L’universitaire israélien Ze’ev Maoz :

’La morale n’est pas de notre côté’

1er août 2006

Ze’ev Maoz, Professeur de sciences politiques a l’Université de Tel-Aviv, dénonce, dans ’Haaretz’, la nouvelle guerre menée par Israël au Liban.

Il y a en ce moment pratiquement un consensus sacré sur le fait que la guerre au Nord est une guerre juste, et que la morale est avec nous. L’amère vérité doit être dite : cette union sacrée est fondée sur une mémoire sélective et à courte vue, sur une vision introvertie du monde, et le recours à "deux poids, deux mesures".
Cette guerre n’est pas une guerre juste. Israël utilise une force excessive sans faire de distinguo entre population civile et ennemi, dont le seul motif est l’extorsion. Cela ne veut pas dire que la morale et la justice soient du côté du Hezbollah. Certainement pas. Mais le fait que ce soit le Hezbollah qui "a commencé", lorsqu’il a kidnappé des soldats au-delà de la frontière internationale ne représente même pas un début de commencement de preuve du fait que la justice soit de notre côté.
(L’auteur rappelle quelques faits passés. L’invasion du Liban en 1982 et ses 14.000 victimes civils qui n’avaient rien à voir avec l’Organisation Libération de la Palestine (OLP). Les opérations “Rendre des comptes” et “Raisins de la Colère", qui ont provoqué l’exode de 500.000 réfugiés du Sud-Liban. Les kidnappings du Cheikh Obeid, le 28 juillet 1989 et le 12 mai 1994, celui de Mustafa Dirani, détenus sans jugement dans les prisons israéliennes... Ce qui fait dire à Ze’ev Maoz que "Ce que nous nous permettons de faire est, bien évidemment, interdit au Hezbollah".)
Le Hezbollah a franchi une frontière reconnue par la communauté internationale. C’est vrai. Mais nous oublions que depuis notre retrait du Liban, l’aviation israélienne a continué, quotidiennement, de violer l’espace aérien du Liban, avec des vols de reconnaissance photographique. Certes, ces vols n’ont pas causé de pertes humaines : mais une violation de frontières reste une violation de frontières. Là non plus, la morale n’est pas avec nous.
Passons maintenant à l’actualité. Quelle différence y a-t-il exactement entre le fait de lancer des Katyushas sur des zones habitées par des populations civiles en Israël et les bombardements de populations civiles effectués par l’Israel Air Force à Beyrouth-Sud, Tyr (Sour), Saïda (Sidon) et Tripoli ?
L’armée a tiré des milliers d’obus sur les villages du Sud-Liban, au motif que les hommes du Hezbollah s’abritent derrière la population civile.
À ce jour, 25 civils israéliens environ ont été tués par les bombardements de Katyushas. Le nombre de morts au Liban, très majoritairement des civils qui n’ont rien à voir avec le Hezbollah, dépasse les 300.
Pire, le bombardement ciblé d’infrastructures telles que des centrales électriques, des ponts et autres équipements civils fait de l’ensemble du peuple libanais des victimes et des otages, même lorsque nous ne les atteignons pas physiquement.
Le recours à des bombes pour atteindre un objectif diplomatique - en l’occurrence, contraindre le gouvernement libanais à appliquer la résolution 1559 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies - s’apparente à du chantage politique, pas moins que ne l’est l’enlèvement, par le Hezbollah, de soldats israéliens, dans le but d’obtenir un échange de prisonniers.
La guerre en cours se joue aussi sur le terrain de la propagande, et cela implique une compétition pour savoir qui aura l’air le plus malheureux. Chaque partie tente de convaincre le monde que c’est elle qui est le plus à plaindre. Et comme dans toute campagne de propagande, on a recours à une information sélective, tronquée, et à sens unique. (...) Mais s’agissant de la recherche de notre propre moralité, alors nous devons affronter l’amère vérité : peut-être allons-nous gagner militairement ce conflit, peut-être aussi cela se traduira-t-il par des gains diplomatiques ; mais au plan moral, nous n’avons aucun avantage, et aucun statut spécial.


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