
C’était un 30 juin
30 juin, par1993- La disparition de Lucet Langenier. Elle a été brutale, prématurée et a frappé douloureusement non seulement sa famille mais aussi ses (…)
Référendum du 29 mai : Paul Vergès se prononce pour le “non”
17 mai 2005
Nous votons dans moins de deux semaines et Paul Vergès prend la parole en tant qu’homme public. Est-ce trop tôt ? trop tard ? Le président de Région, à la tête d’une alliance, se devait de respecter d’abord la prise de position de toutes ses composantes et de ne pas se prononcer avant qu’elles n’aient fait leur propre choix. En tant que Président de la Conférence des Régions ultrapériphériques, il devait le même respect aux responsables espagnols, portugais et français avec qui il va rencontrer, huit jours après le référendum, le président de la Commission européenne. Paul Vergès s’est donc exprimé ’ à titre personne’ : il dit “non” au projet de traité constitutionnel européen, un “non” qu’il considère constituer ’un vote de survie’ pour La Réunion.
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C’est à titre personnel, en tant qu’homme public, que Paul Vergès est intervenu dimanche, en déplorant le niveau d’argumentation du débat et la sous-estimation de la situation de La Réunion par rapport aux enjeux du vote du 29 mai : "Cette décision va nous engager collectivement et personnellement pour de très longues années, 30, 40 ou 50 ans. Du fait qu’il faille une double unanimité pour une révision, l’obstacle est tel que c’est la première fois que nous engageons au moins deux générations futures."
Pour lui, il est attristant que dans un débat qui nécessite un haut niveau d’analyse, on assiste à des démarches politiciennes : "Nous sommes devant un texte qui nous engage pour des décennies. Nous devons nous demander quelles raisons sont à la base de cette décision."
Vers un marché mondial
Le passé apporte un premier éclairage. De la fin du seizième siècle jusqu’au vingtième siècle s’est développé un nouveau système économique, le capitalisme, qui a grandi avec la colonisation du monde par les puissances européennes. L’exploitation des colonies a permis l’accumulation du capital et l’émergence des puissances d’Europe occidentale. Cette évolution économique a favorisé l’unification des pays et l’organisation d’Etats-nations. Les rivalités coloniales ont mené aux guerres mondiales ; des puissances comme les Etats-Unis et le Japon ont pris la tête dans le domaine économique, tandis que la Révolution Russe créait l’Empire Soviétique. L’amplification des découvertes technologiques a amené les entreprises à dépasser le cadre des nations pour devenir des multinationales. Aujourd’hui, dit Paul Vergès, "le phénomène dominant de notre époque c’est la création du marché mondial."
D’où vient l’Europe ? Où va-t-elle ?
La création de la Commission Européenne du Charbon et de l’Acier a été en 1945 la première expression de cette organisation économique allant vers un marché continental. La seconde étape a été la Commission Economique Européenne avec le Traité de Rome en 1957 réunissant la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg. Communauté qui est ensuite devenue celle des 9, des 13, des 15, des 25 aujourd’hui, et demain avec la Bulgarie et la Roumanie, celle des 27.
"Aujourd’hui on envisage une communauté d’une trentaine de pays couvrant l’ensemble de l’Europe. Et des regroupements continentaux analogues ont lieu en Amérique du Nord entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, dans toute l’Amérique du Sud sous l’hégémonie du Brésil, mais aussi en Afrique et en Asie du Sud-est. Ces coordinations se font sous l’impulsion de l’Organisation Mondiale du Commerce", indique Paul Vergès, qui ajoute : "Aujourd’hui la mise en scène est prête. Le capitalisme a pris quatre siècles pour être le système économique dominant, et nous en sommes aujourd’hui au début de la création d’un marché économique mondial à l’échelle des continents : nous ferons toujours des erreurs d’appréciation si nous n’avons pas fait cette analyse ".
S’y ajoute la prise en compte de la démographie et du dérèglement du climat. "Le but du traité est de réaliser un marché européen intérieur écartant tous les obstacles pour s’organiser en fonction des règles mondiales de l’OMC." (voir encadré 1)
La Réunion est européenne, intégrée à la France en 1976, et donc à l’Europe des 6. "Mais il n’y a plus rien de commun entre l’intégration à l’Europe des 6 et celle à l’Europe des 30. Quel va être notre sort ? Si le but est de réaliser le plus vite un marché uni où se jouera la concurrence libre et non faussée, pourrons-nous faire valoir nos spécificités ? Arriver malgré les contraintes à un développement durable ?" (voir encadré 2)
Se battre pour une certaine idée du monde
Il a fallu l’organisation des travailleurs et la naissance des syndicats pour obliger à un recul de la loi du marché et obtenir le service public qui est une création française, affirmant par là même que des secteurs doivent échapper à la loi du marché et que l’économie est au service de la société et non pas l’inverse. Ces avancées sont remises en cause, comme le montre la suppression des bureaux de poste.
Pour Paul Vergès on assiste à "un recul de la conception française des services publics". Pour lui également " nous sommes au début d’un grand affrontement entre l’OMC et les grands rassemblements des forums sociaux qui entraînent des centaines de milliers de personnes alter-mondialistes convaincues aujourd’hui qu’un autre monde est possible. C’est dans le cadre de cette lutte que nous devons nous prononcer. Le combat sera dur, mais il peut être gagné."
Dire non au marché unique mondial
C’est pourquoi Paul Vergès dit non au projet de traité constitutionnel européen, mais "un “non” pour une Europe sociale et démocratique, non à l’abaissement du prix du sucre, non à la suppression des services publics à La Réunion, non à la diminution des fonds structurels. Nous sommes fidèles au concept de RUP (Régions ultrapériphériques). Nous avons le droit au développement de notre pays. Le sort de la population est plus important que les logiques économiques et financières."
Il prévient que "l’application sera contraire aux proclamations contenues dans la Constitution". Et il conclut : "Nous mettons en jeu, par notre vote, non seulement notre sort personnel, mais aussi celui de notre pays, celui de nos enfants et petits-enfants. Pour l’Europe et pour les générations futures, j’ai décidé de voter “non”, c’est un vote de survie pour maintenir ouvertes les perspectives d’un autre monde."
Eiffel
Le projet de Constitution inverse les valeurs
Pour Paul Vergès c’est une première : "On est toujours parti de la proclamation de principes de civilisation et à partir de là le développement économique est au service de ces valeurs : c’est la caractéristique de toutes les constitutions. Nous entrons dans une période nouvelle de l’histoire : c’est à partir des exigences économiques qu’on bâtit un texte fondateur de la société. Il y a là une inversion totale des valeurs."
Ce n’est pas seulement un changement dans la forme, mais un changement fondamental. Et il s’interroge : "Est-ce qu’on organise le présent et l’avenir de peuples entiers à partir de la référence à la libre concurrence et au marché ? Le traité apparaît comme une organisation des relations d’abord économiques entre les 25 pays avec des contraintes obligatoires. Est-ce que l’idéologie dominante de ce texte doit être celle des exigences de marché et de concurrence ? Les hommes et les femmes doivent-ils abdiquer des valeurs de leur histoire pour celles-là ? Le but du traité est de réaliser un marché européen intérieur écartant tous les obstacles pour s’organiser en fonction des règles mondiales de l’OMC."
Les RUP résisteront-elles ?
"Tout ce que nous avons arraché peut être débattu"
Le concept de Région Ultrapériphérique a-t-il le moyen de faire face à l’intégration au marché continental ? L’éloignement des RUP, la modestie des marchés, la faiblesse économique, le chômage, le relief et le climat seront-ils toujours effectivement pris en compte dans ce traité constitutionnel ?
Rien dans leur statut ne leur permet de s’opposer à l’application des règles générales du marché unique européen de concurrence non faussée. Il suffit de voir la réforme du règlement sucrier et comment l’Organisation mondiale du commerce exige une concurrence non faussée.
Le nouveau texte que proposera la commission à Bruxelles au sujet de la canne tiendra compte des arguments de l’OMC. Le nouveau règlement sera plus dur encore. Ainsi, "moins de 15 jours après le 29 mai, on verra qui avait raison entre le oui et le non."
Pour Paul Vergès, il est clair que "l’Europe veut en terminer avec son contentieux sur l’agriculture pour arriver à un accord avec l’OMC sur les services. Jamais on aura eu une telle illustration du lien entre l’approbation d’un texte et la conséquence du principe qui est à sa base : un marché sans contrainte, une concurrence non faussée. L’application des règles de l’OMC ne trouve dans le statut de RUP aucun obstacle. Les aides dérogatoires, les exonérations fiscales, sociales, sont autant d’atteintes à la libre concurrence, ainsi que la demande de continuité territoriale. Tout ce que nous avons arraché peut être débattu."
La nouvelle Europe affaiblit les RUP
Le chemin parcouru par les RUP ne disparaît pas avec le projet constitutionnel, mais il y a une donnée particulière : "Jusqu’à maintenant il n’y avait aucun débat venant contester cette position, car dans l’Europe des 15 la France, l’Espagne et le Portugal avaient plus de poids, mais aujourd’hui la présence de cet article fait aujourd’hui débat. Il est interprété selon les choix idéologiques et les intérêts de chacun. Avec l’élargissement on constate un affaiblissement des RUP au sein de la communauté européenne. La baisse de la moyenne du Produit Intérieur Brut avec les nouveaux entrants fait que les RUP sont poussées hors de la catégorie objectif 1, qui est la dotation la plus importante pour les Régions."
A titre indicatif, l’Union Européenne compte désormais 254 régions, avec des inégalités considérables. La région la plus en retard est polonaise avec 32% de la moyenne, alors que Londres est à 315% de cette moyenne. Les Canaries, Madère, et la Martinique n’auront plus droit à la dotation d’objectif 1. La Réunion, la Guadeloupe et la Guyane ne sont plus loin du plafond, qui est de 75% du PIB. Ce qui cause bien des questionnements pour l’après 2013. "Y aura-t-il un DOCUP 5 ou sera-ce la fin des dotations des fonds structurels ?" se demande Paul Vergès.
Vers des crédits en baisse
Mais l’inquiétude porte déjà sur le plus court terme. Depuis la précédente mandature, la Région s’est battue pour avoir le maximum de crédits. Le DOCUP de 94-99 était de l’ordre de 5 milliards 400 millions de francs, et le DOCUP 2000-2006, négocié par l’actuelle présidence, a été de 10 milliards de francs. La Réunion est la seule région ayant satisfait aux contraintes budgétaires et à avoir eu droit à 600 millions de crédits découlant des ressources de performance pour la qualité de sa gestion.
Quelle perspective pour l’après 2013, quand on sait que le budget global de l’Union européenne reste inchangé ? "Nous allons obligatoirement vers une diminution des crédits et c’est scandaleux de ne pas le dire. Dans le prochain DOCUP, on peut prévoir en étant optimiste une diminution de 20% de la dotation, ce qui ne représente pas plus de 8 milliards de francs. Or la population aura augmenté, les besoins auront augmenté en termes de construction d’établissements et de grands équipements."
... Quelle Europe sans les RUP ?
Et pourtant les RUP donnent une dimension unique à l’Europe, le seul regroupement continental qui soit présent dans le monde entier, et cela grâce aux RUP. Selon l’expression de Paul Vergès, "le 21ème siècle sera le siècle de l’espace et de l’océan."
L’océan est précieux pour les connaissances qu’il apporte sur la diversité biologique et le changement climatique. Quant à l’espace, le lancement de satellites dépend de l’emplacement géographique. La France dispose à Kourou d’un site idéal de lancement de fusées.
Comment l’Europe prive les employés communaux de titularisation
L’application des règles européennes touche toute la population. Il y a à La Réunion 13.000 journaliers communaux qui effectuent une tâche de service public et à qui on refuse le statut de fonctionnaire.
La décision d’application française d’une directive européenne fait qu’il n’est pas obligatoire que les employés communaux soient membres de la fonction publique, et on leur propose deux CDD ou un CDI, selon l’âge. Pour Paul Vergès, c’est "l’espoir de 13.000 familles qui vole en éclats."
Le plus vil argument du "oui" : "Done pa in koud’ pié dann out zasièt manzé"
Voter "oui" parce que "i done pa in koud’ pié dan son zasièt manzé". Avec ce genre d’argument c’est le passé colonial qui ressurgit. Dis merci à l’Europe qui te développe. C’est du chantage à l’assistance, c’est la négation du mode de financement de l’Europe.
D’où vient cet argent ? Chaque pays verse 1% de son PNB, issu des taxes douanières, des prélèvements agricoles, de la TVA. L’argent qui nous revient, c’est nous qui l’avons payé. " Comment peut-on traiter ainsi des citoyens et des citoyennes ? "
L’ethnocentrisme européen ne s’en prive pas. Lors de la récente visite de la commission de l’agriculture, un député allemand jugeait que tout le sucre produit ne payait qu’une infime partie ce que l’Europe donne. Il réduit la solidarité ultrapériphérique à un problème d’argent. Ce n’est plus de la solidarité, c’est de l’assistance à condition qu’on se taise et qu’on suive les orientations politiques données. Il tue le germe de la solidarité. Si on doit mettre au centre la cohésion sociale personne n’a à nous dire : " votre volonté d’intégration doit être proportionnelle à l’argent qu’on vous donne" sans toucher à la dignité des Réunionnais.
Non au traité, non à l’Europe ?
A ceux qui pensent que dire “non” au traité, c’est dire “non” à l’Europe et qu’il est impossible de le renégocier, Paul Vergès rappelle que "le premier “non“ c’était en 1962 quand le Général de Gaulle a dit non à l’intégration agricole. Et le texte a été renégocié. A La Réunion c’était les émeutes de Saint-Louis où les planteurs s’élevaient contre l’intégration agricole. Sans le “non” de de Gaulle en 1962, la France ne serait pas devenue une puissance agricole."
Il y a eu aussi le “non” de Margaret Thatcher, qui a finalement obtenu gain de cause. Et puis le traité de Maastricht qui a été rejeté par le Danemark et l’Irlande et qui a été renégocié.
"Pourquoi nous donner deux bulletins, si le "non" est une catastrophe ?" demande Paul Vergès, qui ajoute : "Comment peut-on prendre les Réunionnais pour des demeurés qui ne fonctionnent qu’au chantage de la peur ?"
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