’Alon filozofé’ ... !*

Une École de la solidarité

Billet philosophique

14 septembre 2007, par Roger Orlu

La semaine dernière, dès la parution du billet philosophique, un ami m’a fait parvenir un mail pour dire qu’il n’était pas tout à fait d’accord avec mon angle d’attaque de la critique du discours du Président de la République sur « la philosophie qui doit sous-tendre la refondation de notre projet éducatif ». À savoir : « Donner à chacun de nos enfants, à chaque adolescent de notre pays l’estime de lui-même ».

Pour cet ami, qui est un militant associatif, « que Sarkozy jette de la poudre aux yeux, en disant "tout et son contraire", c’est vrai.
Mais porter l’attaque (nécessaire) à partir de la citation à propos de "l’estime de soi", pour moi ça ne va pas !! Identifier l’estime de soi à "l’individualisme, l’égocentrisme et la compétition" n’est pas juste. C’est même faire fausse route. Car l’estime de soi est une donnée de base positive pour la construction de chaque enfant (et de chaque adulte), sur laquelle nous travaillons chaque jour, que ce soit avec un collectif d’habitants ou au groupe de femmes (...).
L’estime de soi qu’il faut renforcer en chaque Réunionnais n’a rien à voir avec la compétition, ou l’écrasement de l’autre. Elle est au contraire un passage obligé pour une restauration de son identité et le développement de la personne ».

Quelques jours après, une autre amie, professeure de philosophie et militante politique, m’a téléphoné pour exprimer des critiques du même genre. En substance, elle explique : « l’estime de soi est une notion que les psychologues développent souvent car toute personne a besoin de cela. On ne peut pas aimer les autres si on ne s’aime pas soi-même. Par ailleurs, comment critiquer l’estime de soi et demander au Réunionnais d’être fier de lui-même, de son identité et de son peuple ? L’estime de soi n’est pas forcément une notion négative. L’estimation est même plutôt une notion morale, comme la reconnaissance. S’estimer soi-même c’est défendre les valeurs dont on est porteur, c’est non seulement se respecter mais encore se faire respecter ».

Je remercie ces ami(e)s pour ces critiques fort pertinentes et qui permettent de philosopher ensemble en analysant les réalités ou les concepts sous des angles différents.
Je crois qu’ils ont raison de parler de l’estime de soi dans le sens où ils le font mais ce concept ne me paraît pas le plus opportun si l’on veut « refonder l’Éducation nationale » car il donne lieu à trop de dérives individualistes, égocentriques et compétitives : “je m’estime capable d’accumuler des profits et je vais vous le prouver !” ; il me semble que, dans l’esprit qu’ils préconisent, il vaille mieux cultiver la confiance en soi, valoriser ses atouts, faire respecter ses droits et sa dignité etc.
Mais fondamentalement, je pense que la priorité absolue de l’École devrait être : donner à chaque enfant le sens de la solidarité, c’est-à-dire lui apprendre à construire une société citoyenne et durable.
Nicolas Sarkozy est-il capable de donner cette orientation à sa "refondation de l’École" ? Sans faire de procès d’intention, cela m’étonnerait. "L’estime de soi" est un concept bien trop ambigu, comme l’ont souligné plusieurs commentateurs.

Roger Orlu

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Messages

  • Je suis d’accord avec cette critique de l’école libérale mais cette critique n’est pas assez sévère à mon goût.
    L’école libérale façonne dès la maternelle la société libérale compétitive, par un système de notations, de classements, de récompenses, de punitions, qui prépare les futurs adultes à accepter la hiérarchie et l’obéissance. Mais les fameuses valeurs humanistes - vous en citez une, la solidarité - peuvent-elles exister sans contraintes ? Pour répondre à cette question, il faudrait une anthropologie comparée à l’éthologie pour situer la place de ce vivant particulier qu’est l’homme dans le monde animal, ce de manière scientifique, sans préjugés religieux.


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