L’opération militaire israélienne à Jénine

Un représentant européen critique le raid israélien

10 juillet 2023

Le représentant de l’Union européenne pour les territoires palestiniens, Sven Kuehn von Burgsdorff et une délégation d’envoyés internationaux visitent le camp de réfugiés palestiniens de Jénine en Cisjordanie occupée par Israël, le 8 juillet 2023.

L’opération débutée le 3 juillet a fait 12 morts côtés Palestiniens et un soldat israélien. Elle a mobilisée des centaines de soldats ainsi que des drones et des bulldozers de l’armée dans la ville de Jénine et le camp de réfugiés adjacent

Sven Kuehn von Burgsdorff a critiqué le 8 juillet Israël pour son raid meurtrier à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée, qui remet en question la "proportionnalité" de l’usage de la force par l’armée israélienne durant l’opération.

Le représentant de l’Union européenne pour les territoires palestiniens s’est exprimé à l’occasion de la visite sur place d’une délégation de fonctionnaires des Nations unies et de diplomates de 25 pays.

"Nous sommes préoccupés par le déploiement d’armes et de systèmes d’armes qui remettent en question la proportionnalité de (l’usage de la force par) l’armée pendant l’opération", a-t-il déclaré.

Ses remarques interviennent après celles du chef de l’ONU, Antonio Guterres, qui a déclaré que les forces israéliennes avaient fait un usage excessif de la force lors de l’opération de 48 heures. cette opération est la plus importante qu’Israël ait menée dans le territoire palestinien depuis des années.

"Ce cycle de violence doit cesser, il ne peut plus durer. S’il n’y a pas de solution politique au conflit, nous serons encore là dans une semaine, dans un mois, dans un an, sans que rien n’ait changé", a ajouté le diplomate européen.

Des représentants des Nations unies ont lancé un appel de fonds pour aider à la reconstruction du camp de réfugiés. "Pour rétablir les services et augmenter l’aide aux enfants, nous avons besoin d’argent", a déclaré Leni Stenseth, commissaire général adjoint de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), regrettant que les fonds collectés soient insuffisants.

Israël commet des crimes de guerre

Des maisons, des immeubles et d’autres infrastructures ont été endommagés au cours des deux jours de raids, lundi et mardi, et plus de 4 000 Palestiniens ont été contraints de fuir.

Les actions d’Israël constituent « des violations flagrantes du droit international et des normes relatives à l’usage de la force et peuvent constituer un crime de guerre », ont déclaré Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, et Paula Betancur, rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

Les deux femmes ont indiqué que « les attaques ont été les plus violentes en Cisjordanie depuis la destruction du camp de Jénine en 2002 ». Elles ont également souligné que des équipes d’ambulanciers s’étaient vu refuser l’accès au camp de réfugiés, empêchant ainsi les blessés de recevoir une assistance médicale.

« Il est déchirant de voir des milliers de réfugiés palestiniens, déplacés à l’origine depuis 1947-1949, contraints de quitter le camp dans une peur abjecte au milieu de la nuit », ont-elles déploré.

Les rapporteurs spéciaux font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Ce sont des experts indépendants qui travaillent sur une base volontaire, ne faisant pas partie du personnel de l’ONU et ne sont pas rémunérés pour leur travail.

Francesca Albanese et Paula Betancur ont également dénoncé l’opération « antiterroriste » menée par Israël et ont signalé que le droit international ne justifiait pas de telles actions. « Ces attaques constituent une punition collective à l’encontre de la population palestinienne, qualifiée de ’menace collective pour la sécurité’ aux yeux des autorités israéliennes », ont-elles indiqué.

Elles ont également exprimé leur « grave inquiétude » concernant les armes et les tactiques déployées au moins à deux reprises au cours des deux dernières semaines par les forces israéliennes contre la population de Jénine.

« Les Palestiniens du territoire palestinien occupé sont des personnes protégées par le droit international, auxquelles sont garantis tous les droits de l’homme, en particulier la présomption d’innocence », ont souligné Albanese et Betancur.

« Ils ne peuvent être traités comme une menace pour la sécurité collective par la puissance occupante, d’autant plus qu’elle poursuit l’annexion des terres palestiniennes occupées, ainsi que le déplacement et la dépossession de leurs résidents palestiniens ».

Les opérations menées par Israël à Jénine représentent « une amplification de la violence structurelle qui imprègne » les territoires palestiniens occupés depuis de nombreuses années, ont-elles ajouté.

« L’impunité dont jouit Israël pour ses actes de violence depuis des décennies ne fait qu’alimenter et intensifier le cycle récurrent de la violence », ont-elles assuré. Les expertes de l’ONU ont demandé qu’Israël soit tenu responsable, en vertu du droit international, de son « occupation illégale et des actes de violence qui la perpétuent ».

Elles ont soutenu que « pour que cette violence incessante prenne fin, l’occupation illégale d’Israël doit cesser. Elle ne peut être corrigée ou améliorée à la marge, car elle est erronée au plus profond d’elle-même. »

Reconstruire Jénine

Les infrastructures du camp ont été gravement endommagées au cours de l’opération militaire : huit kilomètres de canalisations d’eau et trois kilomètres de canalisations d’égouts ont été détruits, selon les Nations unies. Plus de 100 maisons ont été endommagées et un certain nombre d’écoles ont également été légèrement endommagées.

Le camp de réfugiés est l’un des plus pauvres et des plus densément peuplés de Cisjordanie, avec quelque 18 000 personnes vivant sur seulement 0,43 km². "Je vous demande instamment d’envisager d’annoncer dès que possible votre soutien au travail que nous allons accomplir ici, dans le camp de Jénine, au cours des semaines et des mois à venir", a ajouté Leni Stenseth.

Le 6 juillet, l’Algérie a annoncé une aide de 30 millions de dollars (environ 27 millions d’euros) pour "aider à la reconstruction de la ville palestinienne de Jénine après l’attaque barbare et criminelle" d’Israël.

Depuis le début de l’année 2023, le conflit israélo-palestinien connaît un net regain de tensions après l’entrée en fonctions, fin décembre, d’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël, dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Le nord de la Cisjordanie a connu une récente vague d’attaques contre des Israéliens ainsi que des violences anti-palestiniennes de la part de colons juifs. Près de trois millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967. Environ 490 000 colons juifs y habitent aussi dans des colonies que l’ONU juge illégales au regard du droit international.


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