Le Liban au milieu de la guerre

3 août 2006

La communauté internationale a été choquée par l’intensité des attaques aériennes israéliennes et ses bombardements, et ses centaines de victimes. Et le raid meurtrier de Cana, avec ses plus de 50 morts, dont une grande partie d’enfants, a été de l’attaque la plus meurtrière depuis le début de l’offensive de Tsahal contre la milice chiite du Hezbollah. On peut dire que les images vues à la télévision et les photos des victimes que nous avons diffusées dans notre édition de mercredi, ont participé à une prise de conscience, par les plus sceptiques, de la gravité des événements. On a assisté à un ballet diplomatique en vue de trouver une solution. Les États-Unis ont alors bloqué les résolutions à l’ONU, avec comme but avoué, à l’unisson avec le gouvernement israélien que, tant que le Hezbollah ne serait pas anéanti, il était illusoire de croire en une paix durable.

Les origines du conflit

En restant modeste, ce qu’on peut percevoir des causes du commencement de cette guerre n’est évidemment pas l’enlèvement de deux soldats israéliens par les militants du Hezbollah, ce fut juste un prétexte. Par contre, certains croient voir l’alliance de ce mouvement avec le général Aoun comme l’élément réel déclencheur de l’offensive israélienne.
Mais, pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui, il faut peut-être revenir un peu en arrière, et dérouler les différents événements qui ont précédé cette guerre. Et savoir qui est ce Hezbollah que veut anéantir les États-Unis par l’intermédiaire d’Israël (d’ailleurs un expert de l’European Strategic Intelligence and Security Center, posait la question : Pourquoi Israël fait le sale boulot ?... mais nous y reviendrons).

Le Hezbollah : parti politique ou organisation terroriste ?

Le Hezbollah ("le parti de Dieu", en arabe) a la particularité d’être en même temps un mouvement politique sur des bases religieuses et disposé d’une branche militaire, terroriste pour les uns et résistante pour les autres. C’est cette double particularité qui occasionne des confusions et des débats, au niveau libanais et international. Ce mouvement politico-religieux chiite est le produit d’un double mouvement identitaire et politique. Identitaire, parce qu’il a réussi à exploiter le fait que les chiites, qui représentent près du tiers de la population libanaise, ont longtemps vécu sous un statut de seconde classe. Politique, parce que, fondé en 1982, il va rapidement s’imposer socialement, politiquement et militairement, après avoir évincé les autres tendances chiites et avoir été un des éléments armés contre l’occupation du Sud du Liban par Israël entre 1990 et 2000, en éliminant aussi les autres composantes de la résistance, en particulier les groupes armés communistes. Dans les zones où il s’est implanté, il impose un ordre social religieux comparable à celui de l’Iran des mollahs. Soupçonné d’avoir initié des attentats suicides contre les “Marines” - 200 morts - et les parachutistes français - 58 morts - le 28 octobre 1983, le Parti de Dieu est vite catalogué de "mouvement terroriste".

Mais à partir de 1985, le Hezbollah fait sa mue politique et se transforme en mouvement de résistance politico-religieux, s’interdisant toute action paramilitaire - enlèvements ou attentats - à l’intérieur ou en dehors du territoire libanais. Dirigé par Hassan Nasrallah, le Hezbollah chapeaute plusieurs organisations caricatives : l’association Al-Jarih, qui aide les blessés et handicapés, l’association Al-Shahid, qui prend en charge les familles des "martyrs", et l’association Jihad et Binaa, qui réhabilite les sites détruits par l’armée israélienne. Il entretient également un vaste réseau d’écoles, de dispensaires et d’hôpitaux et dispose d’une radio et d’une chaîne de télévision, Al-Manar.

Sur le plan politique, le Hezbollah s’est converti au pluralisme. Suite au scrutin législatif de 2005, il dispose d’un groupe de 28 députés dont 11 sont issus de ses rangs. Il dispose de trois portefeuilles ministériels, dont celui de l’Énergie est occupé par un de ses dirigeants. Enfin et surtout, le 8 juin 2006, il a conclu une alliance politique, dite “Document d’entente”, avec le Courant Patriotique Libre (CPL) du général Michel Aoun. Document qui stipule que le désarmement de la branche militaire du Hezbollah devra être décidé dans le cadre d’un “dialogue national”. Cette alliance inattendue, qui avait pris au dépourvu le “camp anti-syrien”, a radicalement modifié le champ politique libanais. C’est sans doute cette alliance - et non la capture de deux soldats israéliens - qui a été l’élément déclencheur de l’offensive militaire israélienne.


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