Réouverture d’un oléoduc entre Mossoul en Irak et Haïfa sur la côte méditerranéenne

Le pétrole irakien récompensera la ’collaboration israélienne’

10 avril 2003

Le gouvernement israélien demande aux Etats-Unis la réactivation de l’oléoduc reliant la ville irakienne de Mossoul à celle israélienne d’Haïfa. Un article paru dans le quotidien italien ’Il Manifesto’ nous explique ce but de guerre qui est passé sous silence.

Alors que la guerre pour l’occupation de l’Irak est encore en cours, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a déjà présenté à George Bush la facture pour l’appui fournit par son pays aux États-Unis. Il faut savoir, en effet, que le commandement militaire israélien a participé - certes "non ouvertement" - au plan d’attaque américain, et bien avant le début du conflit, en entraînant les marines et les soldats des États-Unis au combat de rue. Il a également mis le territoire d’Israël à disposition du Pentagone pour le dépôt de matériel de guerre et de carburant. À Tel-Aviv, par ailleurs, a été établi un commandement israélo-américain, relié via satellite au Commandement central des Etats-Unis au Qatar.

Pour les services rendus, Ariel Sharon demande alors à être payé avec... de "l’or noir" irakien. Le ministre israélien des Infrastructures, Joseph Paritzky, vient à ce propos de donner des dispositions pour la réouverture de l’oléoduc qui, jusqu’en 1948, faisait transiter le pétrole depuis Mossoul, ville située dans la zone pétrolifère du Kurdistan irakien, dans le Nord du pays, jusqu’au port d’Haïfa, dans la Méditerranée, où se trouvent aujourd’hui la majorité des installations pétrolières israéliennes.
Le ministre a même dévoilé les intentions du gouvernement au quotidien israélien "Haaretz", qui a reporté ses propos dans son édition du 31 mars dernier. Celui-ci s’est dit « certain que l’administration américaine sera favorable à sa décision, étant donné que l’oléoduc amènerait le pétrole irakien directement vers la Méditerranée ». Il a aussi laissé entendre que le tronçon Mossoul-Haïfa garantirait à Israël un flux de brut à bas prix, qui plus est, extrait dans une région limitrophe, car de cette façon, le pays « pourrait faire des économies sur l’importation du pétrole à prix élevé de Russie ».

Une longue histoire

Ce ministre ne fait pas si bien dire. Le projet plaira certainement à l’administration américaine, à laquelle Ariel Sharon s’est adressé en qualité de futur "gouvernement" de l’Irak. Et ce, pour deux raisons. D’abord, cette solution comporterait un avantage pour les compagnies pétrolières américaines, auxquelles sera confiée l’exploitation des puits irakiens, y compris ceux de Mossoul. Ensuite, elle annulerait la fourniture de pétrole russe, très lucrative pour Moscou, à Israël : une manière de faire payer à Vladimir Poutine son opposition à la guerre.

Voilà donc que le long chapitre de l’oléoduc Mossoul-Haïfa s’ouvre à nouveau. Ce conduit pétrolier a joué un rôle très important dans la pénétration de l’impérialisme britannique au Moyen-Orient quand, en 1937, Londres a promu un coup d’État en Irak, en y instaurant un gouvernement pro-britannique. Cela a permis au Royaume-Uni d’obtenir à très bas prix la fourniture de brut irakien.
Lorsqu’en avril 1941, l’Allemagne hitlérienne a organisé à son tour un putsch, en Irak, en le dirigeant contre les Britanniques, les forces pro-allemandes ont alors pris le contrôle de l’oléoduc qui, peu après, a été cependant reconquis par l’armée britannique. Le conduit a été finalement fermé en 1948, quand le mandat anglais sur la Palestine a cessé et a été proclamé l’État d’Israël.

Un projet inachevé

Dans les années 80, alors que le régime de Saddam Hussein était en guerre contre l’Iran, le projet a été relancé, avec le soutien de Washington. Ce fut le Premier ministre israélien, Yitzhak Shamir, qui proposa au gouvernement irakien de rouvrir l’oléoduc Mossoul-Haïfa. Durant la même période, vers la moitié des années 80, le gouvernement israélien avait entrepris des négociations avec Bagdad et Amman (avec la participation de Donald Rumsfeld qui, à l’époque, était le conseiller de Ronald Reagan) pour la construction d’un autre oléoduc (par l’entreprise américaine Bechtel) à travers lequel le pétrole irakien aurait pu arriver jusqu’au port jordanien d’Aqaba, sur la Mer rouge. En échange de son consentement, Israël aurait reçu une compensation annuelle de 100 millions de dollars.
Par la suite, en 1987, le ministre israélien pour l’Énergie, Moshe Shahal, a élaboré un autre projet prévoyant le transport du brut irakien jusqu’à Haïfa, à travers le territoires occupé du Golan. Mais cette idée n’a pas non plus été réalisée, à cause cette fois-ci de la première guerre du Golfe.

Avec le deuxième conflit, la possibilité de réactiver l’oléoduc historique revient à nouveau au devant de la scène. Des négociations très serrées sont en cours entre le gouvernement d’Ariel Sharon et l’administration américaine.
Mais les deux pays risquent de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Quelle sera en effet la réaction des Irakiens, lorsque leur pétrole commencera à s’écouler vers Israël ? Comment réagiront les Kurdes (de leur territoire partira en effet le brut en direction d’Haïfa) ? Quelles mesures de protection faudra-t-il mettre en place pour prévenir des actes de sabotage ? Probablement que Washington se pose de telles questions. Mais Ariel Sharon insiste : il exige la part du trésor de guerre qui lui reviendrait.

Reporters sans frontières accuse l’armée américaine de prendre délibérément pour cibles des journalistes
Dans une lettre adressée au secrétaire d’État américain à la Défense Donald Rumsfeld, Reporters sans frontières a demandé à l’administration américaine d’apporter la preuve que les bureaux d’Al-Jazeera et l’hôtel Palestine à Bagdad n’ont pas été pris délibérément pour cibles, le mardi 8 avril 2003.

« Nous sommes consternés par la gravité des attaques américaine contre les journalistes. Dans la seule journée de mardi, le 8 avril 2003, trois journalistes ont été tués par des tirs de l’armée américaine à Bagdad. Les lieux qui ont été pris pour cibles sont pourtant connus pour abriter des journalistes, qu’il s’agisse des bureaux d’Al-Jazeera ou du célèbre hôtel Palestine. Un film tourné par la chaîne française France 3, ainsi que les témoignages de plusieurs journalistes, indiquent que la situation était très calme au moment des faits et que le char américain a pris son temps, attendant deux minutes et ajustant son canon, avant de tirer sur l’hôtel. Ces éléments n’accréditent pas la version américaine d’un tir défensif. À l’heure actuelle, ne nous pouvons que soupçonner et accuser l’armée américaine d’avoir, délibérément et sans avertissement, pris pour cibles les journalistes. Ce sera à l’armée américaine d’apporter la preuve qu’il ne s’agissait pas d’un acte délibéré visant à dissuader et à empêcher les journalistes de continuer à travailler à Bagdad », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières.

« Nous étions de plus en plus inquiets en voyant, ces derniers jours, l’attitude de l’armée américaine devenir de plus en plus hostile à l’égard des journalistes, en particulier non incorporés. En outre, l’armée américaine fait preuve d’un mutisme intolérable, refusant de donner la moindre information concernant l’équipe d’ITN prise sous des tirs, le 22 mars, au Sud du pays, près de Bassora. De très nombreux journalistes non incorporés se sont plaints : ils ont été refoulés à la frontière koweïto-irakienne, menacés de se voir retirer leurs accréditations, détenus et interrogés pendant plusieurs heures. Ainsi un groupe de quatre journalistes non incorporés ont été détenus incommunicado et maltraités pendant quarante-huit heures par la police militaire américaine », a ajouté Robert Ménard.

Al-Jazeera cible privilégiée des obus américains
Un journaliste d’Al-Jazeera qui se trouvait encore à Bagdad il y a quelques jours a déclaré à Reporters sans frontières : « Il ne peut pas s’agir d’une erreur pour la bonne et simple raison que, d’une part, Al-Jazeera avait informé le Pentagone de la localisation de tous ses bureaux en Irak, et que d’autre part, nous avons placé d’énormes banderoles sur la façade de nos bureaux marquées "TV" ».

Le 7 avril, la voiture d’Al-Jazeera, pourtant marquée du sigle de la chaîne, a essuyé des tirs américains sur une autoroute à l’extérieur de Bagdad. Le 2 avril, le bureau de la chaîne à Bassora, au Sud du pays, avait été intentionnellement et directement la cible de tirs d’obus, avait déclaré la chaîne.

Le 29 mars, quatre membres de l’équipe d’Al-Jazeera à Bassora, seuls journalistes présents dans cette ville, ont été pris sous des tirs en provenance de chars britanniques alors qu’ils filmaient une distribution alimentaire organisée par le gouvernement irakien. Un cameraman de la chaîne, Akil Abdel Reda, alors porté disparu, avait été détenu pendant douze heures par les forces américaines.
En novembre 2001, le bureau d’Al-Jazeera à Kaboul avait également été bombardé par les forces américaines lors de la guerre en Afghanistan.


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