Traité constitutionnel européen : ’les fondements du droit constitutionnel sont bafoués’ - 7 -

Un texte qui n’est pas écrit par une assemblée constituante élue pour ce mandat

18 avril 2005

Après avoir décrit comment le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe fait tomber un rempart contre la tyrannie, notamment en ignorant la séparation des pouvoirs, en empêchant le Parlement d’avoir l’initiative des lois et en rendant l’exécutif irresponsable devant les représentants élus du peuple, le juriste Etienne Chouard revient aujourd’hui sur les conditions dans lesquelles a été écrit ce texte. Car la base du déni démocratique, c’est que ce texte fondamental n’a pas été rédigé par une assemblée élue, ayant mandat du peuple pour cette charge.

(Page 4)

Cinquième principe de droit constitutionnel :
une Constitution démocratique est forcément établie par une assemblée indépendante des pouvoirs en place

Une Constitution n’est pas octroyée au peuple par les puissants. Elle est définie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants.
À l’inverse, les institutions européennes ont été écrites (depuis cinquante ans) par les hommes politiques au pouvoir qui sont donc évidemment juges et parties : de droite comme de gauche, en fixant eux-mêmes les contraintes qui allaient les gêner tous les jours, ces responsables ont été conduits, c’est humain mais c’est aussi prévisible, à une dangereuse partialité.
C’est, là encore, un cas unique au monde, pour une démocratie.
Et on observe les résultats comme une caricature de ce qu’il faut éviter : un exécutif tout puissant et un Parlement fantoche, une apparence de démocratie avec des trompe-l’œil partout, mais un recul réel et profond du contrôle parlementaire, de la souveraineté des peuples et de la garantie contre l’arbitraire.

La seule voie crédible pour créer un texte fondamental équilibré et protecteur est une assemblée constituante, indépendante des pouvoirs en place, élue pour élaborer une Constitution, rien que pour ça, et révoquée après.
C’est aux citoyens d’imposer cette procédure si les responsables politiques tentent de s’en affranchir.

La composition assez variée de la Convention Giscard n’est pas un argument satisfaisant. Cette convention est une mauvaise parodie, on est à mille lieues d’une assemblée Constituante : ses membres n’ont pas été élus avec ce mandat, ses membres n’étaient pas tous indépendants des pouvoirs en place, ils n’avaient pas les pouvoirs pour écrire un texte équilibré et démocratique : ils ont simplement validé, compilé (et légèrement modifié) les textes antérieurs écrits par des acteurs à la fois partisans et partiaux.
La réécriture du texte par les gouvernants au pouvoir, pendant encore une année après que la Convention ait rendu sa proposition, est une énormité de plus, sous l’angle constitutionnel (1).

Tous les vices antidémocratiques du "traité constitutionnel" viennent sans doute de cette erreur centrale, commise depuis l’origine, sur la source du droit fondamental, qui ne peut être qu’une assemblée constituante indépendante, élue sur ce seul mandat.
N’est-ce pas une mission des professeurs de droit, mais aussi des journalistes, de l’expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ?

(à suivre)

Étienne Chouard

(1)
Lire à ce propos la position de Pervenche Berès, membre de la “convention Giscard”, coauteur du texte donc, qui renie pourtant le résultat final tant il a été défiguré par les gouvernements dans l’année qui a suivi, et qui appelle finalement à "Dire "non" pour sauver l’Europe" : http://www.ouisocialiste.net/IMG/pdf/beresMonde290904.pdf.


5 principes bafoués

Dans cette affaire d’État, les fondements du droit constitutionnel sont bafoués, ce qui rappelle au premier plan cinq principes transmis par nos aïeux. Les principes 4 et 5 sont les plus importants.

1. Une Constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire : ce texte-là est illisible.

2. Une Constitution doit être politiquement neutre : ce texte-là est partisan.

3. Une Constitution est révisable : ce texte-là est verrouillé par une exigence de double unanimité.

4. Une Constitution protège de la tyrannie par la séparation des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte-là organise un Parlement sans pouvoir face à un exécutif tout puissant et largement irresponsable.

5. Une Constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après : ce texte-là entérine des institutions européennes qui ont été écrites depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et parties.


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