Quelle mondialisation ?

Un succès pour les partisans du développement durable

Clôture de la conférence ministérielle de Cancun sans accord sur le dos des plus pauvres

16 septembre 2003

La conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (O.M.C.) s’est terminée dimanche à Cancun. Déjà les premiers titres des médias font état d’un « échec ». Mais un échec pour qui ? Et un échec par rapport à quel projet ?
Certes, les 146 États membres n’ont pas réussi à tomber d’accord sur les règles du commerce international dans divers domaines inscrits à l’ordre du jour de la conférence. Et dans ce cas, un tel mot pourrait éventuellement être justifié.
Mais si l’on va plus loin que cette vision superficielle des choses, on ne doit pas oublier que le texte proposé aux participants à la conférence reprenait en grande partie un premier accord négocié entre l’Union européenne et les États-Unis. Or ce document ne retenait pas les différentes propositions faites par les pays du Sud pour que la conférence de Cancun soit une étape vers le développement solidaire des peuples du monde.
Le texte « ne tient pas compte des opinions et des inquiétudes que nous avons exprimé », a jugé le ministre indien du commerce, Arun Jaitley.
Autre argument évoqué pour annoncer l’"échec" de Cancun : selon le vice-ministre argentin Martin Redrado, c’est le refus des pays africains d’accepter la négociation sur de nouveaux dossiers de libéralisation du commerce international qui a convaincu la présidence mexicaine de l’échec inévitable de la conférence. De ce point de vue, l’échec vient du fait que les mandataires de l’Occident ont refusé d’entendre les voix du Sud.

Échec pour qui ? Et pour quoi ?

Devant ce constat, les représentant de la majorité de l’humanité ont refusé de s’engager dans une voie où ils sentaient qu’ils allaient encore être les perdants. Malgré toutes les pressions, chantages et tentatives de division que l’on peut facilement imaginer, ils ont réussi à s’entendre pour adopter une position claire : pas d’accord plutôt qu’un mauvais accord.
Pour beaucoup de délégations des pays du Sud, ce qui est considéré comme un échec d’un point de vue occidental, est considéré par elles comme une victoire. « Cela montre que les pays en développement ne peuvent pas se faire dicter » ce qu’ils doivent faire, a affirmé Rafidah Aziz, ministre malaisien du Commerce international.
Un point de vue partagé par le ministre du commerce du Mali, principal négociateur africain sur la question du coton à Cancun, pour qui « le bilan est positif, car le coton, qui était un sujet tabou il y a quelques mois, a ravi la vedette à bien d’autres sujets et a été intégré aux négociations ». « L’échec de la conférence n’est pas un échec pour nous, car on a voulu nous imposer quelque chose qui aurait été pire, et nous avons su réagir », s’est-il réjoui.

« C’est une victoire pour le peuple »

La cause des paysans africains a rencontré un large écho à Cancun, au point de peser dans les négociations. Un autre délégué africain déplore l’attitude des représentants de l’Occident : « Ils ont utilisé cette réunion pour mettre leurs questions en avant (...) alors qu’ils auraient dû être fidèles aux promesses faites à Doha », a expliqué à la presse le délégué de l’Ouganda, Yashpal Tando. « Ils avaient promis de parler des sujets concernant le développement, et comme ils n’ont pas tenu leur promesse, il n’y a plus de raison pour nous de rester ici », a-t-il lancé.
Pour les altermondialistes présents à la conférence ministérielle, le résultat de Cancun est une grande avancée. « C’est une victoire pour le peuple », a lancé un des chefs des manifestants Rafael Alegria. « Nous l’espérions, nous l’avions prévue et maintenant nous la célébrons ».
« Cancun, c’est Seattle sans les gaz lacrymogènes », a déclaré Maude Barlow, militante d’une ONG canadienne, en apprenant la conclusion des discussions. « Le pouvoir au peuple », scandaient sous les flashs d’autres défenseurs des pays pauvres, sous une pancarte « On a gagné ».

Rebondir

Pour un représentant des États-Unis, la résistance du Sud est dure à avaler : « certains pays devront maintenant avoir à décider s’ils veulent faire des remarques ou faire des progrès », a lancé le délégué américain au commerce Robert Zoellick.
Quant au mandataire de l’Union européenne, le commissaire Pascal Lamy, il a estimé que le désaccord est « un coup sérieux porté à l’OMC et une occasion perdue pour nous tous, pays développés comme pays en développement ». « Un accord sur l’agriculture aurait été possible. L’Union européenne était prête à faire le nécessaire pour le rendre possible », a indiqué pour sa part le commissaire européen à l’agriculture Franz Fischler.
Compte tenu des divergences de vue entre l’Occident et la majorité de la population mondiale, il eût été étonnant d’aboutir à un accord guidé par une idéologie ultra-libérale teintée de néo-colonialisme, où le Nord a le droit de se protéger de la concurrence tandis que le Sud doit ouvrir totalement ses marchés.
Et tant que les relations entre les peuples n’intégreront pas le droit au développement durable pour tous, il sera difficile de voir l’Occident et le reste du monde s’entendre. Le résultat de Cancun démontre pourtant que s’il avait vraiment été question de développement au sein de l’O.M.C., un accord aurait été possible. Et des instances telles que la Conférence des régions périphériques et maritimes de l’Union européenne prouvent que des pays du Nord et du Sud peuvent s’entendre et avancer ensemble quand le développement durable devient une priorité (voir cet article) .


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