Conférence de presse de Paul Vergès et Madeleine de Grandmaison

Vote pour la dignité et la solidarité

10 juin 2004

Hier, en présence de membres de l’Alliance réunionnaise, Paul Vergès a fait le point sur la campagne de la liste “Alliance pour l’Outre-Mer” en compagnie de Madeleine de Grandmaison, dont la visite dans notre île vient souligner l’importance, pour la Martinique, du vote de l’outre-mer samedi et dimanche.

À trois et quatre jours du scrutin des élections européennes qui, dans l’Outre-Mer va avoir lieu les 12 et 13 juin, Paul Vergès a mis l’accent hier sur les principaux atouts de la liste qu’il conduit.
Sa colistière, Madeleine de Grandmaison, qui avait surpris tout le monde le matin même en arrivant cinq heures avant l’horaire prévu, repart aujourd’hui après avoir participé hier au meeting de Sainte-Clotilde, puis à celui de Saint-Pierre ce soir et effectué des visites de terrain. Elle a tenu à venir, malgré la brièveté de la campagne, pour souligner avec Paul Vergès les aspects les plus aberrants d’un mode de scrutin qui met "dans le même sac tous les restes de l’empire colonial français" et bien faire comprendre ici l’importance du vote réunionnais pour la dignité et la solidarité de l’outre-mer. (voir encadré)

L’atout de la solidarité

Dans la configuration de ces élections, les mêmes facteurs qui ont profondément irrité les représentants des forces de progrès outre-mer - en soulignant le manque de cohérence de la circonscription - sont aussi ceux qui ont soudé leur révolte et qui les ont convaincus de prendre appui sur les analogies de leurs situations respectives pour constituer une liste, l’Alliance pour l’outre-mer, qui est l’émanation de la volonté de leurs peuples.
Sans revenir sur le détail des péripéties qui ont finalement enterré la première liste d’union ultramarine à direction socialiste - pour laquelle l’Alliance avait proposé Michèle Marimoutou, enseignante d’histoire, en deuxième candidate - Paul Vergès a indiqué que "le sentiment de frustration" devant le mépris parisien était tel que la liste de l’Alliance a été mise sur pied "en moins de dix jours, au grand étonnement de Paris". "L’affrontement entre les listes se fait sur le clivage : ou c’est Paris qui commande ou c’est l’outre-mer qui désigne ses candidats", a-t-il poursuivi.
Ce qui bouscule le plus le jeu des stratégies parisiennes, dans la constitution de la liste de l’Alliance pour l’Outre-Mer est que, contrairement aux listes désignées par les états-majors dans lesquelles la représentation réunionnaise est aussi disproportionnée que controversée, la liste de l’Outre-Mer réintroduit un partage et un équilibre des représentations, sur une base de solidarité. C’est son premier atout.

L’atout régional

Le deuxième atout est lié au fait que les trois candidats titulaires sont tous issus de l’exécutif régional. Paul Vergès est président de la Région Réunion et ses deux co-listiers titulaires sont vice-président(e) en Martinique et en Guadeloupe. Cette donnée, maladroitement soulignée par le candidat socialiste, est retournée par les candidats de l’Alliance pour l’Outre-mer qui, au contraire, ne voient à ce cumul "que des avantages". "Les Régions sont les collectivités où les recettes européennes sont de loin les plus importantes", a fait observer Paul Vergès.
Quant aux prétendues incompatibilités de calendrier, elles se retournent elles aussi contre ceux qui les évoquent. "Les exécutifs régionaux, au titre des RUP, sont amenés à rencontrer plus souvent les commissaires européens que n’importe quel autre député", a-t-il poursuivi en évoquant ses rencontres avec le commissaire Barnier aux Açores ou aux Antilles. Aux critiques soulevées sur l’efficacité d’action d’une liste d’outre-mer non inféodée, Paul Vergès rétorque : "Le concept de RUP, d’où vient-il et qui l’a fait avancer ?"

Un phénomène nouveau

C’est la défense de la dignité des citoyens d’Outre-Mer qui a fait sortir de sa réserve le grand Aimé Césaire, retiré de la vie politique depuis une dizaine d’années. Et le sentiment de la nécessité de s’unir face à "d’immenses dangers" pour relever "le défi du mépris et des divisions" nourrit dans tout l’outre-mer une forte poussée vers l’Alliance.
Paul Vergès l’a déjà vérifié aux Antilles ; il sera demain à Mayotte, où un mouvement comparable est annoncé.
C’est le phénomène nouveau dans cette campagne : il faudra voir quelle suite lui est donnée, mais le phénomène, en soi, est assez spectaculaire et étroitement lié à la nature de l’élection européenne, comme l’a souligné Madeleine de Grandmaison. Le fait que les “régions intégrées” et les RUP entraînent la liste d’Alliance pour l’Outre-Mer est le principal facteur de cristallisation de l’opinion autour de ses candidats.


Pascale David


Madeleine de Grandmaison :
contre la
"logique des chiffres"

"Dans les moindres détails, nous sommes confrontés à l’Europe et, avec le chômage que nous connaissons, avec la crise de la banane et les menaces sur l’emploi, nous ne pouvons pas accepter qu’on nous dise “Vous avez 75% du niveau moyen de PIB européen”", affirme Madeleine de Grandmaison. Elle dénonce la "logique des chiffres", soit le critère du PIB moyen, faussé par le jeu des transferts, qui menace la Martinique (et d’autres RUP lusitano-hispaniques) d’une sortie de “l’objectif 1” dès qu’auront été intégrés dans les calculs européens les comptes 2002 à 2004.
L’élue régionale martiniquaise a évoqué la grave menace qui pèse sur la banane antillaise, du fait de la concurrence de pays où les conditions sociales de production viennent ruiner tous les efforts qualitatifs et quantitatifs que l’Europe elle-même a exigés de ses producteurs “intégrés”. C’est aujourd’hui une production de 260.000 tonnes, 14.000 emplois directs et plusieurs milliers d’emplois indirects qui sont menacés.
Madeleine de Grandmaison a fait observer que dans une île - l’insularité est un des handicaps structurels permanents qui fondent le concept de RUP - une forte imbrication règle les rapports des différents secteurs économiques entre eux : l’agriculture, la pêche, le tourisme... Cette imbrication appelle "une vraie cohérence économique, orientée vers la vitalité et la satisfaction des besoins" a ajouté l’élue martiniquaise, en dénonçant "le désengagement de l’État qui, Outre-Mer, se défausse de ses responsabilités dans le cadre de la décentralisation".

P. D.


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