Médecins du Monde Océan Indien a 25 ans

Un remède contre les insuffisances chroniques

2 avril 2007

Pour marquer les 25 ans de Médecins du Monde Océan Indien, son délégué régional, le docteur Gilbert Potier, ainsi son président national, le docteur Pierre Michelletti, ont convié donateurs, bénévoles et familles d’accueil à partager cet anniversaire samedi après-midi, à la Villa du Département. L’occasion de remercier tous ces acteurs de l’ombre dont le dévouement constitue le coeur de l’action humanitaire en faveur des personnes exclues, privées de soins, à La Réunion et dans la zone.

Pierre Micheletti, Président national et Gilbert Potier, délégué régional.
(Photo SL)

Pierre Micheletti dirige le service municipal de santé de Grenoble et depuis un an a pris bénévolement le relais de la présidence de Médecins du Monde. Cette première visite à La Réunion lui permet de se rapprocher de ceux qui font que, de Paris, la délégation régionale est vue comme « très active avec une vraie dynamique d’équipe. »

Donateurs privés et institutionnels : « on a besoin des deux »

Aux côtés de la vice-présidente de la Région Réunion, Catherine Gaud, du vice-président du Département, Gino Ponin-Ballom, de la Consule générale de Madagascar, Léa Ravololondratavy, le docteur Micheletti a tenu à souligner « les caractéristiques assez exceptionnelles de la délégation régionale. » Son âge atteste en premier lieu de sa réactivité précoce à s’intéresser à des problématiques qui, il y a 25 ans, n’étaient pas encore dites, reconnues, médiatisées : actions en faveur des populations précaires, de l’accès à la santé, de la solidarité à distance avec Mayotte, Madagascar dans le cadre d’urgences, mais aussi de programmes chirurgicaux engagés avec le CHD de Bellepierre qui envoie régulièrement des équipes médicales complètes et du matériel à Madagascar mais assure aussi l’accueil en hospitalisation d’enfants qui ne peuvent être soignés sur place. Pierre Macheletti a tenu à souligner que les personnes qui ouvrent à Médecins du Monde auprès des populations en difficulté ne se posent pas en « donneurs de leçons », en « nouveaux colons ». L’esprit de l’aide humanitaire proposée est avant d’établir des liens d’échanges, de communication pour connaître les besoins des personnes et tenter d’y répondre avec eux. Et sur ce point, « Médecins du Monde a su construire un réseau d’acteurs et de partenaires » que le docteur Micheletti était heureux de rencontrer, pour une partie, samedi. « A La Réunion les donateurs privés et institutionnels sont comme deux pinces d’une main : pour tenir la feuille de route, on a besoin des deux. » Tout le monde est certes astreint à des contraintes budgétaires, comme l’a répété à plusieurs reprises le vice-président du Département, mais l’essentiel est de faire pour le mieux, ensemble. Le président national a remercié le CHD qui fait un important travail en chirurgie viscérale et cardio pédiatrique et a affirmé toute sa reconnaissance aux 18 familles d’accueil réunionnaises, maillon essentiel de la chaîne de solidarité qui mériterait de s’étoffer. « Elles sont emblématiques et illustrent parfaitement un des aspects de Médecins du Monde : à côté de la technicité, de l’approche scientifique, rationnelle, de la santé, le facteur humain est indispensable. Ces familles offrent un environnement social, affectif, sécurisant, indispensables à ces enfants pour leur permettre de supporter la machine de soins et les conduire sur la voix de la guérison. Merci à elles. »

Jeunes couples : « les nouveaux exclus »

« Médecins du Monde s’occupe beaucoup des sans voix, des pauvres qui n’ont pas accès aux soins, à la santé qui n’est pas que physique mais psychologique, sociale et là beaucoup de Réunionnais sont en souffrance », a tenu à souligner le docteur Gaud rendant hommage au travail de la délégation, « au nom du président de Région et de tous ceux qui combattent et ne se résignent pas ». Si en 25 ans, ses moyens structurels, logistiques se sont largement développés, tout comme sa professionnalisation, le docteur Potier, présent dès sa création, atteste d’une importante dégradation de la situation sur le terrain. « Beaucoup de jeunes, de femmes sont hors des dispositifs. Les jeunes couples sont aujourd’hui les nouveaux exclus. » Médecins du Monde a mis en place deux centres de consultation pour les SDF et d’autres projets à destination des gens en grande précarité vont être engagés, sur Saint-Denis pour l’instant, en partenariat avec la Boutique Solidarité de l’Abbé Pierre et peut-être les CCAS (Centre communaux d’action sociale). Gilbert Potier note l’insuffisance de places d’hébergement : 20 à Saint-Denis pour 150 sans abris et environ 40 pour 500 SDF à l’échelle de La Réunion. Médecins du Monde veut ainsi développer la prise en charge psychologique de rue pour ces laissés pour compte. Autre défaillance, seulement 2 programmes d’accès aux soins sur 4 inscrits sont fonctionnels : celui de Saint-Denis, de Saint-Pierre, alors que ceux de Saint-Benoît et de Saint-Paul sont inexistants. Censés permettrent un accès aux soins à n’importe quel moment en dehors des heures d’ouverture des consultations hospitalières, la viabilité de ces programmes dépend beaucoup du bon vouloir des personnes d’astreinte. Beaucoup a été fait et beaucoup reste encore à faire.

Stéphanie Longeras


An plis ke sa

350 enfants malgaches opérés
L’activité chirurgicale occupe une part importante de la coopération humanitaire à Madagscar. Ces 10 dernières années, 3000 enfants ont été consultés, 250 ont été opérés sur place, à coeur fermé, avec des chirurgiens malgaches et environ une centaine ici, à coeur ouvert. « On essaye de développer des structures techniques là-bas, explique Gilbert Potier. Le principe de notre action est de donner de la technicité aux chirurgiens malgaches pour que les interventions se fassent sur place. A terme, on souhaiterait n’apporter qu’un appui technique deux fois par an. » Parallèlement, Médecins du Monde intervient dans la Grande Ile sur des programmes spécifiques : la prévention nutritionnelle dans les prisons, la question de la sexualité, la prise en charge des prostituées, action qui a d’ailleurs été reprise par des associations malgaches.

« 
On en critique pas le système, on ouvre une voix  »
A prendre en charge des missions régaliennes d’État ne risque-t-on de le conforter dans ses manquements ? « Tous les systèmes de santé sont bons, répond alors Gilbert Potier. La France était soi-disant pourvue du meilleur, mais on a vu et voit encore qu’il compte beaucoup d’exclus. On ne critique pas le système, on ouvre une voix. Il y a quelques années, quand on allait apporter des seringues aux toxicomanes, la police nous courrait derrière. Aujourd’hui, au vu du risque sanitaire, c’est l’État qui s’en charge. »

« 
Il y a du boulot pour tout le monde  »
A côté des programmes menés dans la zone à Madagascar, aux Comores, à Mayotte (voir encadré), Médecins du Monde intervient sur les situations d’urgence comme en Inde pour le tsunami, lors des tremblements de terre au Pakistan, des inondations en Indonésie... et plus près de nous, pour venir en aide aux sinistrés du cyclone Indlala, avec une équipe de médecins pour 15 jours et une équipe permanente pour 3 mois. Les ONG se développent, existe-t-il un phénomène de concurrence ? Pierre Micheletti note qu’« il y a du travail pour tout le monde. » Hormis le fait qu’il faille veiller à ne pas « se faire piquer les salariés de terrain, une trentaine à Médecins du Monde, des cadres opérationnels de haut niveau fortement prisés », le docteur soutient qu’il ne s’agit pas tant de concurrence que d’organisation sur le terrain entre les grandes ONG qui interviennent sur des urgences. Sur ce point, la coordination des Nations Unies est profitable. Reste toujours de petites organisations qui involontairement parasitent la cohérence de l’aide, comme on l’a vu d’ailleurs lors du tsunami. La vraie difficulté pour les ONG reste la déliquescence politique de certains pays, les conflits qui empêchent l’intervention humanitaire.

250 salariés dont la moitié à la délégation régionale
Pour oeuvrer à Médecins du Monde, 4 statuts sont possibles. Il y a les salariés employés en continue pour l’organisation logistique, la conduite de programmes inscrits dans la durée. Il y a les bénévoles, généralement des professionnels de santé, puis les volontaires dont le statut a évolué vers une reconnaissance en 2005 et qui peuvent percevoir une rémunération de 1000€ par mois seulement à partir de 3 mois de mission. Ainsi un urgentiste qui intervient 3 semaines à Madagascar n’est pas indemnisé. Puis il y a une trentaine de salariés de terrain, les cadres opérationnels.

SL


- Programme d’accès aux soins à Mayotte

« 
Nous demandons l’aide médicale d’État  »

Le président national de Médecins du Monde s’est rendu à Mayotte pour prendre connaissance de l’avancée d’un programme d’accès aux soins actuellement en cours. Sa première phase consiste à faire un état de lieux des soins à destination de la population précaire et parallèlement un bilan administratif, financier, culturel, politique des moyens réservés à l’accès aux soins.

1000 dossiers d’infections graves en attente

« Cette mise à plat permettra de réaliser un diagnostic partagé pour d’ici le mois de juin déboucher sur l’élaboration de pistes de reconnaissance », explique Pierre Micheletti. L’exclusion des soins des personnes en situation irrégulière, dont la majorité vit pourtant à Mayotte depuis près de 15 ans, est particulièrement préoccupante. « Nous demandons l’aide médicale d’État, soutient le docteur Potier. Avant l’accès aux droits, l’accès aux soins est prioritaire. 1000 dossiers de personnes en situation d’infections graves et durables sont en attente mais l’on traite au coup par coup. » Les autorités locales refusent que des malades viennent à La Réunion se faire soigner par crainte qu’ils s’y installent. Toujours la peur diabolisée de l’envahisseur. L’Agence Régionale pour l’Hospitalisation a bien inscrit que moyennant finances (10 euros, 15 euros, 30 euros) certains soins peuvent être délivrés, mais compte tenu de la situation de grande précarité de la population, cette prérogative financière est très compliquée à appliquer, restrictive. La population demande à raison l’extension de la Sécurité sociale pour pouvoir bénéficier pleinement des soins appropriés. Mais depuis la politique de l’immigration de l’ex-ministre de l’Intérieur, « il y a une répression terrible, les gens n’ont plus accès à la santé : c’est un débat politique insoluble. » Pierre Macheletti note également le problème de « l’absence médicale dans le centre de rétention administrative de Mayotte. On va essayer de voir avec une autre ONG française, la SIMAD qui oeuvre sur le terrain, si elle ne voudrait pas s’impliquer sur cette question particulière. »

SL


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