Irak

Les peuples réaffirment leur attachement à la paix

Nouvelle journée de mobilisation et nouvelle initiative de l’Allemagne, de la France et de la Russie pour une solution diplomatique à la crise

17 mars 2003

Un mois après les marches pour la paix, de nombreuses manifestations contre la guerre ont eu lieu samedi dernier sur tous les continents. Elles ont réuni plus d’un million de personnes.

Les Australiens et les Néo-zélandais ont été les premiers à marcher, suivis par quelque 10.000 Japonais à Tokyo. 5.500 personnes se sont rassemblées à Naha, où est basé le gros des forces d’occupation américaines du pays. Plus de 5.000 personnes ont participé à une marche de protestation à Calcutta en Inde. 2.000 Coréens à Séoul et 1.000 Thaïlandais à Bangkok ont apporté la contribution de l’Asie à la paix dans le monde.

C’est en Italie, à Milan que s’est tenue la marche la plus importante de la journée. Le mois dernier, c’était déjà le cas à Rome. Samedi, dans la capitale de la Lombardie, plus de 700.000 personnes ont défilé dans les rues de la ville. Un nouveau désaveu pour le gouvernement conservateur de Silvio Berlusconi.

Même désaveu pour José Maria Aznar en Espagne. Entre 150.000 et 300.000 personnes ont marché pour la paix dans plusieurs villes importantes du pays. Dans le centre de Londres, plusieurs centaines de musulmans britanniques ont manifesté, appelant les pays islamiques à ne pas soutenir une guerre dirigée par les Etats-Unis contre l’Irak. Dans une autre manifestation, des membres de la communauté irakienne de Grande-Bretagne se sont rassemblés devant le Parlement pour soutenir une guerre.

À Paris, le cortège a rassemblé quelque 55.000 personnes, selon la police. Dans les slogans, le « non à la guerre » des manifestants était souvent décliné en anglais, parfois en dessins. Aux côtés des slogans plus classiques (« Non, non non ! Pas en notre nom ! Le monde entier dit non à la guerre »), l’Union des jeunes vietnamiens de France avait décidé d’adresser trois mots directement aux Etats-Unis : « US stay home » (Américains restez chez vous). Plus loin, c’était un autre symbole américain, Rambo, qui était visé, son effigie barrée d’un "veto" rouge très lisible. « Drop Bush, not bombs » (jetez Bush, pas des bombes) accompagnait sur une banderole des bâtons de dynamites dessinés façon BD. Un groupe "Americans against war" s’affichait « citoyens des Etats-Unis contre la politique belliciste du gouvernement américain ». Plusieurs associations chrétiennes, comme la CIMADE ou le Secours catholique, étaient rassemblées sous une banderole « les chrétiens disent non à la guerre ». D’autres marches ont eu lieu dans les grandes villes françaises.

À Bruxelles, capitale de la Belgique et siège de l’OTAN, environ 40.000 personnes ont marché en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Paix » et « Pas de guerre ». À Francfort, plus d’un millier de personnes ont manifesté devant une base aérienne américaine. Les manifestants ont bloqué l’entrée de la base pendant plusieurs heures, empêchant les véhicules d’entrer et de sortir des bâtiments. À Nuremberg, quelque 4.000 manifestants ont formé une chaîne humaine autour de la vieille ville, selon la police.

En Grèce, des milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes, dont Salonique. À Athènes, plus de 10.000 personnes se sont rendues jusqu’à l’ambassade américaine.
À Moscou, plus d’un millier de personnes ont manifesté devant l’ambassade des Etats-Unis. Une manifestation semblable a rassemblé quelques centaines de personnes devant le ministère des Affaires étrangères.

Dans le Sud-Est de la Turquie, dans la région que Washington souhaite transformer en base arrière pour un "deuxième front" contre l’Irak. Plusieurs milliers de personnes ont marché pour a paix. À Iskenderun 7.500 personnes ont marché pour refuser que leur pays devienne une grande base d’agression. Les marcheurs ont défilé à quelque kilomètres d’un port où l’armée américaine a déchargé de l’équipement. Au Brésil, plus de 50.000 personnes ont manifesté à Sao Paulo. Des milliers de marcheurs ont également défilé aux États-Unis, notamment à Washington, Los Angeles et San Francisco.

Des manifestations ont également eu lieu aux Philippines, à Nicosie, à Bucarest, à Hong Kong, au Caire, à Sanaa et à Bagdad où des centaines de milliers de personnes ont manifesté dans les rues de la capitale irakienne (voir encadré).

Des centaines de milliers d’Irakiens marchent pour la paix
Le peuple irakien est le premier concerné par les menaces américaines d’écraser le pays sous un tapis de bombes pour le piller de ses richesses naturelles. Il s’est mobilisé samedi, c’est à Bagdad qu’a eu lieu une des plus importantes marche de la journée. Des centaines de milliers d’habitants de Bagdad ont marché pour la paix dans les rues de la capitale irakienne. Les manifestants ont notamment dit : « Non aux USA, oui à la paix ». Sur la rue Palestine, une grande artère dans l’Est de Bagdad, on dansait au son des tambours et des trompettes. « Nous manifestons contre le gouvernement américain et ses projets contre l’Irak », a confié Sadi Salman, un étudiant en ingénierie âgé de 23 ans. « Nous voulons leur adresser un message clair selon lequel tout le peuple irakien refuse la guerre contre lui et nous allons les défier par tous les moyens à notre disposition. Des manifestations dans le monde entier nous soutiennent ».
Allemagne, France et Russie : un appel pour la paix
Parallèlement aux grandes marches pour la paix de samedi, une nouvelle initiative a été lancée par la France, la Russie et l’Allemagne pour sortir le monde de la crise provoquée par le gouvernement américain. Elle propose un désarmement de l’Irak sans usage de la force. Les trois pays ont rendu public samedi « un appel solennel » commun, dans des déclarations qui ont été publiées simultanément.

La France, la Russie et l’Allemagne ont réaffirmé samedi soir dans une déclaration commune relative à la crise irakienne que « rien ne justifie dans les circonstances présentes de renoncer au processus d’inspection ni de recourir à la force ». Notant que « l’usage de la force ne peut être qu’un dernier recours », les trois membres du Conseil de sécurité de l’ONU appellent « solennellement l’ensemble des membres du Conseil à tout mettre en oeuvre pour que prévale la voie pacifique ». Les trois ays rappellent que cette voie a été « retenue en priorité par le Conseil de sécurité et soutenue par l’immense majorité de la communauté internationale ». Alors que le programme de travail de la COCOVINU doit être transmis aujourd’hui au Conseil de sécurité, la déclaration tripartite propose que, sur cette base, « le Conseil se réunisse immédiatement après, au niveau ministériel, pour approuver les tâches prioritaires de désarmement et arrêter un calendrier de mise en oeuvre à la fois exigeant et réaliste ». Pour les trois pays, les rapports successifs de Hans Blix et Mohamed El-Baradei au Conseil de sécurité « ont montré que ces inspections produisent des résultats » et que « le désarmement de l’Irak est engagé ». De fait, « tout indique qu’il peut être mené à son terme dans des délais rapides et en respectant les règles que le Conseil de sécurité a fixées », l’Irak devant dans le même temps « coopérer activement en sans réserve ».
« La France, la Russie, l’Allemagne, soutenues par la Chine, ont présenté des propositions en vue d’atteindre cet objectif par la hiérarchisation des tâches-clés de désarmement et la fixation d’un calendrier resserré », poursuivent les trois capitales. « C’est sur la base de ces efforts que l’unité du Conseil de sécurité peut être préservée dans le respect des principes fixés par la résolution 1441. Une responsabilité particulière incombe à chaque membre du Conseil de sécurité pour éviter sa division à ce moment crucial ». Interrogé samedi soir sur France 2, le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, a renforcé le sentiment que le sommet des Açores pouvait être le prélude à une guerre contre l’Irak (voir encadré) : « je crois que pour les Américains ça se compte en jours ». Évoquant la proposition de calendrier de désarmement contenue dans la "déclaration tripartite", selon ses termes, franco-russo-allemande, Dominique de Villepin a affirmé que « la France est prête à un compromis sur un calendrier, sur un calendrier très resserré, mais pas sur l’ultimatum, pas sur un recours automatique à la force ».
Conseil de guerre dans une base militaire au milieu de l’Atlantique Le président américain et les chefs des gouvernements espagnol et britannique devaient se retrouver hier, loin des foules, au milieu de l’Atlantique, dans l’archipel portugais des Açores. George W. Bush, José Maria Aznar et Tony Blair sont les plus fervents partisans de la guerre pour le pétrole. Pour la Maison Blanche, il s’agit de la « dernière étape » du processus diplomatique avant une attaque contre l’Irak. Washington tente ainsi de ménager ses alliés britannique et espagnol confrontés à l’opposition de leur opinion publique au massacre du peuple irakien pour imposer la domination des conservateurs américain sur cette région du monde.
Le sommet devait se tenir dans un véritable bunker : la base militaire de Lajes, surveillée constamment par les forces aériennes portugaises et américaines. L’espace aérien et l’aéroport civil de Terceira, qui jouxte la base, étaient fermés depuis 11 heures hier pendant douze heures à tous les vols.
65 missiles détruits en deux semaines par l’Irak
À la veille des grandes marches pour la paix, et à deux jours du conseil de guerre des Açores, un chiffre intéressant a été publié par l’ONU. Il révèle que 65 de la centaine de missiles Al Samoud 2 recensés ont été détruits depuis le 1er mars. Les inspecteurs ont exigé la destruction de ces engins qui dépasseraient la portée maximale de 150 kilomètres autorisée par l’ONU.

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