Tragédies humaines

25 avril 2008, par Roger Orlu

Depuis qu’elles ont vu dans “Témoignages” mardi dernier la photo de cet enfant haïtien montrer sa langue après avoir mangé un gâteau de boue, plusieurs personnes nous ont fait part de leur émotion. Elles disent qu’elles n’arrivent pas à oublier cette image, qui revient sans cesse dans leur esprit. C’est le signe que des gens sont sensibles aux souffrances des autres.
Mais ce qui domine l’opinion, n’est-ce pas plutôt l’indifférence ? Une indifférence cultivée par une méconnaissance de la gravité du problème de la faim dans le monde. À cette ignorance de l’ampleur des “crimes contre l’humanité” commis par les tenants de la loi du profit et du tout-marché, s’ajoute une sous-estimation des dangers à venir, si le processus continue.
Cette inconscience mortifère est volontairement entretenue par les systèmes éducatif et médiatico-politique qui dominent la société et conditionnent nos esprits. Il n’y a qu’à voir le peu de place qu’ils accordent à ces problèmes et à leurs solutions.

Mais l’émotion devant les tragédies humaines de notre temps ne suffit pas pour les résoudre. Il faut surtout s’attaquer à leurs facteurs déterminants. Dans “l’Humanité-Dimanche” du 17 avril d’où est extraite cette photo, Jean-Jacques Gabas, économiste, président d’honneur du Groupement pour l’étude de la mondialisation et du développement (GEMDEV), déclare : « la crise alimentaire mondiale actuelle est très largement le fruit des décisions politiques majeures prises au cours des décennies antérieures. L’absence d’incitations à la production dans les pays les plus pauvres, l’ouverture sans cesse clamée et effective des économies les plus vulnérables aux marchés internationaux, le référentiel implicite au type de développement emprunté par les pays aujourd’hui développés aboutissent à une impasse grave ».

Pour cet économiste, « des ressources sont nécessaires pour subventionner les prix aux consommateurs et réhabiliter l’aide alimentaire ». Jacques Diouf, directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), affirme quant à lui : « on ne peut pas prétendre d’un côté vouloir aider les pauvres tout en leur enlevant leurs ressources ». Pour le CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde), face à cette crise, c’est « la question de la responsabilité du G8, du FMI et de la Banque mondiale (qui) doit être posée de manière claire ».
Effectivement, tant qu’on ne s’attaquera pas aux piliers du système, il continuera à faire ses ravages. Et les “zanfan la mizèr” à manger des gâteaux de boue.

Roger Orlu

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