Irak

Les Nations Unies lancent un appel sans précédent à la solidarité internationale pour sauver le peuple irakien

L’ONU a besoin de 2 milliards 200 millions de dollars pour la survie de 24 millions de personnes, George Bush obtiendra 75 milliards de dollars pour en tuer des milliers

1er avril 2003

Les Nations Unies ont lancé vendredi un appel d’urgence de 2 milliards 200 millions de dollars destiné à répondre aux besoins humanitaires immédiats des populations civiles irakiennes au cours des six prochains mois. Lors d’une conférence de presse qui a suivi le lancement de l’appel, un porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), agence responsable du volet alimentaire de l’appel, a noté que les 1 milliard 300 millions de dollars alloués à l’assistance alimentaire en feraient l’opération humanitaire la plus importante jamais lancée.
Pendant ce temps, George Bush exige et obtiendra probablement une rallonge budgétaire de 75 milliards de dollars pour faire la guerre.
On lira ci-après le texte présenté par la vice-secrétaire générale de l’O.N.U., Louise Fréchette, lors d’une conférence de presse à l’occasion du lancement de l’appel à l’assistance humanitaire au peuple irakien.

« Il y a beaucoup de monde à la tribune - j’espère que cela vous montre d’abord que ce défi humanitaire en Irak concerne de nombreuses institutions du système des Nations Unies, mais cela montre également que nous travaillons en équipe et que nous faisons tout pour que toutes nos actions soient réellement bien coordonnées. Mais nous avons jugé important que vous ayez accès à toutes les institutions pour les questions spécifiques que vous pourriez avoir sur l’appel et nos activités à l’heure actuelle.
Vous vous souviendrez certainement que lorsque nous avons demandé des fonds pour permettre aux institutions humanitaires des Nations Unies de se préparer à un éventuel nouveau conflit en Irak, nous avions indiqué qu’en cas de conflit, nous aurions à revenir pour demander plus de fonds en vue de financer les opérations de secours effectives.
Ce moment est arrivé. Comme vous le savez, la guerre fait rage depuis plus d’une semaine et l’impact humanitaire est déjà ressenti et pourrait s’aggraver dans les jours et les semaines à venir.

« Être prêts à toutes les éventualités »

Mais la portée et la nature de ses besoins restent très difficiles à évaluer. Nous ne disposons actuellement que d’informations fragmentaires sur les conditions dans le pays, et naturellement, nous ne savons pas comment évolueront les combats.
Pour vous donner une idée des incertitudes, il n’y a presque pas de réfugiés ou un très petit nombre au sens de personnes fuyant l’Irak vers des pays voisins. Mais nous ne pouvons être certains que cela continuera d’être le cas. C’est pour cela que nous avons continué de fonder nos hypothèses sur un scénario intermédiaire, pour pouvoir être prêts à toutes les éventualités.
Une série distincte d’incertitudes a trait à la disponibilité de fournitures et de fonds au titre du programme "pétrole contre nourriture". Comme vous le savez, le Conseil de sécurité doit adopter une résolution aujourd’hui (vendredi - NDLR), à tout moment, accordant une autorité limitée au secrétaire général (des Nations Unies - NDLR) pour une période de temps limitée, afin d’adapter le programme et faire en sorte que le maximum de fournitures prévues puissent arriver au peuple irakien, en dépit des nouvelles circonstances.
Nous ne saurons pas avec certitude quelles fournitures pourront être livrées durant la période des 45 jours stipulée dans la résolution avant d’avoir contacté les fournisseurs et connaître la destination des fournitures, leur disponibilité éventuelle, la date et le lieu de leur arrivée éventuelle en Irak, et avec quels coûts supplémentaires. M. Sevan est ici pour répondre aux questions plus détaillées que vous pourriez avoir.
Maintenant, si ce processus montre qu’une grande quantité de vivres peut vraiment être livrée très rapidement en Irak, le montant que nous demandons aux donateurs pour l’achat de vivres pourra être réduit. Mais même si c’est le cas, cela ne changerait pas grand chose pour les articles autres qu’alimentaires énumérés dans cet appel. Vous avez le texte de l’appel devant les yeux. Par conséquent, je me contenterai d’en souligner très brièvement les principaux aspects.

« 430.000 tonnes de vivres par mois »

Le montant total s’élève à 2 milliards 200 millions de dollars, somme qui selon nos estimations préliminaires sera nécessaire pour aider l’Irak d’ici à la fin du mois d’août. Ce chiffre sera constamment actualisé, compte tenu des incertitudes dont j’ai parlé tout à l’heure.
Ce montant comprend 1 milliard 300 millions de dollars d’aide alimentaire - une somme qui pourrait diminuer, en fonction de la quantité de vivres qui arrivera dans le cadre du programme "pétrole contre nourriture". Notre plan est basé sur le fait que le Programme alimentaire mondial devra, dans ces six mois, prendre en charge l’alimentation de la majorité de la population irakienne, ce qui équivaut à 430.000 tonnes de vivres par mois.
La seconde partie de l’appel couvre les besoins autres qu’alimentaires, dont l’approvisionnement des réfugiés, des personnes déplacées et des autres groupes particulièrement vulnérables, tant à l’intérieur de l’Irak que dans les pays voisins. Parmi les tâches les plus urgentes, il faut :

- fournir de l’eau potable à la population ;

- répondre aux besoins en matière de santé et de nutrition des enfants, des mères qui allaitent, des personnes âgées et des personnes handicapées ;
- fournir des abris ;
- mener des activités de déminage ;
- effectuer les réparations d’urgence sur les infrastructures irakiennes.
Le document indique comment ces tâches seront réparties entre les différentes institutions des Nations Unies, et donc la part de fonds qui reviendra à chacune. Il indique également que les Nations Unies travailleront en partenariat avec la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ainsi qu’avec les organisations non-gouvernementales internationales. Ces organisations ont, bien entendu, elles aussi besoin de fonds et nous espérons qu’il sera également généreusement répondu à leurs appels.

Ne pas oublier les autres peuples

En conclusion, je voudrais faire deux remarques.
La première est que la guerre en Irak ne diminue en rien les souffrances ou les besoins des populations touchées par d’autres situations d’urgence ailleurs dans le monde, et qui, comme le secrétaire général l’a dit au Conseil de sécurité mercredi, suscitent peut-être moins l’intérêt des médias mais sont tout aussi dévastatrices pour les personnes directement touchées. C’est pourquoi, il est fondamental que la réponse à cet appel que nous lançons ce matin (vendredi matin - NDLR), et auquel nous espérons qu’il sera répondu de manière rapide et généreuse, vienne véritablement s’ajouter, et non se retrancher, aux efforts que les donateurs fournissent déjà au secours d’autres victimes.
Ma deuxième remarque vise à rappeler à chacun que si le personnel international des Nations Unies a temporairement été évacué d’Irak, nous disposons toujours de plus de 3.000 personnels locaux dans ce pays. Nos institutions sont restées en contact avec eux et nous indiquent que tous ceux qui le pouvaient ont continué à fournir aide et soutien au peuple irakien.

Pont aérien libyen pour transporter les vivres aux Irakiens
La Libye a décidé d’établir un pont aérien pour acheminer des médicaments, vivres et différentes aides humanitaires au peuple irakien confronté à la guerre que lui a imposée les États-Unis en dehors de la légitimité internationale.
Dans un communiqué rendu public, dimanche à Tripoli, le Comité populaire général libyen (cabinet du Premier ministre) a indiqué que les autorités compétentes libyennes ont engagé des concertations avec des pays limitrophes de l’Irak en vue de permettre l’arrivée de cette aide humanitaire au peuple irakien. Le communiqué souligne qu’« un comité de crise et un poste de commandement ont été mis sur pied pour veiller sur cette opération humanitaire qui s’annonce très délicate et qui pourrait se prolonger sur plusieurs mois compte tenu de l’atrocité des combats et de la résistance héroïque des Irakiens face à la machine de guerre anglo-saxonne ».
Selon le droit international, « Bush et Blair devraient être poursuivis pour crimes de guerre »
Le président américain, George W. Bush, et le Premier ministre britannique, Tony Blair, devraient être poursuivis comme « criminels de guerre à cause de la guerre injuste et barbare qu’ils mènent contre l’Irak, et des crimes atroces » commis contre des civils par les armées d’agression, a déclaré dimanche, l’avocat égyptien, défenseur des droits humains, Mahmoud Kandil.

« Il existe plusieurs motifs légaux en droit international et dans les statuts de la Cour internationale de Justice pour amener Bush et Blair devant la justice internationale », a dit l’avocat. Il a déclaré que les accusations contre les deux dirigeants « n’étaient pas faites sur une base politique ou émotionnelle », et a ajouté que les deux hommes « sont tout autant impliqués dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité que les anciens dirigeants rwandais ou serbes poursuivis devant des tribunaux spéciaux internationaux ».

« Le droit à la vie et à la liberté, ainsi qu’à la sécurité physique inscrit dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, ont été réduit à néant à Bagdad et à Bassora », a accusé le défenseur des droits humains. Toutefois, il a reconnu qu’il sera difficile d’amener Bush et Blair devant la justice internationale « en raison de leur énorme influence au niveau du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a la prérogative d’autoriser les poursuites contre les criminels de guerre ». Me Mahmoud Kandil a expliqué que les États-Unis avaient refusé de participer à la Cour pénale internationale, établie l’année dernière, afin « de rester au-dessus de la loi et d’éviter les poursuites pour des actes criminels ».

Plusieurs professeurs de droit égyptiens ont déclaré qu’il y avait des motifs légaux pour amener le président Bush devant la justice internationale. L"Egyptian Gazette" a annoncé dimanche, que Nabil Helmi, doyen de la Faculté de droit de l’Université de Zagazig, a demandé à l’Irak de « rassembler toutes les preuves et les témoins oculaires pour étayer les accusations contre les armées d’invasion américaine et britannique qui ont commis des crimes contre le peuple irakien ». « Ces preuves permettraient de créer un Tribunal pénal international pour juger Bush et Blair », a dit l’universitaire égyptien. Il a indiqué que les attaques de missiles mercredi sur la TV publique irakienne étaient « une violation flagrante » des Conventions de Genève et également, de la Convention internationale sur les droits politiques et civils (ICCPR), qui « garantit le droit à la liberté d’opinion pour tous ».

Me Kandil a déclaré que « le problème est que l’administration américaine n’invoque le droit humanitaire international que lorsqu’il sert ses intérêts ». Il a accusé Washington « de maltraiter de supposés combattants Talibans capturés en Afghanistan et de les priver, de façon arbitraire, du statut de prisonniers de guerre et de vouloir que l’Irak se conforme à la même Convention de Genève qu’ils (les États-Unis) ont ignorée ».
Les ministres africains réclament le respect des droits humains
L’Afrique a souligné de nouveau sa grave préoccupation au sujet des violations des droits de l’homme découlant de la guerre en Irak. La réunion ministérielle sur le projet de protocole de l’Union africaine relatif aux droits des femmes qui s’est achevée ce week-end à Addis Abeba, a appelé les belligérants en Irak à respecter et à protéger les droits de la population civile.

Dans une déclaration faite sur la situation dans le Golfe, les ministres ont exprimé leur solidarité avec les femmes irakiennes et demandé le respect et la protection totale de leurs droits. Les ministres ont également exhorté la communauté internationale à apporter d’urgence, l’aide humanitaire nécessaire au peuple irakien.

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