteront leurs différentes observations sur cette question devant les représentants de 160 régions européennes en novembre à Marseille. Une rencontre de grande importance à laquelle le président de la Région Réunion et président de l’ONERC a convié Stavros Dimas.

Rencontre des RUP avec le vice-président du Parlement européen le 7 juin

Le "Conseil européen ne sera pas la fin du chemin. Bien au contraire. Pour être parfaitement cohérentes, les orientations politiques définies en mars devront guider les décisions financières à prendre en juin. L’Union ne devra se contenter d’être ambitieuse ; elle devra également mettre ses moyens au niveau de ses ambitions si elle veut réussir. À cet égard, un accord volontariste sur les Perspectives financières, donnant sa juste place à la cohésion, est un élément déterminant pour renforcer et développer notre modèle social dans les prochaines années", déclarait le vice-président du Parlement européen, Manuel Barroso, le 3 mars à Bruxelles. Le cabinet de ce dernier, suite à la sollicitation du président Vergès, a fixé un nouveau rendez-vous aux RUP le 7 juin, soit trois jours avant le vote du budget européen pour la période 2007-2013. Une nouvelle réconfortante pour Paul Vergès, néanmoins lucide quant aux contraintes du calendrier.


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