Économistes, chercheurs et universitaires pour le “non”

Un bilan des politiques ’désastreux’

26 mai 2005

(page 7)

Nous, économistes, votons, et appelons à voter “non” au projet de Traité constitutionnel européen (TCE) pour deux raisons essentielles :

- il interdit de fait tout alternative aux politiques libérales ;

- il subordonne les droits sociaux au principe de concurrence.
La partie III (les politiques de l’Union) du texte soumis à référendum est une compilation des traités précédents. En votant “oui”, les citoyens avaliseraient les politiques néo-libérales menées en Europe depuis vingt ans. Or le bilan de ces politiques est désastreux : elles ont été incapables de soutenir la croissance et l’emploi, et ont conduit à une régression sociale permanente (privatisation des services publics, déconstruction des systèmes de protection sociale, accroissement des inégalités et de la pauvreté).
L’insertion de la Charte des droits fondamentaux (partie II) dans le traité ne peut être interprétée comme une avancée. Les droits sociaux, souvent définis au rabais, se trouvent encadrés par les prescriptions contraignantes de la partie III. Toute logique volontariste d’harmonisation est explicitement exclue et le projet s’en remet, selon une logique profondément libérale, au libre jeu du marché pour assurer une telle harmonisation. En réalité, le TCE organise scrupuleusement une mise en concurrence des systèmes sociaux : en effet, au-delà d’un seuil critique d’hétérogénéité, qui a été dépassé avec l’élargissement, l’absence d’harmonisation par le haut signifie de fait l’harmonisation par le bas.

Tout repose sur une fausse hypothèse

Toute la construction européenne repose sur l’hypothèse que seule la concurrence généralisée permet d’augmenter le bien-être des populations ! Or cette hypothèse est fausse. Tant l’histoire que le succès de certains pays européens actuels montrent la possibilité de configurations économiques performantes où la concurrence est restreinte et encadrée. C’est cette voie, qui allie efficacité économique et justice sociale, qu’il faut explorer de nouveau plutôt que de répéter, comme le fait le TCE, la pétition de principe libérale.
Mais la structure actuelle de la construction européenne empêche d’aller dans la direction que nous défendons. En effet, au niveau communautaire, tous les dispositifs institutionnels, et en particulier la répartition des domaines de compétence entre ceux soumis à la majorité qualifiée et ceux requérant l’unanimité des États-membres, sont conçus pour que la construction européenne continue à avancer “en crabe” : très vite pour tout ce qui relève de l’orthodoxie libérale, à grand peine pour le social.

Au total, ce projet de traité est :

- anti-économique : il érige au statut de norme absolue des politiques dont nombre de pays européens ont fait l’expérience désastreuse depuis au moins deux décennies ;

- anti-social : il soumet les droits sociaux à un principe supérieur de concurrence ;

- anti-démocratique : il ferme toute possibilité de mener des politiques autres que libérales.
Enfin, ce projet est anti-européen : il déchire les tissus sociaux, jette les peuples les uns contre les autres par toutes les forces de la concurrence, et les conduit à un degré d’exaspération au bout duquel il n’y aura plus que le rejet de l’idée européenne elle même.
Les vrais Européens ne sont pas ceux qu’on croit !

Appel à l’initiative de Bruno Amable, Jean Gadrey, Liêm Hoang-Ngoc, Michel Husson, Frédéric Lordon, Jacques Mazier, Stefano Palombarini, Christophe Ramaux, Gilles Raveaud, Aurélien Saïdi, Damien Sauze, Bruno Théret, auteurs de l’ouvrage "Douze économistes contre le projet de Constitution européenne".


Non, mais !

o Corinne Lepage : le “oui” "est plombé par ses avocats"
Corinne Lepage, présidente de Cap 21, a estimé mardi que le “oui” "est plombé par ses avocats", "à commencer par le président et le Premier ministre dont chaque apparition fait baisser le “oui” de un ou deux points".
"Quand l’avocat n’est pas cru, c’est le client qui est cuit", dit Mme Lepage, citant "une mauvaise blague" d’avocats.
"Le fossé est grand entre nos gouvernants et les citoyens, et n’a cessé de s’élargir depuis le séisme politique des dernières élections présidentielles dont je pense qu’aucun parti traditionnel n’a su tirer les leçons", estime encore la présidente du parti écologiste.

o Le "oui" de Jospin "ne se différencie en rien" de celui de la droite
Jean-Pierre Chevènement a affirmé mercredi que le "oui" à la Constitution européenne de Lionel Jospin "ne se différenciait en rien du “oui” de la droite : Ses arguments sont exactement les mêmes. Ils nous proposent la même politique" a-t-il observé.
"Il est quand-même curieux de voir que l’ancien Premier ministre ne semble pas voir qu’il y a un rapport entre les orientations qu’il nous propose de constitutionnaliser et les politiques qu’on fait au quotidien". (...) "la politique de M. Raffarin, elle, traduit le pacte de stabilité budgétaire. Sa politique monétaire, c’est la politique de la Banque centrale. C’est tout cela que Lionel Jospin nous propose de conserver pour ensuite pouvoir le changer", a souligné le président du MRC. Or, "en 2007, nous serons constitutionnalisés, c’est-à-dire que ces contraintes s’appliqueront au gouvernement qui sera mis en place".


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