L’association “Fonctions Publiques 974” et le projet de Constitution

’Une nette régression’ pour les services publics

5 avril 2005

“Témoignages” publie ci-après un communiqué que nous avons reçu ce week-end de l’association “Fonctions Publiques 974” au sujet du projet de Constitution européenne. Ce communiqué explique de façon détaillée que les fonctionnaires et les services publics sont carrément massacrés dans le projet de Constitution de Valéry Giscard d’Estaing.

(page 4)

Le Bureau de “Fonctions Publiques 974”, réuni ce samedi 2 avril 2005 à Saint-Denis de La Réunion, s’est livré à un examen attentif du texte du “Traité établissant une Constitution pour l’Europe” qui sera soumis par voie de référendum au suffrage des Français le 29 mai prochain.
À l’unanimité, le Bureau ne peut que constater :

- que les termes “Fonction Publique” et “Fonctionnaires” ne sont cités dans aucun des 448 articles de ce pourtant très long texte, comme s’ils avaient déjà cessé d’exister, et ce, quelle que puisse être l’importance actuelle de ces concepts dans le fonctionnement des États et des Collectivités locales.

- que la notion même de “Service Public” semble menacée de disparition :
a) Le terme de “Service Public” n’est expressément mentionné qu’une fois dans l’ensemble du Traité, et encore, l’Article III-238, le seul qui y fasse référence, présente le service public comme une "servitude".
b) Le terme "Service Public" est, en fait, remplacé dans le texte du Traité par celui de "Service d’Intérêt Économique Général" (Article II-96, Article III-122, etc. ...), mais il n’échappera à personne que ces deux expressions sont loin de recouvrir la même réalité.
c) La notion de "Concurrence libre et non faussée" (citée, elle, 174 fois dans le texte du Traité) n’est limitée en matière de "Services d’intérêt Économique Général" que par les dispositions de l’Article III-238, coordination des transports et "remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public".
d) "Une loi-cadre européenne établit les mesures pour réaliser la libéralisation d’un service déterminé" (Article III-147) : or une loi-cadre européenne est un acte législatif qui lie tout État membre quant au résultat à atteindre (Article I-33 Alinéa 3) et "aux fins de la Constitution, sont considérés comme services toutes prestations fournies normalement contre rémunération dans la mesure ou elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des personnes, des marchandises ou des capitaux".
En clair, il s’agit bien de l’organisation programmée d’une libéralisation de la totalité des activités économiques au sein de l’Union.
d) Le champ d’application déjà réduit des futurs "Services d’Intérêt Économique Général" est encore restreint par d’autres articles : ainsi l’Article III-166 dans son second alinéa qui prévoit que la gestion de ces services "peut" être confiée à des entreprises (car, bien entendu, les entreprises sont à même d’appliquer au mieux le principe d’une "concurrence libre et non faussée").
e) Enfin, l’Article III-148 incite clairement les États membres à la libéralisation de leurs services au-delà de ce qui est obligatoire (en fait, de ce qui sera obligatoire car fixé par la loi-cadre européenne précitée de l’Article III-147).
En conséquence, le Bureau de “Fonctions Publiques 974” ne peut que conclure que le texte du "Traité établissant une Constitution pour l’Europe" loin de constituer pour la notion de service public une avancée apparaît comme une nette régression de l’état de droit existant actuellement tant au niveau national qu’européen (le Traité de Nice, toujours en vigueur, et si décrié, a au moins le mérite de classer "les services publics" dans les valeurs communes de l’Union).
Chaque citoyen doit en être conscient et devra s’en souvenir quand il se prononcera en son âme et conscience sur l’ensemble du texte de ce Traité dans le secret de l’isoloir.

Pour le Bureau de “Fonctions Publiques 974”,
le président, William Spinel


Le projet de Constitution à travers ses articles

L’Europe des peuples et celle des barons

Certains partisans du “oui” ont dans cette campagne pour le référendum du 29 mai des arguments à “profil bas”. De bonne foi, certains peuvent penser - ils le disent - que c’est une bonne chose que vingt-cinq (demain 27 ?, 28 ?) pays se retrouvent dans un même projet, une même entité politique, économique et de défense... Pour maintenir la paix entre eux et dans le monde.
Bien sûr. Mais ce débat-ci n’est plus de saison. Il est tranché depuis longtemps. Le choix d’une entité politique spécifique et différente a été fait depuis le Traité de Rome et il n’est pas possible de revenir sempiternellement sur les mêmes questions. Ou alors, ce serait le signe que la construction commune n’avance pas.
Il est au contraire manifeste qu’elle a déjà fait un certain chemin. Le vrai débat, pour aujourd’hui, est donc ailleurs.

Un choix crucial

Après plus de cinquante ans de construction politique, l’Union européenne est devant un choix crucial, comme l’indique le besoin de marquer cette nouvelle étape - celle de l’élargissement - d’une Constitution différente, qui va marquer la vie de l’Union pendant des décennies.
Une Constitution - que ce soit celle d’un État et a fortiori celle d’une Fédération d’États - se doit d’être discutée par tous ceux à qui elle s’imposera.
Or les peuples d’Europe n’ont pas été consultés dans sa préparation et seuls sept, sur vingt-cinq, se prononceront par référendum entre 2005 et la fin 2006. Il apparaît d’ores et déjà que, sur les sept, cinq penchent majoritairement vers le “non”, ce qui indique que la France n’est pas isolée dans son refus du Traité constitutionnel tel qu’il est aujourd’hui.

De Valéry Giscard d’Estaing à Ernest-Antoine Seillière

Le texte concocté l’a été sous la responsabilité de Valéry Giscard d’Estaing, qui n’est pas un élu du Parlement. Il ne détient pas son mandat des peuples européens et les Français, pourvu qu’ils aient plus de 35 ans, savent quelle sorte de démocrate est l’ancien président, successeur de Pompidou.
Le texte préparé sous son égide consacre la domination d’une euro-technocratie ultra-libérale, dont les choix économiques, choix de société et les pratiques de gouvernance ne pourront plus être discutés, puisqu’ils seront inscrits dans la Constitution.
Et on annonce déjà l’appel lancé au baron Ernest-Antoine Seillière, actuel président du MEDEF et futur président de l’UNICE, l’organisation patronale européenne, pour superviser dans l’Union européenne le nivellement par le bas des droits et des garanties sociales des travailleurs européens.

Prédominance de la Commission

La Constitution confirme la prédominance de la Commission (article I-26), y compris pour les actes législatifs, sur lesquels elle garde l’initiative. Elle a par exemple un pouvoir de blocage dans deux des innovations institutionnelles de cette Constitution : la coopération renforcée entre les États et le droit de pétition des citoyens (à partir de 1 million pour une proposition de loi).
Le Parlement, émanation du suffrage universel, reste privé du droit de proposition législative. Il n’a que le pouvoir de voter une motion de censure de la Commission (article III-340), si sa gestion est en cause.
Dans le domaine économique, les grandes orientations sont fixées par le Conseil européen, sur "recommandation" de la Commission (article III-179, alinéa 2). Le Parlement n’est qu’"informé".

Pas cette Europe-là

D’une façon générale, le texte de la Constitution est gonflé d’articles qui décrivent le fonctionnement des instances - une description minutieuse de la bureaucratie européenne, en quelque sorte - mais il reste très parcimonieux sur les pratiques démocratiques, les droits et devoirs des élus et des citoyens.
Si ce n’est qu’ils doivent accepter de tout voir régenter par “le marché intérieur”, sous la férule d’un gendarme ultra-libéral (l’Union) chargé de contrôler les politiques des États membres.
Manifestement, ce n’est pas cette Europe-là que veulent les peuples. Le moment est venu de le dire.

P. David


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus