Assemblée de planteurs hier à Sainte-Suzanne

Voter “non” pour sauver la canne

25 avril 2005

Au Bocage Sainte-Suzanne, le collectif des exploitants agricoles a tenu sa première conférence sur les menaces qui pèsent sur la filière canne locale. ’Le projet de constitution européenne, où la notion de mesures spécifiques a été gommée, est un texte entièrement défavorable pour les planteurs’, explique Sylvestre Lamoly, membre du collectif. ’Le Traité constitutionnel favorise plus le libéralisme que le social, plus le gros que le petit’, affirme un groupe de retraités solidaires.

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Le Collectif des exploitants agricoles créé au début avril 2005 a invité les planteurs mais aussi les retraités, les fonctionnaires, et les jeunes hier matin au Bocage à Sainte-Suzanne pour prévenir des conséquences du projet de Constitution européenne s’il est adopté en l’état le 29 mai prochain. "Les agriculteurs n’ont aucune information sur les dispositions de ce projet quant à la filière canne sucre", dit Sylvestre Lamoly, membre de ce collectif. "Avec les autres membres, nous allons régulièrement sur le terrain pour les informer. Et d’ores et déjà nous invitons les planteurs à se mobiliser pour l’accueil d’une délégation de la Commission agricole du Parlement européen le 2 mai à l’aéroport de Gillot", continue-t-il.

Des explications claires

"La filière canne bénéficie de mesures spécifiques fixées par l’OCM-sucre (1) . Notre production annuelle est de 300.000 tonnes. Un quota et un prix sont attribués également à l’ancienne colonie anglaise et membre des pays ACP (2) , la République de Maurice. La CEE (3) finance le transport et le raffinage du sucre réunionnais mais pas le sucre mauricien... À partir de l’année prochaine, le sucre des pays les plus pauvres pourra être également écoulé sur le marché européen avec des mesures propres... Par ailleurs, le sucre du Brésil, de l’Inde, de l’Australie, de la Thaïlande arrive sur le marché européen. Les producteurs européens ont commencé à produire du sucre dans ces pays", poursuit Sylvestre Lamoly.
Pour faire face à cette situation, la Commission de Bruxelles a modifié d’abord la politique agricole commune puis les quotas et le prix de vente du système en vigueur. Le projet a été adopté et rendu public l’année dernière. Il prévoit une baisse progressive du prix du sucre jusqu’en 2007, soit 37 %, une baisse des quotas, qui passeront de 17,4 millions de tonnes par an à 14,6 millions de tonnes à l’horizon 2008-2009. "Pour les DOM, une aide compensatoire a été déterminée, elle sera de 27 millions d’euros pour atteindre 39 millions d’euros. La commission de Bruxelles accepte également que les aides spécifiques au raffinage et à l’épierrage soient maintenues", précise Sylvestre Lamoly. À La Réunion, les planteurs s’interrogent principalement sur la durée et la répartition de cette compensation entre les planteurs et les usiniers. Ils sont d’autant plus inquiets après la déclaration de la commissaire à l’Agriculture à Maurice où elle déclarait à propos de la baisse des quotas de 37% : "c’est un minimum nécessaire pour parvenir à une réforme".

Rendez vous le 28 avril

Par ailleurs en mars 2005, le nouveau Parlement Européen a voté un rapport présenté au nom de la Commission de l’Agriculture par Jean-Claude Fruteau. Il y est proposé de limiter la baisse du prix du sucre "à ce qui est strictement nécessaire". En ce qui concerne La Réunion, le rapport "demande la réintroduction de l’aide commercialisation et la compensation totale des pertes de revenus". Ces bonnes intentions risquent de ne pas voir le jour si le 28 avril, l’organe de règlement des différends de l’OMC (4) donne raison au Brésil, l’Australie et la Thaïlande. Ces pays ont en 2002 attaqué devant l’OMC le système sucrier de l’Union européenne. Ils le jugent trop protectionniste car "ils ne peuvent pas vendre leur sucre sur le marché européen". La première décision a été favorable à ces trois républiques et l’Union européenne a fait appel. La décision définitive sera connue le 28 avril... trois jours avant l’arrivée la délégation de la Commission agricole du parlement européen.
Cette décision de l’OMC est capitale car elle sera prononcée un mois avant le vote du projet de Traité Constitutionnel. Ce texte précise que "le Conseil adopte les actes en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique de l’union, y compris le marché intérieur et les politiques communes". Les membres du collectif des exploitants agricoles constatent que "la notion de mesures spécifiques", a été supprimée ou encore que "le traité ne reconnaît pas le principe de la préférence communautaire". Les planteurs s’interrogent sur les garanties qu’ils auront pour vendre leur sucre sur le marché européen.

Non à la constitution européenne

Et puis, les planteurs veulent "une compensation intégrale". Les partisans du oui affirment haut et fort "que ce sera possible". "Si l’Union Européenne ne compense pas intégralement, l’État (français) décidera d’une aide complémentaire permettant d’obtenir au final une compensation maximale", disent les partisans du libéralisme sauvage. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin est-il prêt à mettre la main à la poche aider les planteurs réunionnais ? L’article 167 du traité précise que "les aides que l’État allemand versera à ses régions sont compatibles avec les règles communautaires". Il est écrit aussi "que les aides de la France à ses régions périphériques peuvent être comptables aux règles communautaires". Et au collectif des exploitants agricoles de réagir en se demandant "si sak lé bon pou lé zallemand lé pa bon pou nou".
Actuellement le Parlement européen élabore le budget 2007-2013. Il demande aux pays membres "une contribution de 1,24% de leur production brute". Actuellement, elle est de 1% et d’ores et déjà sept pays dont la France veulent rester à 1%. L’heure est au compromis, dans tous les cas de figure, le budget sera révisé. Et les conséquences se ressentiront pour les deux secteurs où l’Union européenne dépense le plus : la politique agricole commune et la politique régionale.
"Nous sommes en état de vigilance", dit le comité des exploitants agricoles. Ses membres ont reçu hier le soutien de cent cinquante personnes, des retraités, des fonctionnaires, des jeunes et des politiques : Huguette Bello, Gélita Hoarau, Monica Govindin, Jean-Yves Rathenon, Maurice Gironcel, Jean-Yves Langenier, Élie Hoarau, Alain Armand, Claude Hoarau, Éric Fruteau, les membres de Attac et du Collectif réunionnais pour le non au Traité constitutionnel... Ils sont venus encourager les planteurs dans leur lutte contre le libéralisme sauvage et pour sauver la canne “péï”. Cette agriculture fait vivre des milliers de personnes à La Réunion et témoigne de son histoire.

Jean-Fabrice Nativel

(1) OCM-sucre, l’Organisation communautaire du sucre.
(2) ACP (pays), ensemble des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique qui sont liés à l’Union européenne par des accords préférentiels conclus dans le cadre des conventions de Lomé.
(3) CEE, la Communauté économique européenne.
(4) Organisation mondiale du commerce.


La France "isolée"... ?

Parmi les nombreux mensonges utilisés par les tenants du “oui” pour tenter de faire peur à l’électorat et l’obliger à voter dans leur sens, il y a celui consistant à dire : si le “non” l’emporte, la France sera isolée en Europe, cela fera du désordre, les Français ne pourront plus rien obtenir de l’Union européenne etc. Les deux informations ci-après démentent cette perspective catastrophiste.

o Le "non" donné gagnant aux Pays-Bas

Une majorité de Néerlandais ont l’intention de voter "non" lors du référendum du 1er juin - trois jours après les Français - sur le projet de Constitution de l’Union européenne, selon un sondage publié samedi. Cette enquête tranche nettement avec les précédentes tendances.
Sur les 32% de personnes consultées disant avoir l’intention de participer au référendum, 52% ont dit qu’elles voteraient "non" et 48% ont affirmé qu’elles voteraient pour la Constitution, selon le sondage Maurice de Hond réalisé pour la télévision publique.
Un sondage Interview-NSS et NOVA publié la veille créditait le "oui" de 64% d’intentions de vote contre 36 % au "non". Selon le sondage de Hond, 61% des adversaires de la Constitution estiment qu’elle apporte plus d’inconvénients que d’avantages.

o Vers un “non” allemand ?

La possibilité d’une non-ratification de la Constitution par le Parlement allemand semble pointer le bout de son nez après que le journal “Bild am Sonntag” ait affirmé que les Länder allemands, contrôlés par l’opposition, menacent de ne pas approuver le traité s’ils n’obtiennent pas un droit de regard plus important dans la politique européenne.
Une vingtaine de parlementaires CDU/CSU entendent ainsi rompre avec la ligne de leur parti et voter contre le traité, selon le journal.
Le chancelier Schröder rencontrera plusieurs ministres-présidents de région jeudi afin d’étudier ces revendications, indique pour sa part le quotidien “Süddeutsche Zeitung”. De source gouvernementale, on a confirmé que la rencontre était prévue mais sans fournir d’autres précisions.
Huit des seize régions d’Allemagne sont gouvernées par l’opposition conservatrice CDU/CSU et par ses partenaires libéraux (FDP), ce qui lui confère le contrôle du Bundesrat (sénat).


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