Bruno Leroux vient animer la campagne du P.S.

Un menteur à La Réunion

14 avril 2005

Le dirigeant socialiste arrivé hier dans notre île pour mener campagne s’est illustré lors des dernières élections européennes. Pour justifier le choix par son parti d’une liste conduite par Jean-Claude Fruteau, Bruno Leroux évoquait ’le diktat’ de Paul Vergès qui aurait exigé d’être tête de liste. Une version des faits qui est pure invention. C’est un menteur et un provocateur qui vient demander aux Réunionnais de voter ’oui’ au référendum.

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Pour animer sa campagne outre-mer, le parti socialiste a envoyé Dominique Strauss-Khan aux Antilles et Bruno Leroux à La Réunion. Même si ce dernier est un responsable national socialiste, sa notoriété est moindre que celle de l’ancien ministre des Finances. Lequel fait aussi partie de la liste des présidentiables de son parti.

Un choix judicieux ?

Ce choix découle d’une analyse. Pour la rue de Solférino, les carottes seraient cuites à La Réunion où le “non” devrait l’emporter. Par contre, un effort particulier aux Antilles permettrait peut-être de faire décoller le “oui”. D’où cette distribution des rôles : un présidentiable aux Antilles et un responsable du parti à La Réunion.
Le choix d’un Bruno Leroux comme animateur de campagne dans notre île est-il judicieux ?
Même s’il est peu connu, l’intéressé s’est déjà fait connaître à La Réunion. Plus particulièrement, lors des péripéties liées à la Constitution de la liste socialiste dans la circonscription outre-mer aux européennes.
Après avoir hésité et tergiversé, la direction du PS avait choisi de confier à Jean-Claude Fruteau la conduite d’une liste socialiste quasi-homogène. Elle pouvait opter, comme le lui demandaient la majorité de ses fédérations outre-mer ainsi que des partis progressistes, pour une équipe plus ouverte. Au sortir d’une réunion de son parti, Bruno Leroux avait justifié ce choix, en déclarant en substance que si les socialistes avaient été obligés de constituer une telle liste, c’était pour répondre à "l’ukase de Vergès" qui voulait à tout prix être tête de liste. Ses propos avaient été signalés par l’AFP et repris dans la presse locale.
Cette déclaration - qui n’a jamais été démentie - constituait un mensonge absolu.
Dans les contacts téléphoniques qu’il a eus avec François Hollande dans le cadre de la préparation des Européennes, à aucun moment Paul Vergès n’a revendiqué d’être la tête d’une liste quelconque. Il avait confirmé au numéro un socialiste sa position constante et publique : une approbation et un soutien à une équipe largement ouverte conduite par un socialiste antillais, Axel Urgin, secrétaire du PS à l’Outre-mer, comportant une Réunionnaise en deuxième position ainsi que des représentants d’autres forces progressistes. Cette solution, répétons-le, avait la préférence des fédérations socialistes ultramarines et était soutenue par plusieurs formations progressistes.

Des batailles internes

Ce sont les batailles internes entre courants et la volonté de contrecarrer, à La Réunion, l’Alliance, qui ont poussé la direction socialiste à construire une liste homogène autour de Jean-Claude Fruteau. Les représentants réunionnais des courants Emmanuelli (Annette-Vergoz), Montebourg (Patrice Lebreton) et Hollande-Fabius (Fruteau) ont fait cause commune et ont agit auprès de leurs leaders respectifs pour l’emporter.
Placées devant une telle situation, les forces progressistes ultramarines - dont la fédération socialiste de Guadeloupe - ont d’abord voulu faire prospérer une première solution. Celle-ci consistait en la présentation de deux listes, l’une couvrant, pour l’essentiel, les Antilles et l’autre, l’océan Indien et le Pacifique.
En raison du temps disponible, des distances et du décalage horaire, une telle hypothèse était devenue vite irréaliste. L’idée de construire une liste unique, - dite aussi “transversale” - est alors apparue comme la plus efficace. C’est à ce moment qu’il a été demandé à Paul Vergès de prendre la tête d’une telle construction.
C’est donc la tactique socialiste repoussant le principe d’une liste de large union qui a engendré la présentation de candidats de l’Alliance pour l’Outre-mer. De nombreuses personnes dignes de foi peuvent en témoigner, y compris au sein du parti socialiste.
La justification du choix du PS, telle qu’elle a été présentée par Bruno Leroux est donc une pure invention. C’est l’auteur d’une telle affabulation, pour ne pas dire une telle provocation qui vient faire campagne pour le “oui” à La Réunion.

J. M.


Une fédération isolée

Commentant la décision du PCR d’appeler à voter “non” le 29 mai prochain, Jean-Louis Rabou dans un éditorial du “Quotidien” faisait valoir que les communistes s’asseyaient sur leur concept de "rassemblement" en refusant de s’entendre avec leurs "cousins socialistes".
Sans revenir sur les causes de la rupture entre les deux partis, force est de constater qu’aujourd’hui, c’est la fédération socialiste qui se retrouve isolée et incapable de rassembler autour d’elle.
Certes le front du “non” constitué par plus d’une quinzaine d’organisations et qui a été présenté au public vendredi dernier, n’a pas l’ambition de devenir un rassemblement politique tel qu’on le conçoit habituellement. Mais même constitué pour le temps d’une campagne, il démontre la capacité des uns et des autres à dépasser leurs différences, de laisser de côté tout sectarisme pour faire cause commune. Sans doute parce que l’enjeu du 29 mai le veut ainsi. Et, comme l’écrit Pierre-Yves Versini dans le “Quotidien” de samedi, le rassemblement qui est né vendredi "au-delà des partenaires qui dirigent actuellement la Région au sein de l’Alliance."
Pour l’heure, Jean-Claude Fruteau, principal animateur de la campagne socialiste a réussi le tour de force d’être désigné "pédagogue" et "porte-drapeau" pour l’UMP et la Relève réunies ! Michel Vergoz n’a pas osé qualifier ce mariage entre un dirigeant socialiste et la droite raffarienne locale de "zanbrokal avarié" !


Le PS et l’Outre-mer

Une perte de crédibilité

Lors de son dernier congrès de Dijon, le PS avait, pour la première fois dans son histoire, élu un secrétaire national à l’Outre-mer. Cette désignation - qui transcendait tous les courants internes au parti -s’est faite sur la base d’une plate-forme. Le parti socialiste y reconnaissait ses erreurs passées et se proposait d’ouvrir un véritable partenariat avec les forces progressistes de l’Outre-mer. Il envisageait même d’installer une structure permanente de concertation capable d’aider sa direction dans ses choix programmatiques et ses prises de décision. Cette orientation fut accueillie favorablement par les progressistes d’Outre-mer.

L’esprit de Dijon effacé

Cette structure ne fut jamais mise en place et, très rapidement, “l’esprit de Dijon” a été effacé.
Dans un premier temps avec la constitution de la liste outre-mer des européennes, la direction nationale fit le choix du sectarisme en privilégiant le choix d’une équipe quasi-homogène. Elle fut alors accusée - y compris par plusieurs de ses dirigeants outre-mer - de ne pas être à l’écoute de l’Outre-mer et d’être vis-à-vis d’elle, aussi méprisante que la droite. Une accusation extrêmement grave dont le PS aura du mal à guérir.

L’épisode des TOS

Il y eut ensuite l’épisode du transfert des TOS.
La quasi-majorité des forces politiques de La Réunion et des organisations syndicales, chacune avec leur motivation propre, à l’exception notable de la fédération socialiste, avait accepté l’idée d’exiger le préalable d’un rattrapage avant tout transfert. Après de nombreuses péripéties, un amendement allant en ce sens fût adopté par le Parlement.
Soixante députés socialistes déférent alors devant le Conseil Constitutionnel plusieurs dispositifs de la loi qui venait d’être votée. Dont la mesure spécifique aux DOM. Pour prendre son initiative, le Parti socialiste n’a consulté personne, élus et responsables syndicaux de La Réunion. Il n’a pas tenu compte de la position majoritaire des Réunionnais. Pire : il ne les a même pas informés de sa démarche.

Au détriment de l’intérêt des Réunionnais

Le Parti socialiste a privilégié son affrontement direct, frontal avec le gouvernement au détriment de l’intérêt des Réunionnais. Il a transformé un point nous concernant directement et sur lequel nous avions notre propre opinion, en un sujet de polémique avec le pouvoir et cela sans demander notre avis.
La situation pourrait être définitivement bloquée, c’est-à-dire que les TOS seraient transférés outre-mer sans le préalable du rattrapage. Mais, il y a eu pire. Dans son recours, le PS a fourni au Conseil constitutionnel des arguments pour construire sa jurisprudence sur une question essentielle pour les DOM depuis la dernière révision constitutionnelle : quelles adaptations y sont possibles ? Et sous quelles conditions ? Toute la démarche visant à exiger un rattrapage des retards outre-mer pour promouvoir son développement semble désormais compromise.
Enfin, on pourrait ajouter, au titre de l’anecdote, que François Hollande avait déclaré qu’il consignerait par écrit un engagement pris. À des syndicalistes, il promettait, en cas d’alternance, de revenir sur le transfert des TOS et de procéder à une sorte de “re-nationalisation”. Le Premier secrétaire du PS n’a jamais envoyé à ses interlocuteurs la lettre qu’il promettait.

J. M.


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