Co-développement avec notre région

Un devoir de mémoire commun sur notre Histoire

La culture : sujet important dans la visite de la délégation réunionnaise au Mozambique

8 octobre 2003

Lundi, dans son émission ’Afrique soir’, Radio France internationale est revenue sur la visite de la délégation réunionnaise au Mozambique conduite par le président du Conseil régional, Paul Vergès, insistant plus particulièrement sur les liens historiques et culturels qui unissent les deux pays. Avant d’évoquer les objectifs du séjour de la mission réunionnaise, l’envoyé spéciale de RFI, Jordane Bertrand, commença d’abord par situer géographiquement La Réunion et le Mozambique puis évoqua les liens historiques. Nous reproduisons ci-après une retranscription du dialogue entre Jordane Bertrand et le présentateur d’’Afrique soir’ :

Jordane Bertrand - Pour retracer les liens historiques entre La Réunion et le Mozambique, il faut remonter à l’esclavage car c’est à cette époque que de nombreux Mozambicains ont été déportés par des négriers européens vers les îles de l’océan Indien : Madagascar, Maurice et La Réunion. C’est vrai que cette Histoire est beaucoup plus connue dans le cadre du commerce triangulaire dans l’océan Atlantique, mais elle a finalement suivi tout à fait le même schéma dans l’océan Indien. Et, du 17ème au 19ème siècle, des Mozambicains ont été déportés comme esclaves pour aller travailler dans les plantations de sucre, et on estime à peu près à 200.000 le nombre de Mozambicains qui ont été déplacés d’une manière ou d’une autre à La Réunion.

• Cela fait donc très longtemps que ces descendants d’esclaves sont maintenant installés, notamment à La Réunion. Reste-t-il des traces de ces lointaines origines ?
- Oui, même si évidemment les traces ont été diluées dans le métissage caractéristique de cette île de La Réunion. Il faut rappeler que La Réunion était déserte lorsqu’elle a été découverte et se sont des apports européens, indiens, chinois et africains évidemment qui ont formé sa population. Les traces les plus évidentes entre La Réunion et le Mozambique qui ont été jusqu’à présent mises au jour concernent surtout les noms. On retrouve beaucoup de noms de Réunionnais à la consonance très proche de noms mozambicains. On sait aussi qu’il existe à La Réunion une communauté qui s’appelle les Nhambane alors que la capitale de l’esclavage au Mozambique au 17ème siècle était justement le port d’Inhambane. On repère tout de suite les ressemblances toponymiques. Et puis dans la danse notamment, des artistes, des chercheurs ont découvert de nombreuses similitudes surtout dans les danses de combat. On s’est aperçu que les danseurs faisaient les mêmes gestes à la fois au Mozambique et à La Réunion, et s’habillaient de façon quasiment identique. Donc finalement ce n’est qu’un début dans ces recherches et plusieurs projets vont être lancés pour approfondir ces études.

• Des similitudes surtout dans le domaine culturel donc. Il y a chez les Réunionnais une volonté de retrouver leurs racines, le voyage de cette délégation réunionnaise à Maputo en témoigne et côté mozambicain, y-a-t-il le même désir de replonger dans un passé, un passé qui est parfois douloureux ?
- Effectivement, c’est vrai que de part et d’autre, on voit qu’il y a ce besoin de devoir de mémoire si l’on ose dire, un petit peu différent peut-être. C’est peut-être plus sensible du côté de La Réunion, où l’on sent un besoin de faire ce travail sur l’esclavage et de valoriser l’Histoire des populations descendant d’esclaves qui sont les plus socialement défavorisées encore aujourd’hui. Et donc, à La Réunion, on prévoit notamment la création d’une Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise qui, justement, permettrait de valoriser l’Histoire de toutes les cultures qui font ce que La Réunion est ce qu’elle est aujourd’hui.
Du côté mozambicain c’est un peu plus compliqué parce que c’est vrai que cette période de l’esclavage reste également un tabou dans l’Histoire du pays, puisqu’en fait ce sont des Mozambicains qui ont mis en esclavage d’autres Mozambicains avant de les vendre aux armateurs. Donc finalement, le travail de mémoire est aussi complètement à faire dans ce pays. Donc peut-être effectivement que les relations entre le Mozambique et La Réunion permettront de donner un nouvel élan à ce devoir de mémoire commun.


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