Traité de Lisbonne : bien sûr qu’il y a un plan B !

12 juin 2008

Alors qu’ils commencent seulement à évoquer le référendum irlandais sur le Traité de Lisbonne, les médias prétendent que le “plan B” en cas de victoire du “non” n’existe pas. Un manque de recherche ou de bonne foi ?

Quelle est la différence entre le baril de brut à 160 dollars et le référendum sur le Traité de Lisbonne en Irlande ? Aucune : on savait que ça allait arriver depuis plus d’un an, mais on n’en a rien dit. Ainsi, depuis quelques jours, les médias français se sont réveillés face à un véritable prodige : les Irlandais pourraient voter “non” au nouveau Traité européen le 12 juin !

Face à cette éventualité, les mêmes journalistes l’affirment sans détour : « il n’y a pas de plan B ! ». Certes, leurs sources sont crédibles (José Manuel Barroso, Jean-Pierre Jouyet et autres cadres officiant à Bruxelles), mais le propos ne l’est pas : après 8 ans de discussions institutionnelles, les instances européennes accepteraient, selon eux, d’achopper sur le vote de quelques milliers d’eurosceptiques irlandais de trop ?

Le plan B : la « méthode niçoise »

Evidemment non. Le plan B existe et il est on ne peut plus simple. En juin 2001, le dernier traité d’importance en vigueur (le Traité de Nice) avait également dû se plier à l’obligation constitutionnelle irlandaise du référendum... et avait été rejeté par 54% des votants. Pour éviter le blocage, les partenaires européens avaient consenti à un « régime dérogatoire », autrement appelé « opt-out », par lequel l’Irlande pouvait obtenir la non application de points précis du traité.

En l’occurrence, les autorités européennes (notamment les Français et les Allemands) débattent depuis quelque temps des « opt-out » qui seraient les plus à même de convaincre les Irlandais récalcitrants. Lors de la préparation du Traité de Lisbonne, le Royaume-Uni et la Pologne avaient ainsi obtenu une suspension du caractère « juridiquement contraignant » de la Charte des droits fondamentaux, jugée socialement trop exigeante par les Anglais.

Dans le cas de l’Irlande, deux points cristallisent les inquiétudes. La liberté d’avorter, contenue dans la Charte des droits fondamentaux du traité, choque ainsi ce pays profondément catholique où les prêtres sont parmi les premiers prescripteurs de vote. Suit la question de l’Europe de la défense qui voit son intégrité renforcée par le texte alors que le sort des soldats irlandais envoyés au Tchad sous mandat international émeut toute l’île. Sur ces deux points, il est théoriquement tout à fait possible d’obtenir des « dérogations » sur le modèle de celles accordées aux Britanniques (sur le principe de protocole rendant l’application « non contraignante » ou bien de clauses de « neutralité » sur les questions de sécurité et de défense), de faire revoter le texte un an plus tard et d’éviter quelques années de renégociation.

Eviter l’incitation au “non”

Dès lors qu’elles existent, pourquoi taire ces options ? Pour la bonne et simple raison que, si un tel « opt-out » permettrait de contourner le “non” irlandais, il signifierait un échec cuisant pour Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Mais aussi Brian Cowen, Premier ministre irlandais nommé le 7 mai dernier pour qui le référendum est un premier test électoral dans lequel il s’implique personnellement dans des propositions jugées excessives par certains.

D’où le bluff officiel « le plan B n’existe pas », permettant à Bruxelles de ne pas révéler des concessions qui pourraient tenter les Irlandais. Et puis, franchement, faire adopter le nouveau traité sous la présidence suédoise de l’Union européenne, il aurait l’air de quoi Sarkozy ?

Sylvain Lapoix, Marianne2


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