Face à la répression, une nouvelle intifada ?

Israel-Palestine : conflit dans l’impasse

7 octobre 2015, par @celinetabou

Depuis plusieurs jours, des scènes de violences se jouent dans des localités de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, laissant penser aux deux intifadas de 1987 et de 2000, qui ont vu les Territoires palestiniens se défendre ardemment contre l’occupant israélien. Ces échauffourées ont eu lieu après une semaine sanglante, marquée par trois attentats contre des citoyens israéliens.

Retour sur les faits. Jeudi 1er octobre, un couple de colons est assassiné par balle par plusieurs Palestiniens, près de la ville de Naplouse, en Cisjordanie. Samedi 3 octobre, deux autres Israéliens ont été abattus par un Palestinien de 19 ans, qui a également blessé une femme et un enfant, dans la vieille ville de Jérusalem. Le lendemain, un passant de Jérusalem-Ouest a sérieusement été blessé, à coups de couteau, par un Palestinien de 19 ans.
Deux palestiniens ont été abattus par la police pour le meurtre du couple. L’auteur de l’attaque de samedi serait un membre du Jihad islamique, organisation anti-israélienne, comme l’un de ses membres. Concernant l’attaque de jeudi, Tsahal et le Shin Bet, le service de sécurité intérieure, ont annoncé avoir arrêté cinq suspects ayant avoué le meurtre. Ces derniers appartiendraient au Hamas.
Le 4 octobre, deux Palestiniens de 13 et 18 ans ont péri lors de heurts avec les soldats israéliens à Bethléem et à Tulkarem en Cisjordanie. Un autre jeune Palestinien était dans un état critique lundi 5 octobre, après des échauffourées à Jérusalem-Est. Plus de 180 Palestiniens ont été blessés par des balles réelles ou caoutchoutées, selon le Croissant-Rouge ».

Benjamin Netanyahou resserre la vis en vain

Face à cette série d’attaque, le premier ministre, Benjamin Netanyahou, a promit « un combat jusqu’à la mort contre le terrorisme palestinien », ordonnant également l’accélération des démolitions des maisons de terroristes et un recours plus étendu à la détention administrative, qui permet l’emprisonnement sans jugement pour les suspects.
Fait rare, le chef du gouvernement israélien a interdit pour deux jours l’accès de la vieille ville à l’immense majorité des quelque 300 000 Palestiniens de Jérusalem-Est (partie de Jérusalem occupée en 1967 et annexée par Israël) qui n’y vivent pas. Interrogé par LePoint.fr, Yves Aubin de La Messuzière, ancien directeur Afrique-Moyen-Orient au Quai d’Orsay, a expliqué que « ce n’est certainement pas avec des punitions collectives que l’on va régler le problème », car « cela contribue à nourrir l’engrenage de violences. »
 Ces violences sont principalement dues à l’accès autorisé aux citoyens israéliens à l’esplanade des Mosquées, qui abrite la mosquée Al-Aqsa. Cette esplanade se trouve également à l’emplacement du mont du Temple, premier lieu saint du judaïsme. Cet espace est régi par un statu quo. Les musulmans peuvent accéder au site à toute heure, mais pas les juifs. Cependant, ces dernières années, les juifs peuvent y pénétrer durant quelques heures de la semaine.
Ce statu quo est remit en cause par les juifs ultra-orthodoxes qui multiplient les visites et exigent le droit de prier sur l’esplanade. Ces derniers bénéficient d’une mansuétude de la part des autorités israéliennes. D’autant plus que le nouveau gouvernement, installé en mars, est une coalition composée de nationalistes et d’ultra-orthodoxes.

Des affrontements quasi quotidiens

Les célébrations du nouvel an juif il y a trois semaines ont servi d’étincelle, car de nombreux juifs sont venus se recueillir sur l’esplanade des Mosquées. Depuis la mi-septembre, les affrontements entre policiers israéliens et des jeunes manifestants palestiniens sont quotidiens. En représailles, les autorités israéliennes ont décidé d’interdire l’accès à l’esplanade aux hommes palestiniens de moins de 50 ans.
Pour Ahmad, jeune Palestinien de 25 ans, interrogé par LePoint.fr, « notre sentiment est que la présence des colons devient normalisée, alors qu’au contraire nous ne sommes plus les bienvenus ». Le président palestinien Mahmoud Abbas a dénoncé « les crimes de l’occupant israélien, des colons en Cisjordanie et à Jérusalem ».
Une source officielle palestinienne a expliqué que « cela fait vingt ans que l’on condamne ces attaques d’Israéliens, et rappelle notre attachement à la résistance populaire pacifique, répond une source officielle palestinienne. Mais cela devient difficile étant donné la recrudescence d’attaques de la part des colons. L’escalade, cela fait des mois qu’elle a en réalité commencé."
Depuis janvier 2015, les violences ont fait au moins 8 morts du côté israélien, 31 morts du côté palestinien. L’évènement le plus marquant depuis le début de l’année est l’assassinat de 3 membres d’une famille palestinienne, dont un bébé de 18 mois, tous brûlés vifs dans l’incendie par des colons de leur maison, le 31 juillet dernier.

Mahmoud Abbas dépassé par les violences

Les autorités israéliennes auront annoncé un mois plus tard l’arrestation de certains des auteurs présumés de l’incendie, mais pour autant qu’ils soient inculpés. Une impunité qui met à mal le gouvernement palestinien. « Si notre gouvernement est incapable de nous protéger face à ces violences, alors il faut nous protéger nous-mêmes », a assuré Ahmad.
En effet, les juifs extrémistes ne sont pas inquiétés par la justice israélienne et d’après l’ONG israélienne Yesh Din, 85 % des plaintes palestiniennes concernant des violences de colons sont classées sans suite.
 En dépit des symboles qu’a réussi à instaurer Mahmoud Abbas à l’étranger, il ne parvient plus à convaincre son camp. « Fondamentalement contre la violence, Mahmoud Abbas semble dépassé par son opinion qui ne le suit plus », a souligné Yves Aubin de la Messuzière.
D’ailleurs, d’après une enquête du Centre palestinien pour la recherche politique et les études stratégiques, une majorité de Palestiniens serait favorable à un soulèvement armé contre Israël, après 22 ans de négociations stériles avec les Israéliens.

Vers une troisième intifada ?

De nombreux observateurs et experts se demandent si une 3e intifada ne va pas éclater. Pour Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), « l’histoire ne se répète pas toujours mais ce qui est à craindre est une reprise des violences » et « jusqu’où vont-elles s’amplifier ».
Ces violences sont dues pour ce dernier de « l’absence de toute perspective politique », d’autant qu’il semble que « plus grand monde n’exerce un contrôle politique, tant du côté palestinien qu’israélien. La bride semble être lâchée sur la violence qui vient ». De son côté, le quotidien israélien, Yediot Aharonot, se demande en Une sur son site : « Une troisième Intifada ?".
Pour répondre à cette question, The Jerusalem Post s’est interrogé dans ses colonnes : « Comment nommer ce regain de violence ? Intifada ? ou non ? terreur populaire ? l’Intifada des pierres ?". Des questions auquel le journal répondre : « la triste vérité est que peu importe le nom qu’on lui donne. Ce qui est important, c’est la réalité et surtout la reconnaissance de cette réalité ». Une réalité qui est « que la Cisjordanie et Jérusalem sont en train de brûler. Elles sont en train de s’enflammer depuis plusieurs mois, voire depuis un an ».
Pour le quotidien palestinien, Al-Hayat Al-Jadida, « c’est le point de non-retour ». « Les méthodes fascistes » de la droite israélienne « n’ont pas réussi à mettre notre peuple à genoux ». Pour Al-Qods, « il n’y a aucun doute que l’escalade de la violence dans les Territoires palestiniens occupés, et en premier lieu à Jérusalem, est le résultat de la politique israélienne du gouvernement extrémiste dirigé par Nétanyahou. A savoir, laisser se poursuivre la colonisation et les agressions continues des colons contre les Palestiniens et leurs biens ».

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