Jean-Claude Fruteau et son argument sur le ’coup de pied dans son zasiette mangé’

Une forme de terrorisme

4 avril 2005

Devant le Conseil général, mercredi dernier, Jean-Claude Fruteau a déclaré qu’il utilisera durant la campagne référendaire sa formule : ’voter “non” c’est donner un coup de pied dans son zasiette mangé”’. Sous celle-ci, il y a une forme de terrorisme : ’recevez les aides européennes et fermez-la sur tout le reste’, dit en substance le député européen. Cela donne une raison supplémentaire de voter “non”.

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Face à la montée du “non” dans les sondages, certains partisans du “oui” sont tentés par le chantage. Le “non”, disent-ils, reviendrait à "isoler la France" et à l’humilier et à faire reculer l’Europe. Ce serait le chaos, répètent-ils en substance. Jean-Claude Fruteau a, lui, décidé d’adapter l’argumentation et de prendre le plus bas niveau qui soit, en ramenant les choses au niveau alimentaire. User de ce genre de menace est la preuve d’une faiblesse de l’argument du “oui”.
Pour les besoins de sa cause, Jean-Claude Fruteau surévalue l’apport financier de l’Europe. Certes par le biais des aides européennes, notamment les fonds structurels, l’Union européenne apporte une part importante dans la réalisation de grandes infrastructures (basculement de l’eau, Route du littoral..), dans la construction des lycées et collèges, dans le soutien à notre agriculture, etc. Mais ces aides s’inscrivent dans un partenariat où l’État et les collectivités territoriales (Conseil général, Conseil régional) apportent aussi leur part.
En usant de sa formule, Jean-Claude Fruteau laisse entendre qu’il y a une relation entre les aides européennes vers La Réunion et la Constitution. L’élu bénédictin sous-entend que les crédits européens pourraient faire défaut et diminuer en cas de succès du “non”. Nous lui posons la question : "êtes-vous certain, vous, que si le “oui” l’emportait, les crédits européens pour La Réunion resteront ce qu’ils sont ?". Que dira-t-il si le “oui” l’emportait et les aides diminuaient ?
Lors du dernier sommet européen qui a eu lieu il y a une dizaine de jours, le président luxembourgeois de l’Union européenne a remis aux 25 États membres un état sur les perspectives financières de l’Europe. Une hypothèse de travail part d’une diminution des recettes européennes. Cela se traduirait alors par une baisse des dépenses dans les deux plus importants chapitres que sont la Politique agricole commune et les fonds structurels. Cela explique le mouvement de grogne chez les agriculteurs français qui sont inquiets : plus de 60% d’entre eux s’apprêtent à voter “non”. Lors du débat au Conseil général, le conseiller général Yvon Virapin avait interpellé Mme Brigitte Girardin et lui avait demandé de dire si oui ou non elle pouvait nous garantir que le niveau des aides serait maintenu. La ministre de l’Outre-mer avait “botté en touche” et répondu qu’il était plus juste de se préoccuper des projets à présenter. S’ils sont bons, les aides suivront, avait-elle dit en substance. Un positionnement qui est loin d’être celui de Jean-Claude Fruteau.
À supposer que les aides européennes soient importantes et décisives pour La Réunion et qu’elles ne sont pas menacées de diminution ou de disparition. Mais en quoi cela doit faire taire tous les débats sur le projet de Constitution européenne et son contenu ? "L’Europe n’est pas une vache sacrée qui n’autoriserait ni querelles, ni polémiques", écrivait récemment Jean-Michel Thénard, éditorialiste de “Libération”.
Sous la formule que Jean-Claude Fruteau compte répéter lors de la campagne, il y a une forme de terrorisme : "recevez les aides européennes et fermez-la sur tout le reste", dit en substance le député européen. Cela donne aux Réunionnais une raison supplémentaire de voter “non”.

J.M.


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