Enjeux actuels et perspectives pour les RUP

Volonté de blocage ou de reprises de crédits

1er mars 2005

À la veille de la rencontre entre les présidents des Régions ultra-périphériques, le président de la Région Réunion, Paul Vergès, fait le point sur les enjeux actuels et les perspectives pour les RUP. Il aura fallu attendre 20 ans pour que des moyens spécifiques soient accordés aux Départements d’Outre-mer, en dehors des moyens attribués par l’Union européenne. ’À partir de là, notre lutte a été de faire officialiser les choses’, soutient Paul Vergès.

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Il aura fallu attendre 20 ans, entre l’entrée de La Réunion dans l’Union européenne en 1957 et l’apparition de la notion de spécificité régionale des DOM, pour que des moyens spécifiques soient accordés aux Départements d’Outre-mer, en dehors des moyens attribués par l’Union européenne. "À partir de là, notre lutte a été de faire officialiser les choses", soutient Paul Vergès, de faire reconnaître le principe de handicaps permanents des DOM et de leur donner une personnalité juridique (article 299 du Traité de Maastricht).

Fragilisation des RUP

Cette éternelle bataille pour la reconnaissance a déjà permis la mise en place d’une série de mesures dont la plus connue est le droit aux Fonds structurels. Si dans l’Europe des 15 La Réunion pouvait penser que ce droit à un traitement spécifique durerait plusieurs générations, en revanche, l’élargissement à 25 États membres modifie dangereusement la donne. Les projets de développement engagés par notre île peuvent dès lors être compromis. Doté de 264 milliards d’euros, l’“objectif 1”, devenu “objectif de convergence”, sera centré sur les États ou régions dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant n’atteint pas 75% de la moyenne de l’UE élargie, ce qui est principalement le cas pour la majorité des nouveaux États membres.
Dans l’Europe des 15, La Réunion affichait un PIB par habitant à 50% de la moyenne européenne, aujourd’hui il est à 57,92%. Mais bientôt l’Europe accueillera encore la Bulgarie, la Roumanie, et à la demande du gouvernement français, certains territoires pourront obtenir le statut de RUP (Mayotte par exemple), avec les mêmes soutiens. Déjà les Canaries, Madère vont être dégagées de l’“objectif de convergence”, et selon les études officielles d’Eurostat, la Martinique ne tardera pas à connaître le même sort.
Avec l’entrée de 10 nouveaux pays éligibles aux dotations spécifiques, les RUP se retrouvent fragilisées, amoindries par leur nombre et l’influence de leurs gouvernements. Et la conjoncture confirme ce constat, car contrairement à la volonté de la Commission européenne de voir augmenter le taux de participation des États membres depuis l’élargissement, beaucoup s’insurgent et souhaitent un maintien de ce critère d’adhésion à 1% de leur PIB. Alors comment partager des fonds inchangés sans mettre en péril le développement des régions qui en ont le plus besoin ?

Comment compenser le recul du volume de dotation ?

Même si le DOCUP 2007-2013 maintenait le même volume de crédit que pour la période passée, il ne prend en compte ni l’inflation ni l’augmentation de la population. Sur cette base, Bruxelles parle déjà d’un recul de 15% du volume de dotation. L’ex-commissaire européen, Michel Barnier, avait proposé la mise en place d’un Fonds de compensation des surcoûts pour aider les régions qui ne pourraient plus prétendre à l’objectif 1 dans cette étape transitoire.
Bruxelles a ainsi proposé aux Canaries, RUP la plus peuplée, de prendre en compte sa population comme critère de compensation. Pour Paul Vergès, "sur le plan des principes, c’est un glissement extrêmement grave, on abandonne le premier principe de l’éloignement". La Réunion, au vu de sa forte démographie, risque fort d’être la prochaine victime. Mais en dépit de la vive contestation des autres RUP, la Commission européenne n’en démord pas.
Michel Barnier avait également parlé de faire vivre les frontières actives des communautés. La mise en place d’une politique de grands voisinages permettrait ainsi d’intégrer des crédits de développement particuliers dans des dotations transfrontalières. Un règlement instituant la création d’une structure transfrontalière de coopération est ainsi proposé par la Commission. Oui mais voilà, elle fixe une distance de coopération de 150 kilomètres dans la limite de sa région. Là encore, Maurice se situant à 180 kilomètres de nos côtes, notre réalité insulaire est complètement occultée. "Tous nos grands espoirs de coopération régionale sont ruinés par ce dispositif", déplore alors le président Vergès. Regrouper les pays selon leur voisinage est le meilleur moyen pour la France de se décharger de la compensation, aidée dans ce sens part l’Europe. L’on comprend mieux que la ministre de l’Outre-mer, Brigitte Girardin, ait demandé officiellement le soutien de la Région Réunion pour revenir sur cette proposition et élargir la distance !

Participation des États membres insuffisante

Tous ces dispositifs traduisent pour le président de la Région Réunion "une volonté de blocage ou de reprises de crédits". La Commission européenne parle de possibilités de compensations, mais si elles s’avèrent insuffisantes, si l’on ne peut compter sur des échanges transfrontaliers, il appartiendra à La Réunion de gérer directement la compensation avec la France, de puiser dans ses fonds directs (POSEI) au détriment d’autres secteurs de développement (voir encadré) .
Il ne s’agit plus de la responsabilité de la Commission, mais de celle des régions. Pourtant si l’objectif 1 a été défini, c’est bien que les régions touchées par des handicaps structurels et retards de développement ont besoin de fonds spécifiques pour assurer un développement équilibré en Europe comme le veut l’Union (et l’affiche “la Constitution”). Mais si aujourd’hui l’Europe décide de prendre sur les fonds des RUP pour financer son élargissement, alors les dotations vont se répartir des pays les plus pauvres vers les plus pauvres. Tout ceci découle du blocage de la participation des États membres à 1%. Les 22 et 23 mars, la présidence luxembourgeoise mettra sur la table les données de la problématique. Il appartiendra ensuite au Conseil de trancher le 22 juin, car la Commission ne peut attendre plus longtemps pour faire son budget.

Estéfany


Assurer un développement équilibré en Europe ?

L’objectif de cohésion économique et sociale introduit en 1986 dans le Traité de Rome, conduit l’Union européenne à financer le développement ou la reconversion des secteurs ou des régions en difficulté pour assurer un développement équilibré en Europe. La Politique agricole commune (PAC) est le premier poste de dépenses de l’Union. La plupart des pays n’ont pas souhaité que l’Union touche à la PAC, insuffisamment dotée. Franz Fischler, ancien membre de la Commission européenne chargé de l’agriculture, du développement rural et de la pêche a, selon Paul Vergès, défendu cette réforme et joué d’astuces pour éviter l’explosion de la paysannerie en France. Attendu que l’OMC oblige des conditions permettant la libre concurrence, il a commencé par baisser le prix des produits agricoles en Europe, imposé des taxes à l’entrée des pays. Mais pour éviter l’explosion, il a créé le découplage : en baissant les prix de production, il a compensé la perte de revenu occasionnée pour les agriculteurs par une subvention aux producteurs et plus sur la marchandise. Il a ainsi désamorcé les possibilités de protestation. Mais il n’est parvenu qu’à un équilibre extrêmement fragile, car la réforme du budget de la PAC risque fort de se répercuter sur les Fonds structurels.

S. L


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