Xi Jinping et Vladimir Poutine ont eu un entretien téléphonique

Ukraine : la Chine pour une solution pacifique, la Russie propose un cessez-le-feu sous condition

26 février 2022, par Manuel Marchal

Trois événements hier ont remis en cause l’analyse pouvant conduire à une fuite possible du gouvernement ukrainien suite à l’intervention de l’armée russe en Ukraine commencée jeudi matin : les manifestations en Russie contre la guerre malgré l’interdiction du pouvoir, l’occupation d’objectifs non-militaires en Ukraine et le blocus de l’Ouest de Kiev confirmé par l’armée russe, et surtout la conversation téléphonique entre Xi Jinping et Vladimir Poutine. Selon Xinhua, « La partie chinoise soutient la partie russe dans la résolution de la question par les négociations avec la partie ukrainienne, a poursuivi M. Xi, ajoutant que la Chine était cohérente dans sa position fondamentale consistant à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays ainsi que les objectifs et les principes de la Charte des Nations Unies ». Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a proposé un cessez-le-feu à l’Ukraine à condition que l’armée ukrainienne se rende. Ces conditions ne sont bien sûr pas acceptables pour Kiev, mais cela indique que Moscou se dit prêt à discuter avec le gouvernement actuel, ce qui relativise les propos de Vladimir Poutine appelant les militaires ukrainiens à prendre le pouvoir et montre bien que la Chine pèse pour un règlement pacifique de la crise en Ukraine. Retour en 5 actes sur les événements du 25 février qui ont mis au jour la fragilité de la position de Vladimir Poutine et confirmé le rôle essentiel de la Chine pour la stabilité et la paix dans le monde.

1. Kiev veut créer les conditions pour faire de l’Ukraine un nouveau Vietnam

Le deuxième jour de l’opération militaire russe en Ukraine n’a pas débouché sur un soutien de l’OTAN attendu par le gouvernement ukrainien. L’OTAN refuse d’envoyer des troupes en Ukraine. L’organisation militaire sous commandement américain va renforcer sa présence aux frontières de la Russie et de l’Ukraine sous couvert de protéger ses Etats membres de toute incursion étrangère sur leur territoire. Le gouvernement ukrainien ne peut donc pas compter sur un soutien de l’OTAN sur son territoire pour faire face.
En conséquence, l’Ukraine interdit la sortie de son territoire à tous les hommes âgés de 18 à 60 ans. Ceux qui tentent de se réfugier vers l’Ouest et qui sont interceptés par les gardes-frontière ukrainiens sont séparés de leur famille. Kiev a également décidé de distribuer des armes aux civils prêts à défendre le régime. De plus, le président ukrainien a lancé un appel aux Européens ayant l’expérience de la guerre à venir en Ukraine. Cela concerne donc ceux qui ont participé à la guerre en Yougoslavie dans des groupes paramilitaires, ou qui se sont battus en Syrie aux côtés des Kurdes, et qui sont motivés par « la défense de l’Europe ». La télévision ukrainienne diffuse le mode d’emploi de fabrication de cocktails molotov. Par ailleurs, les Ukrainiens n’ont pas bravé la loi martiale pour manifester afin de demander le départ du gouvernement.
Ces faits indiquent que Kiev intègre la guerilla pour contrer l’opération militaire russe. Il dispose encore de partisans suffisamment résolus pour transformer des régions de l’Ukraine en nouveau Vietnam. Ils sont mêlés aux civils qui risquent de devenir des boucliers humains.

2. Des Russes manifestent contre la guerre malgré la répression du Kremlin

En Russie, les manifestations contre la guerre ont été interdites jeudi sous peine d’arrestation. Malgré cela, des Russes ont manifesté contre l’intervention russe en Ukraine, y compris à Saint-Petersbourg, ville d’origine de Vladimir Poutine.
En Russie, le souvenir de l’Afghanistan est encore bien présent. Les Russes constatent que Kiev prépare des opérations de guerilla. De nombreuses familles russes ont été endeuillées par ce type de guerre en Afghanistan.
Ceci indique qu’un des objectifs de Vladimir Poutine, souder la population autour sa personne pour qu’elle détourne son attention des problèmes économiques et de la crise COVID n’est pas atteint. Le peuple russe n’est pas unanime derrière lui.

3. L’objectif de l’opération militaire ne correspond plus au discours officiel de Vladimir Poutine : l’armée russe confirme le blocus de l’Ouest de Kiev

Jeudi matin, Vladimir Poutine avait annoncé une opération militaire spéciale visant d’une part à démilitariser l’Ukraine, et d’autre part à dénazifier l’Ukraine. Les bombardements de l’armée russe devaient se limiter à des bases militaires ukrainiennes, voire leur occupation par des troupes aéroportées. Mais sur le terrain, ces objectifs ont été dépassés.
Tout d’abord, l’armée russe occupe la centrale nucléaire de Tchernobyl. Ce n’est pas une base militaire.
Ensuite, l’armée russe a indiqué hier avoir investi un aéroport dans la banlieue de Kiev et affirmé avoir réussi à organiser le blocus de l’Ouest de Kiev. Par ailleurs, le bruit des combats de rapproche de la capitale ukrainienne. Or, Kiev n’est pas un objectif militaire mais politique.
Enfin, dans sa déclaration hier, Vladimir Poutine a demandé aux militaires ukrainiens de prendre le pouvoir à Kiev. Là aussi, l’objectif n’est pas militaire, il confirme la volonté de Moscou de vouloir changer le régime au pouvoir en Ukraine.
Tout ceci montre que l’objectif de l’opération russe en Ukraine ne correspond plus à l’objectif officiellement affirmé au début des hostilités, qui était d’assurer sa sécurité et celle des Républiques du Donbass par l’anéantissement de la capacité offensive de l’armée ukrainienne.

4. Les répercussions en Afrique d’un enlisement du conflit en Ukraine concernent directement la Chine

La Russie et l’Ukraine font partie des plus importants exportateurs de blé au monde. Elles représentent 30 % des exportations mondiales. L’Afrique importe deux tiers du blé qu’elle consomme, et 30 % de ces importations viennent de Russie et d’Ukraine.
Le cours mondial du blé dépasse 300 euros la tonne et un niveau record sur la place de Chicago depuis les émeutes de la faim en 2008. Or, si en 2008, la population de l’Afrique était inférieure à 1 milliard, elle est maintenant de 1,4 milliard, soit 400 millions d’habitants en plus.
Cela signifie qu’en cas d’émeutes de la faim, les répercussions seraient bien plus importantes.
Par ailleurs, au cours de ces 15 dernières années, la coopération entre l’Afrique et la Chine s’est considérablement renforcée. Ce partenariat se traduit par d’importants investissements financés par la Chine, ainsi que par l’espoir chez de nombreux Africains d’un développement du continent s’appuyant sur ce partenariat. Mais si l’Afrique était secouée par des émeutes de la faim, ce serait le risque d’une déstabilisation du continent entretenant l’incertitude sur les progrès réalisés et à venir.

5. Conversation téléphonique entre Xi Jinping et Vladimir Poutine

Il est évident que Vladimir Poutine a anticipé les sanctions économiques de l’Occident. Or, la Russie dépend de l’étranger dans des secteurs stratégiques, en particulier pour les importations de semi-conducteurs indispensables à tout composant électronique, et pour les exportations de matière première, notamment le gaz.
Si les échanges avec les pays situés à l’Ouest de la Russie diminuent à cause des sanctions, cela signifie une intensification des échanges avec ceux à l’Est, et en particulier avec la Chine. La Russie aura alors besoin de la Chine pour lui fournir des semi-conducteurs, et comme débouché de son gaz naturel source de devises.
Autrement dit, les sanctions renforcent la dépendance de la Russie à la Chine.
Or, la journée d’hier a marqué l’entrée en jeu de la Chine dans la crise en Ukraine.
Elle s’est positionnée vis-à-vis d’une résolution des Etats-Unis et d’un allié de l’OTAN condamnant la Russie et demandant le retrait des troupes russes d’Ukraine. La Chine s’est abstenue. Un vote contre aurait signifié un soutien clair à la Russie, cela n’a pas été le cas.
Xi Jinping et Vladimir Poutine se sont entretenus au téléphone avec, selon les médias russes, un positionnement de la Chine en faveur d’un cessez-le-feu
Selon Xinhua, « la Russie est prête à mener des négociations de haut niveau avec l’Ukraine (…) La partie chinoise soutient la partie russe dans la résolution de la question par les négociations avec la partie ukrainienne, a poursuivi M. Xi, ajoutant que la Chine était cohérente dans sa position fondamentale consistant à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays ainsi que les objectifs et les principes de la Charte des Nations Unies ».
Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a proposé un cessez-le-feu à l’Ukraine à condition que l’armée ukrainienne se rende. Ces conditions ne sont bien sûr pas acceptables pour Kiev, mais cela indique que Moscou se dit prêt à discuter avec le gouvernement actuel, ce qui relativise les propos de Vladimir Poutine appelant les militaires ukrainiens à prendre le pouvoir et montre bien que la Chine pèse pour un règlement pacifique de la crise en Ukraine.

M.M.

A la Une de l’actuChineUkraine

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • une communication du pouvoir russe
    Le régulateur russe des médias a ordonné samedi aux médias nationaux de supprimer de leurs contenus toute référence à des civils tués par l’armée russe en Ukraine ainsi que les termes d’« invasion », d’« offensive » ou de « déclaration de guerre ». « Nous rappelons que seules les sources officielles russes disposent d’informations actuelles et fiables », a déclaré Roskomnadzor dans un communiqué, alors qu’officiellement Moscou appelle son intervention en Ukraine une « opération militaire spéciale » destinée au « maintien de la paix ».
    plusieurs médias indépendant russes ont aussi été menacé s’il disait trop de chose.
    Vive la liberté de la presse à la suce Poutine, n’est ce pas.


Témoignages - 80e année


+ Lus