Ballet de diplomates

Et la guerre continue

12 août 2006

Tandis que l’armée israélienne continuait ses bombardements sur le Liban, tout en affirmant ne pas avoir déclenché son offensive terrestre, au siège de l’ONU à New York, les ministres français et américains tentaient de trouver un terrain d’entente, pendant que le diplomate russe déposait un court texte devant le Conseil de Sécurité demandant la "cessation immédiate et complète des hostilités pour une période de 72 heures, pour raisons humanitaires".

Israël et les États-Unis refusaient ce projet estimant qu’il "permettrait au Hezbollah de reprendre ses forces et de se réorganiser". L’essentiel des discussions porte désormais sur la date et les modalités d’un retrait des troupes israéliennes du Liban Sud et de leur remplacement par l’armée libanaise, en coordination avec la Finul (Force intérimaire de l’ONU au Liban), selon les diplomates. La France a proposé un aménagement du projet initial suggérant un retrait graduel des forces israéliennes et leur remplacement progressif par l’armée libanaise. La première mouture a été rejetée par le Liban, car elle ne prévoyait pas de retrait immédiat israélien après une trêve.

Selon une source proche des négociations, le Liban exige que les 15.000 soldats qu’il souhaite déployer au Sud, après un départ israélien, soient épaulés par la Finul et non par une nouvelle force internationale. Il accepterait l’idée d’un renforcement du mandat et des effectifs de la Finul, mais refuse qu’il soit régi par le Chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui permet l’utilisation éventuelle de la force.

Le Premier ministre israélien Ehud Olmert s’est quant à lui montré prudent. "Les propositions sont intéressantes, mais soulèvent encore beaucoup d’interrogations". Un haut responsable s’est inquiété que "l’accord en vue ne prévoit pas le retour des deux soldats enlevés" le 12 juillet par le Hezbollah à la frontière, un acte qui a déclenché le conflit.

En attendant que les diplomates se mettent d’accord, à New York, Israël a repris ses raids aériens au Liban, bombardant ponts et routes dans le Sud, l’Est et le Nord, près de la frontière avec la Syrie, ainsi que la banlieue Sud quasiment en ruines. Dans les secteurs frontaliers au Liban Sud, des colonnes de blindés israéliens ont progressé de sept kilomètres en territoire libanais. Un mois de guerre n’a pas permis à Israël de mettre en déroute le Hezbollah, qui a encore tiré le matin du Liban Sud des roquettes qui sont tombées sur Haïfa et le Nord d’Israël, où 38 civils ont été tués depuis le 12 juillet. 82 soldats ont péri pendant la même période.

L’offensive israélienne au Liban a fait plus de 1.100 morts, en majorité des civils, a causé des destructions dévastatrices dans tout le pays et entraîné une grave crise humanitaire avec environ 900.000 déplacés.

Israël commence à douter

Selon le journal israélien, “Haaretz”, le Premier ministre israélien et son ministre de la Défense chutent lourdement dans des sondages parus hier vendredi.

Le nombre croissant de victimes israéliennes et la poursuite des tirs de roquettes sur Israël par le Hezbollah ont certainement influencé l’opinion publique des Israéliens, de moins en moins enclins à supporter le prix d’une guerre.

Selon cette enquête d’opinion publiée par le quotidien “Haaretz”, seuls 48% des Israéliens sont satisfaits de la politique du Premier ministre israélien, alors qu’ils étaient plus de 75% au début de l’offensive israélienne contre le Hezbollah, d’après des sondages similaires. Le soutien de l’opinion publique pour le ministre de la Défense, Amir Peretz, tombe quant à lui de 65% à 37%.
"Olmert doit partir", titre le quotidien de gauche en "une".

Un autre sondage réalisé par un autre quotidien israélien Yedioth Aharonot modère la chute de la confiance envers Ehud Olmert, avec 66% d’Israéliens qui se disent satisfaits de l’action du Premier ministre, contre 73% auparavant. Selon cette même enquête, le soutien de la population pour Amir Peretz passerait de 64% à 59%.

Les critiques envers le Premier Ministre sont sévères. Ari Shavit, l’éditorialiste de “Haaretz”, écrit : "Si Olmert se retire maintenant de la guerre qu’il a engagée, il ne pourra demeurer Premier ministre un jour de plus (...) On ne peut pas faire entrer en guerre un pays entier, n’obtenir qu’une humiliante défaite et demeurer au pouvoir".

Trop de morts

Le conflit a tué 122 Israéliens et au moins 1.018 Libanais.
Le Hezbollah a tiré en moins de cinq semaines plus de 3.400 roquettes sur le nord d’Israël. Elles paralysent une région où vivent un million de personnes, et ont chassé de chez eux un tiers de ses habitants, tandis que les autres se terrent dans des abris ou dans leur maison.

Ni vainqueurs ni vaincus...

Par ailleurs, 63% des Israéliens estiment qu’il n’y aurait ni vainqueur ni vaincu si les combats s’arrêtaient à ce stade, selon un sondage publié par le quotidien “Haaretz”. Seuls 20% estiment qu’Israël l’aurait emporté, selon cette enquête.
Près d’un Israélien sur deux (45%) estime que l’armée ne mène pas bien la guerre, contre 48% de l’avis contraire, selon un sondage publié par le quotidien “Yediot Aharonot”.

Ces données traduisent un scepticisme croissant sur l’issue du conflit au terme d’un mois de combats.
Toutefois une forte majorité d’Israéliens (75% de la population globale, 87% au sein de la population juive) justifie la guerre, selon ce sondage.
Par ailleurs, 65% de la population globale est pour la poursuite de l’offensive, selon le sondage publié par le “Haaretz”.

(Sources Agences)


Les Pacifistes israéliens passent à l’action

Jusqu’à présent, les seuls qui avaient manifesté leur opposition à la guerre au Liban étaient les militants de mouvements d’extrême-gauche minoritaires dans la société israélienne, et le parti communiste israélien qui avait pu rassembler près de 3 000 manifestants (ce qui est important pour ce pays).

Mais la publication dans le quotidien Haaretz, le mercredi 9 août, d’une page de publicité du mouvement pacifiste La Paix maintenant (Shalom Arshav) marque un tournant dans le montée des protestations. L’encart appelle le gouvernement israélien à "donner sa chance à la voie diplomatique". Paix Maintenant étant une association représentative au niveau de la société israélienne (elle a pu par le passé rassemblé des dizaines de manifestants), cette initiative représente un signe certain d’un début des pacifistes israéliens sur la scène politique brisant le consensus national.


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