Le pétrole irakien objet de toutes les attentions

Un des buts de guerre des armées d’invasion

3 avril 2003

Les troupes US et Britanniques souhaitent éviter la rupture des approvisionnements en brut. Le pétrole, principal but de guerre, est donc au cœur d’un dispositif militaire visant à le protéger à tous prix.

À la fin de la guerre du Golfe les irakiens avaient pris soin de faire sauter des centaines de puits appartenant au Koweit avant de s’enfuir. Les incendies gigantesques qui ont suivi ont coûté des dizaines de milliards de dollars, et ont provoqué une pollution des sols qui empoisonne encore la région, 12 ans plus tard. Dans le cas d’une invasion de l’Irak par les troupes américaines et britanniques, les stratèges du Pentagone veulent absolument préserver les sites de forages et de raffinage.
Bien que les analystes doutent de la capacité de l’Irak de détruire les installations pétrolières ou d’actions isolées pouvant paralyser cette industrie, ils n’excluent pas des attaques comparables à ceux perpétrés au Yémen contre le destroyer USS Cole ou le pétrolier français Limburg. Selon des sources industrielles, le Japon et les pays asiatiques, principaux clients du pétrole du Golfe, écartent le risque d’une perturbation de l’approvisionnement mais estiment que des équipages de pétroliers japonais pourraient refuser, pour des raisons de sécurité, de se rendre dans la région.

Le Golfe est scruté en permanence

« Nous avons des moyens en mer et dans l’air pour suivre la navigation dans la zone de responsabilité du Commandement central américain » qui va du Golfe jusqu’en Afghanistan, a indiqué le lieutenant Josh Frey, basé à Bahrein, qui accueille le 5ème flotte américaine. Du côté des professionnels du brut, on reste serein, malgré les cours qui grimpent inexorablement. Prudentes, les autorités koweitiennes ont pris leurs propres mesures de sécurité. La région Nord a été déclarée zone militaire fermée et le Koweit soumet l’octroi des visas au contrôle des services de renseignement et de sécurité. Des informations concernant des opérations héliportées de grande envergure par des Marines ont été évoquées dans les revues spécialisées. Des commandos s’entraineraient depuis des mois aux États-Unis, sur des bases reproduisant fidèlement des sites d’exploitation pétrolier irakien, à le prendre d’assaut dans un temps record.
Le risque d’attaques d’acte de résistance serait plus grand en cas de conflit prolongé, ce qui devrait appeler, selon lui, des « mesures de protection supplémentaires ». L’Arabie saoudite s’est déjà déclaré prêt à compenser une baisse de la production. Les autres pays de l’OPEP sont prêts à en faire autant, mais les récents événements au Venezuela et au Nigeria incitent les acheteurs de brut à se prémunir de risque de rupture en diversifiant au maximum les sources d’approvisionnement.

Washington prépare l’occupation de l’Irak
Le plan américain pour "l’après-Saddam" est un secret encore mieux gardé que le désormais fameux « excellent plan » du général Tommy Franks pour l’offensive qui entre bientôt dans sa seconde semaine. Cela n’empêche pas la polémique par déclarations et "fuites" interposées, et pour cause : l’opposition irakienne, en dépit de sa « coordination » récente est loin d’être univoque... pas plus que le gouvernement américain, au sein duquel la tension demeure entre responsables politiques, diplomates et militaires.
Dernières révélations en date : celles du journal britannique "The Guardian". Il dévoile le projet d’installer 23 ministères - dirigés chacun par un Américain, assistés de haut responsables irakiens. Paul Wolfowitz, le ministre-adjoint de la Défense en pointe depuis des années sur le dossier irakien, aurait la haute main sur ces nominations, dit le quotidien. Et même certains de ses "poulains", comme Ahmed Chalabi, seraient déçus. Le président du Congrès National Irakien, qui se serait bien vu à la tête d’un gouvernement provisoire et annonçait déjà au public américain que les contrats pétroliers « injustes » négociés par le régime de Saddam Hussein seraient annulés : il aurait droit dans un premier temps à un poste de conseiller aux Finances. Un responsable du Congrès national confirmait au "Guardian" que son mouvement continue à plaider pour un gouvernement provisoire, alors que les dirigeants américains prônent une « autorité transitoire ».
Le projet cornaqué par Paul Wolfowitz aurait fait un autre mécontent : Jay Gardner, le général en retraite officiellement chargé de cette "transition". Le Guardian affirme que « selon des sources proches des préparatifs de ce gouvernement », le ministre-adjoint de la Défense lui a imposé une série de ministrables. On ne retrouverait pas parmi ceux-ci le nom de Adnan Pachachi, ancien ministre des Affaires étrangères. Il avait été brièvement évoqué (surtout parmi les diplomates, confortés par son âge et sa modération) comme un leader possible de "l’après Saddam". Contrairement à Ahmed Chalabi, il est favorablement disposé à un rôle de l’ONU.
Outre le commandement central, le Pentagone et le Département d’État, Zalmay Khalilzad, qui fut l’envoyé spécial du président Bush en Afghanistan, a aussi été mis sur le dossier irakien. À charge pour lui d’aider à identifier la figure "rassembleuse" pour l’opinion locale qui sera "rassurante" pour son propre gouvernement, à l’image d’Hamid Karzaï, et pour mettre au point le mécanisme de cette "transition".
La priorité accordée à la phase des combats a permis jusqu’ici à Colin Powell de rester relativement vague. Le ministre des Affaires étrangères américain s’en tient à un scénario en étapes : commandement militaire (Tommy Franks) au fil des progrès de l’offensive, prise en charge par Jay Gardner dans les zones "stabilisées". Il ajoute que le rôle de l’ONU sera « important », notamment pour conférer une légitimité au gouvernement transitoire, mais que ses contacts avec le secrétaire-général Kofi Annan indiquent que les Nations-Unies n’ont pas vocation à devenir une « autorité gouvernante ».

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