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Un accord avant tout stratégique

Réduction volontaire des armes nucléaires en Russie et aux États-Unis

lundi 12 avril 2010, par Geoffroy Géraud-Legros


Les deux anciens rivaux de la Guerre froide ont accompli un nouveau pas vers la réduction de leur potentiel nucléaire. Un accord qui signale plus une évolution stratégique qu’une vraie dénucléarisation.


L’accord russo-américain conclu jeudi dernier à Prague est-il un tournant majeur de l’Histoire ? À première vue, tout pourrait porter à le croire : un peu plus de 20 ans après la disparition des régimes socialistes à l’Est, la décision prise par les autorités américaines et russes de réduire 1.550 ogives de leur stock d’armes nucléaires est un pas supplémentaire vers la normalisation des relations entre les deux puissances. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner le nouvel élan imprimé par cet accord à leurs relations bilatérales. Enfin, parés des vertus de l’exemple, les États-Unis ont publiquement fait entendre qu’ils désiraient « montrer la voie » à l’Iran et à la Corée du Nord.
Un grand enthousiasme a accueilli ce traité. À juste titre, on s’est félicité de par le monde de cette démarche des deux grands, qui rompt avec la stratégie de tension et d’escalade menée pendant 8 années par Georges W Bush et son État-major de “faucons”.

Les superpouvoirs nucléaires demeurent

Il faut pourtant apporter un premier bémol à ce concert de louanges : une fois remplis les objectifs du traité, les États-Unis et la Fédération de Russie détiendront toujours un arsenal capable de supprimer toute forme de vie sur l’ensemble du globe. Cette diminution du potentiel des deux grands de l’atome est donc bien loin d’écarter la possibilité d’un holocauste planétaire, pas plus qu’elle ne remet fondamentalement en cause leur suprématie nucléaire. En revanche, la conclusion de ces accords assure aux deux puissances des bénéfices certains, tant sur le plan économique que politique.

Mesure d’économie

Le démantèlement d’une grande partie des équipements accumulés en plusieurs décennies de course aux armements permet de réaliser des économies substantielles : les USA et la Fédération de Russie, qui a succédé à l’Union soviétique, ne connaissent d’ailleurs que trop les limites de la coûteuse technologie nucléaire sur le terrain militaire. Au Vietnam comme en Afghanistan, les deux superpuissances ont connu la défaite face à des mouvements de résistance populaires sous-équipés, sans que leurs arsenaux nucléaires hors de prix ne leur soit d’aucun secours. Aujourd’hui, les États-Unis sont tenus en respect par des mouvements de guérillas relativement mal armés en Irak, mais aussi en Afghanistan, où ils ne parviennent pas mieux à s’imposer que les troupes soviétiques deux décennies auparavant. Il y a donc fort à parier qu’en cette période de crise, les impératifs budgétaires ont pesé d’un poids décisif dans la décision de réduire les capacités nucléaires.

Pressions sur les puissances moyennes

Paradoxalement, ce geste pourrait aussi servir à conforter la prédominance des deux grands pouvoirs nucléaires, qui craignent aujourd’hui l’émergence de puissances moyennes du Sud dotées de l’arme atomique. Appuyés par des instances internationales, les États-Unis ont ainsi engagé un bras de fer avec l’Iran afin d’imposer à la République islamique l’arrêt de son programme nucléaire. En prenant l’initiative d’une réduction de leur propre puissance, les USA détiennent un argument de poids pour justifier aux yeux de la communauté internationale l’exercice d’une pression accrue sur le pouvoir de Téhéran, et enrayer l’accès au rang de puissance nucléaire d’un État qui gène la stratégie américaine au Moyen-Orient.

Geoffroy Géraud-Legros


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