Après la hausse du riz

Va-t-on vers un rationnement ?

2 mai 2008

Une hausse conséquente du prix du riz est intervenue sur le marché réunionnais - + 25% -. Après les Etats-Unis et Israël, la France pourrait-elle être confrontée à des restrictions de vente de riz dans certaines chaînes de supermarché ? « Ce n’est pas très envisageable », répond Michel Portier, gérant d’Agritel, une société de conseils en gestion de risque sur les prix des matières premières. « Les disponibilités en riz sont largement suffisantes au niveau mondial. Si les Etats-Unis sont confrontés à cette situation, c’est que les consommateurs se ruent dans les grandes surfaces pour créer des stocks, ce qui crée une pénurie conjoncturelle sur l’approvisionnement et la logistique ». Rupture momentanée de la chaîne donc, mais pas de crise structurelle.

« Nous n’avons pas les mêmes besoins que les Américains », souligne-t-on du côté de l’Office national interprofessionnel des grandes cultures, un établissement public qui observe les marchés. « Aucune alerte particulière » n’a été enregistrée pour la France et les pays européens. « Il existe en effet aux Etats-Unis une forte "consommation ethnique" du riz », observe Jean-Pierre Brun, courtier en riz. En clair : les importantes communautés d’origine asiatique outre-atlantique consomment de très importants volumes de riz parfumé, d’origine asiatique également. « Un Français consomme environ 4 kilos de riz par an. Ce chiffre peut être multiplié par 20 dans le cas d’une personne d’origine asiatique, aux habitudes culinaires différentes ». Or, le consommateur métropolitain n’est pas celui de La Réunion, dont la base des plats est le riz.
Si ce riz parfumé représente 30% du marché américain, il n’en représente qu’environ 10% en France, indique Jean-Pierre Brun. On pourrait situer le chiffre à environ 25% pour La Réunion...

Le riz parfumé, de grande qualité, en crise

Or, ce sont « justement le riz parfumé et le Basmati qui sont touchés par la crise » internationale, décrypte Frédéric Lançon, chercheur au Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et spécialiste des filières rizicoles. « Un typhon au Bangladesh a créé une demande extraordinaire en décembre 2007. Un appel d’air qui intervenait dans un contexte de baisse des stocks chinois ». Ajoutez à cela des difficultés d’approvisionnement dans un Pakistan déstabilisé politiquement et les cours ont flambé au printemps. Provoquant des restrictions d’exportation en Thaïlande, en Inde ou encore au Vietnam.

Une situation qui n’est toutefois pas sans conséquences pour l’Europe. « Depuis trois ou quatre mois, les supermarchés des pays développés retirent plus vite des stocks de riz auprès des centrales d’achat industriel », souligne Jean-Pierre Brun. En France, cette hausse est de 20 à 30%. « Il s’agit d’une mesure de précaution vis-à-vis du consommateur, mais dès l’été, on devrait redescendre en dessous de la moyenne », pronostique-t-il. Quant à une éventuelle ruée des consommateurs sur le riz, poussés par l’angoisse d’une pénurie, le groupe Carrefour dit n’avoir rien remarqué de particulier.

« Structurellement, le cours du riz va rester élevé au cours des prochaines décennies, mais avec la prochaine récolte en juin-juillet dans l’hémisphère Nord, ça devrait se calmer », confirme Michel Portier. D’autant plus que la spéculation sur les autres matières premières, comme le blé, le maïs ou le soja, se détend également. « Mais si l’on se projette en 2050, alors, oui, il y aura de quoi être inquiet à cause de la croissance démographique mondiale ».

Pour La Réunion, la question reste posée. La mondialisation et les méfaits du libéralisme se retrouvent dans l’assiette du Réunionnais. Assiette vide de riz ?

A.W.

Emeutes de la faim

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