Victoire de Fernando Lugo à la présidentielle

Un élan pour transformer le Paraguay

28 avril 2008

Un article paru sur le site ’Rue 89’ revient sur la victoire à l’élection présidentielle d’un ancien évêque, militant de la théologie de la libération. Fernando Lugo est à la tête d’une « alliance pour enfin changer les choses dans ce pays ». Depuis plus de 60 ans, la classe dominante détenait tous les pouvoirs et tous les moyens pour faire taire l’expression populaire. Résultat : 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Sorti d’une des régions les plus reculées du pays, Fernando Lugo, ancien "évêque des pauvres", a remporté l’élection présidentielle dimanche au Paraguay. La victoire de cet ancien prélat catholique, qui a démissionné de son poste pour se lancer dans la course électorale il y a deux ans, met fin à soixante ans de dictature et de corruption du parti Colorado. La population a célébré dans la rue dès l’annonce de sa victoire.
Fernando Lugo, qui a remporté plus de 41% des voix dans un scrutin à un tour, décrivait ainsi sa candidature :
« Toutes les forces d’opposition m’ont demandé de prendre la tête d’une alliance pour enfin changer les choses dans ce pays, pour récupérer notre dignité et retrouver la confiance ».
Pourtant, rien ne semblait pouvoir enrayer la machine "colorada" jusqu’à ce jour de Noël 2005, où Fernando Lugo annonça sa candidature et abandonna son poste d’évêque. Le parti Colorado, au pouvoir depuis six décennies, contrôlait tous les rouages de l’Etat et était devenu un véritable appareil à gagner les élections. Régulièrement accusé de fraude, de corruption, d’incompétence et d’association maffieuse, le parti dirigeait le pays comme bon lui semblait. Et les caciques du pouvoir étalaient ostensiblement leur richesse alors que 40% de la population vivaient sous le seuil de pauvreté.
Martin Almada, avocat emprisonné et torturé pendant trois ans par la police politique du dictateur paraguayen, ne mâche pas ses mots quand il parle de la démocratie de son pays :
« On ne peut pas continuer comme ça, rien n’a changé depuis Stroessner, le Paraguay est dirigé par une mafia ».
Quand Stroessner est tombé en 1989, son successeur avait annoncé un train de réformes laissant supposer que le Paraguay entrait dans une phase de transition démocratique. Or dix-neuf ans plus tard, la transition n’est toujours pas terminée et l’alternance restait une vue de l’esprit.
Quant à Martin Almada, l’infatigable militant des droits de l’homme, âgé de 71 ans, il s’est battu pour la victoire de l’ancien évêque : « C’est le seul dont l’honnêteté ne fait pas de doute, il a toujours été du côté des pauvres, c’est également un partisan de la théologie de la libération ».
Malgré sa victoire, Fernando Lugo disposera d’une marge de manœuvre extrêmement serrée. Les classes dirigeantes ne vont rien céder sans d’âpres luttes forcément déstabilisantes pour un gouvernement de coalition. Seule une refonte de l’administration publique, pléthorique, corrompue et inefficace semble, dans un premier temps, un terrain d’action accessible pour un changement. En plaçant ses partisans aux postes clefs, il brisera peut-être l’hégémonie du parti colorado, mettant enfin un terme à soixante années de règne sans partage.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus