Une tribune libre de Ziyad Clot

Israël, l’ONU et le Droit international : soixante ans de faux semblants

14 mai 2009

Dans son édition du 9 mai dernier, ’Marianne 2’ a publié une tribune de Ziyad Clot. À 31 ans, cet avocat français d’origine palestinienne a passé l’année 2008 à Ramallah, en Cisjordanie, où il a travaillé comme conseiller juridique, ancien avocat et conseiller juridique dans les négociations israélo-palestiniennes d’Annapolis. Voici la reproduction de cet article. Les intertitres sont de “Témoignages”.

Le 11 mai 1949, Israël devenait membre de l’Organisation des Nations Unies. Soixante ans plus tard, l’Etat hébreu est une réalité incontournable au Moyen-Orient. La question de sa légitimité, alimentée par les circonstances de sa création et ses violations continues du Droit international, rejaillit cependant périodiquement. La persistance de ce débat n’est en réalité que l’expression de faux semblants qui président la relation entre Israël, l’ONU et la légalité internationale. La conférence de Durban II, aussi chaotique qu’inquiétante dans son déroulement, n’en est que l’illustration la plus récente.

Au regard du droit, la légitimité de l’Etat d’Israël tient au Plan de partage de la Palestine voté par l’Assemblée Générale de l’ONU le 29 novembre 1947. Fait souvent occulté, son admission au sein du concert des nations, matérialisée par la résolution 273, était conditionnée à son respect des résolutions 181 et 194 de l’Assemblée Générale. Autrement dit, l’acceptation d’Israël au sein de l’ONU était, et est toujours liée, au respect de ses obligations internationales portant notamment sur les frontières, Jérusalem et les réfugiés palestiniens.

Après soixante ans, le refus d’Israël d’adhérer aux prescriptions onusiennes paraît pourtant inaltérable. Les positions israéliennes actuelles sur les principales questions propres à ce conflit démontrent une incapacité à « rentrer dans le rang ». Elles diffèrent peu en effet des objectifs originaux du sionisme.

Déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël : des références ambiguës concernant ses frontières

La déclaration d’indépendance d’Israël du 15 mai 1948 mentionne l’adoption par l’ONU d’une résolution créant un Etat juif indépendant. La multiplication au sein du même document des références à “Eretz Israel” introduit cependant dès le départ une ambiguïté quant aux frontières du nouvel Etat.
Pour David Ben Gourion, le père de la nation israélienne, la reconnaissance internationale d’Israël était en 1948 la priorité ; il savait que les frontières définitives de l’Etat résulteraient d’un conflit armé avec ses voisins arabes.
Les gains territoriaux de 1948, puis de 1967, lui donnèrent pleinement raison. La colonisation ininterrompue de la Cisjordanie depuis 1967 confirme que l’Etat hébreu a gagné la bataille de la terre, au sein des frontières de la Palestine historique, au sein d’Eretz Israel.
Il en va de même de la question de Jérusalem. Le régime international préconisé par le Plan de partition fit long feu. Ben Gourion annonça le transfert de la capitale d’Israël à Jérusalem dès 1948. En 1967, l’Etat hébreu s’empara de Jérusalem Est où il étend depuis sa souveraineté illégalement. La colonisation massive de la partie orientale de la ville rend désormais invraisemblable l’idée qu’elle devienne un jour la capitale d’un Etat palestinien.

A droite comme à gauche de l’échiquier politique israélien, rien n’invite à penser qu’Israël serait prêt à compromettre le rêve de Jérusalem « capitale éternelle et indivisible d’Israël », alors que ce dessein validé par la Knesset en 1980 est en voie de réalisation.

Le Droit au retour de 750.000 Palestiniens « pas négociable »

A la suite de l’exil forcé de plus de 750.000 Palestiniens entre 1947 et 1949, l’ONU exigea qu’Israël donne la possibilité aux réfugiés qui le souhaitaient de retourner dans leurs foyers. Réaffirmée tous les ans depuis 1949, la résolution 194, qui incarne le Droit au retour, demeure lettre morte. Là encore, les positions israéliennes restent figées d’un gouvernement à l’autre. Comme Ehud Barak l’avait fait en 2000 avant de s’envoler pour le Sommet de Camp David, Avigdor Lieberman, le nouveau Ministre des Affaires étrangères israélien, a affirmé que la question du Droit au retour n’était pas négociable.

Une fois dissipée l’agitation du Sommet de Durban II, il faut reconnaître que la cause première de la confusion qui y a régné est bien l’incapacité à réconcilier Israël et le Droit. Si l’Etat hébreu s’était montré capable de reconnaître les Palestiniens comme des égaux, la question de sa nature discriminatoire ne se poserait plus. A défaut, en 1975, l’Assemblée Générale de l’ONU passa une résolution assimilant le sionisme à une forme de racisme. Et, avec le Sommet de Durban de 2001, la question rebondit de nouveau. Pire, à force d’ériger la question israélienne en tabou, la défense des droits des Palestiniens a récemment été confisquée à la tribune de Genève par le plus inquiétant et le plus mauvais de ses avocats, le Président iranien Ahmadinejad. La réponse occidentale fut loin d’être à la hauteur de l’événement. Au lieu de quitter la salle, l’Europe aurait été plus inspirée de rappeler Israël au respect de ses obligations internationales. Et, par là même, de pousser le Président iranien dans ses retranchements.

L’Iran, comme tous Etats-membres de l’Organisation de la Conférence islamique et de la Ligue Arabe, est signataire de l’Initiative de paix arabe. Depuis mars 2002, cette avancée historique offre à Israël une normalisation de ses relations avec tous les pays de la région sur la base du principe de « la paix contre la terre ». L’offre reprend à son compte les résolutions de l’ONU applicables à la question israélo-arabe, au premier rang desquelles la première qui imposa contre le gré de l’ensemble du Moyen-Orient le partage de la terre de Palestine. A l’époque, les Etats arabes avaient soutenu que cette partition, à défaut de consultation de la population résidant en Palestine, violait la Charte de l’ONU et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En 2009, tous les pays de la région, y compris le mouton noir iranien, mais à l’exception d’Israël, sont de nouveau unis autour d’une position légaliste.

Ziyad Clot


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