Arabie Saoudite, Iran, Chine, Russie, Etats-Unis

Le Yemen, au centre d’une guerre de pouvoir

7 avril 2015, par Céline Tabou

Deux fronts se sont mis en place en Orient, d’un côté, le camp americano-saoudien, et de l’autre, l’axe Iran/Russie/Chine, avec au centre deux conflits armés en Syrie et au Yémen. La déclaration du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nassrallah, confirme un peu plus la confrontation entre les États-Unis et la Russie et la Chine.

La crise politique yéménite a donné l’occasion à l’Arabie saoudite et à l’Iran d’imposer leur autorité dans la région. L’affrontement direct entre les deux puissances chiite iranienne et sunnite saoudienne sur le sol yéménite a conduit le Yémen au centre d’un conflit régional et international, qui peinera à prendre fin.

Rivalité entre l’Iran et l’Arabie Saoudite

Dans un communiqué de presse, publié vendredi 3 avril, Hassan Nassrallah, secrétaire général du parti chiite libanais, Hezbollah, a fustigé l’agression « americano-saoudienne visant le peuple yéménite frère », appelant également « l’Arabie Saoudite et ses alliés à cesser immédiatement et sans conditions cette agression militaire ».

Depuis le 26 mars, l’Arabie Saoudite et ses alliés (Égypte, Émirats Arabes, Bahreïn, Koweït, Soudan, Pakistan, Maroc et Qatar) mènent une opération militaire au Yémen, appelée « Tempête décisive ». À l’instar du Hezbollah, les autorités iraniennes ont dénoncé l’intervention saoudienne, la qualifiant « d’agression militaire », par le président Hassan Rohani.

Pour le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, cette opération « créera plus de tensions dans la région et n’apportera aucun bénéfice à aucun pays ». Face à l’ampleur de la situation, l’Iran a demandé l’aide du sultanat d’Oman pour arrêter « immédiatement » les frappes de la coalition arabe au Yémen contre l’avancée des rebelles chiites, Houthis, soutenus pas Téhéran.

Oman est la seule monarchie du Golfe à ne pas participer à la coalition saoudienne et à avoir de bonnes relations avec l’Iran. Raison pour laquelle, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a remis le 3 avril aux autorités omanaises une lettre du président Hassan Rouhani insistant « sur la nécessité d’aider pour arrêter immédiatement les attaques contre le Yémen et empêcher que la guerre ne s’étende dans la région », selon les médias iranien, cités par le site d’information « L’Orient le jour ».

La rivalité traditionnelle entre l’Arabie Saoudite et l’Iran se traduit désormais par un rapport de force de plus en plus tendu. En effet, l’Iran, en parvenant à signer un accord-cadre avec les Etats-Unis sur le dossier du nucléaire, parvient à revenir sur la scène internationale, et surtout régionale. Une avancée inquiétante pour l’Arabie Saoudite et ses alliés, qui veulent conserver leur rôle prépondérant dans la région et auprès des Occidentaux.

Une lutte de pouvoir intense

David Rigoulet-Roze, enseignant et chercheur rattaché à l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS), spécialiste du Moyen-Orient et rédacteur en chef de la revue « Orients stratégiques », a expliqué à France24, qu’en plus du conflit régional entre sunnites et chiites, la lutte de pouvoir s’ancre en arrière-plan, « il y a deux puissances qui se dégagent et qui sont dans une guerre de l’ombre : l’Arabie Saoudite, qui soutient le président légitime Hadi réfugié à Aden, et puis l’Iran chiite, qui soutient la minorité houthie qui s’impose de plus en plus dans le nord, à la frontière saoudienne ».

L’enjeu du Bab el-Mandeb

En effet, « l’Iran est entré en jeu en profitant de la situation et est en train de se constituer une base qui ressemblera à celle qu’elle possède au sud du Liban », a indiqué Gilles Gauthier, ancien ambassadeur de France au Yémen. L’objectif de ces deux puissances est le détroit de Bab el-Mandeb, où transite l’essentiel du commerce mondial et une grande partie du pétrole, avant de remonter vers le canal de Suez et l’Europe.

Si Téhéran parvient à posséder ce détroit, en plus de son détroit d’Ormuz, le pays devient « un partenaire incontournable pour le monde entier », a expliqué Gilles Gauthier. Mais l’Arabie Saoudite ne l’entend pas ainsi, et veut conserver ses forces au Yémen. Ryad a déjà « massé des troupes à la frontière (saoudienne, ndlr) en sachant qu’en face, c’est un fief Houthi. », a indiqué David Rigoulet-Roze.

En effet, les Houthis contrôlent une bonne partie du nord du pays, face à l’Arabie Saoudite. Une situation présagée, car « le royaume saoudien a, pendant un temps, préféré une domination des Houthis (à sa frontière) à celle des Frères musulmans. Son rôle au Yémen a alors régressé, ce qui a encouragé les Houthis à avancer depuis Saada, leur bastion du Nord, vers Sanaa, où ils sont entrés en septembre sans résistance avant de prendre le pouvoir en début d’année », a expliqué la directrice du Carnegie Middle East Center, Lina Khatib, à « L’Orient le jour ».

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