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Les principaux éléments du projet de résolution
mardi 8 août 2006
Pour bien comprendre les enjeux, voici les principaux éléments du projet de résolution sur le Proche-Orient présenté samedi par la France au Conseil de sécurité des Nations unies :
L’arrêt des combats : La résolution exige "un arrêt complet des hostilités", le Hezbollah devant cesser toute attaque, et Israël les attaques offensives. Cela n’interdit donc pas à l’armée israélienne de mener des opérations défensives, avec toute la latitude d’interprétation que laisse cette notion.
- Le Liban s’oppose à cette formulation car la résolution ne mentionne pas de calendrier de retrait des milliers de soldats israéliens du Sud Liban, secteur contrôlé par le Hezbollah depuis plusieurs années.
Les conditions pour la paix : Le document détaille les étapes que doivent suivre les 2 camps pour aboutir à une paix durable, ouvrant la voie à une deuxième résolution, une semaine ou deux après, qui autorise le déploiement d’une force militaire internationale à la frontière libano-israélienne.
- Est incluse la mise en place d’une large zone tampon dans le Sud du Liban, sans troupes israéliennes ni combattants du Hezbollah, sous surveillance de l’armée libanaise et de Casques bleus.
- Le Hezbollah doit rendre les armes, et les frontières du Liban doivent être délimitées, particulièrement en ce qui concerne le secteur des fermes de Chebaa occupé par Israël depuis 1967.
- Un embargo sur les armes permettra au gouvernement libanais seul de se fournir à l’étranger, afin d’empêcher le Hezbollah de recevoir des armes d’Iran et de Syrie, considérés comme les principaux soutiens des milices.
Ce qui manque : La résolution laisse de côté plusieurs exigences libanaises : un calendrier de retrait israélien du Liban Sud, un appel à la cessation de toute attaque israélienne (pas seulement les opérations offensives) ; le transfert des fermes de Chebaa sous contrôle de l’ONU ; la levée du blocus imposé par Israël depuis le début des combats.
- Le projet demande la "libération inconditionnelle" des 2 soldats israéliens capturés par le Hezbollah, mais se contente d’encourager les efforts "visant à régler la question" des prisonniers libanais détenus par l’État hébreu, alors que Beyrouth voulait leur libération ou un échange de prisonniers sous l’égide de l’ONU.
La suite : Le Conseil de sécurité dans son entier va négocier les détails du projet de résolution, puis les chefs de la diplomatie des 15 pays membres du Conseil se réuniront à New York pour approuver le texte.
- Le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan dispose d’une semaine pour rendre compte au Conseil de la mise en œuvre de la résolution.
- Kofi Annan dispose ensuite d’un mois pour rendre compte des efforts destinés à obtenir un accord entre Israël et le Liban sur les conditions d’une paix durable. Puis le Conseil approuvera le déploiement d’une importante force internationale de maintien de la paix dans le Sud du Liban afin d’aider le gouvernement libanais à prendre le contrôle de cette région.
(Sources : “Nouvel Observateur”)
Réactions
Du côté israélien, aucune déclaration officielle au refus libanais de valider la proposition de résolution des Nations unies. Par contre, plusieurs dirigeants arabes ont apporté leur soutien à la position libanaise.
o Le soutien iranien
Le Ministre des Affaires étrangères iranien Manouchehr Mottaki a jugé que le projet de résolution de l’ONU visant à régler le conflit entre Israël et le Hezbollah était une "opération politique contre le Liban (qui) a été transformée, sous l’influence américaine, en texte partial", en ouvrant un séminaire consacré au conflit, à Téhéran.
Le Ministre a également attaqué Israël, jugeant qu’"aussi long longtemps que ce régime existe, et n’est pas engagé à observer toute loi et est soutenu par les puissances occidentales, la région et le monde ne connaîtront pas la paix".
"Notre position sur le Liban est claire, a indiqué le Ministre, nous soutenons ce qui satisfait tous les groupes libanais et les corrections que les Libanais veulent voir porter au projet de résolution".
Manouchehr Mottaki a aussi répété l’appel de l’Iran à créer une "commission d’enquête internationale sur les crimes (d’Israël - NDLR) et à la livraison de leurs responsables à un tribunal pour crimes de guerre".
Projet "injuste"
Dimanche déjà, l’Iran, par la voix de son Secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, Ali Larijani, a jugé le projet de résolution "injuste" et ne pouvant pas résoudre la crise au Liban. Selon Ali Larijani, ce projet "injuste" favorise la partie israélienne, aux dépens du parti chiite libanais.
"Par exemple, il appelle à la libération immédiate de tous les prisonniers israéliens, mais dit que les prisonniers libanais seront libérés à l’issue de négociations sous la supervision des Nations unies", a dit le responsable iranien.
Le Liban veut que le projet de résolution de l’ONU spécifie un retrait israélien au-delà de la frontière libano-israélienne.
L’Iran est le plus fervent soutien du Hezbollah.
Les Occidentaux l’accusent de financer et d’armer le parti chiite libanais, ce que Téhéran a toujours démenti.
o Le soutien syrien...
Le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem a prévenu dimanche 6 août Israël que Damas répondra "immédiatement à toute agression" venant d’Israël. Il a en outre affirmé que la Syrie était prête à faire face à une guerre régionale.
"Bienvenue à la guerre régionale", a lancé le Ministre syrien des Affaires étrangères en réponse à une question d’un journaliste sur les risques d’embrasement dans le Proche-Orient.
"Le Hezbollah a mis fin à la thèse du déséquilibre des forces en faveur d’Israël. La Syrie a commencé à se préparer et nous répondrons immédiatement à toute agression" venant d’Israël, a-t-il ajouté, en présence de son homologue libanais Fawzi Salloukh.
... au Hezbollah
Walid Mouallem a assuré qu’il était venu "pour se mettre à la disposition du (chef du Hezbollah) Hassan Nasrallah et pour défendre le Liban".
"Nasrallah et la Résistance libanaise défendent le Liban et la dignité de la Nation arabe. Nous saluons le Liban et sa résistance à tous les projets qu’on tente de lui imposer par le biais du Conseil de sécurité par des résolutions qui ne reflètent pas la réalité de la victoire militaire libanaise sur l’armée israélienne", a-t-il souligné.
"Le projet franco-américain est totalement en faveur d’Israël", a-t-il insisté, faisant allusion au texte présenté par les 2 pays au Conseil de sécurité de l’ONU pour mettre fin au conflit qui a commencé le 12 juillet.
Ce qu’en dit la presse...
o “L’humanité”
Pas d’accord à tout prix
"La diplomatie française a eu jusqu’alors une cohérence certaine. Il serait dangereux qu’elle s’en départisse au profit d’une illusoire sortie de crise, permettant, de fait, aux États-Unis d’"espérer" la fin des violences à Pâques, à la Trinité ou aux Calendes grecques, et donnant le temps à Israël de "finir le job" : la destruction du Liban. Ce serait évidemment dramatique pour un pays déjà martyrisé et qui se sent abandonné par la communauté des nations. Ce serait discréditer la France dans tout le Moyen-Orient où sa politique, jusqu’alors, a été comprise. La France ne peut s’enfermer dans la recherche avec les seuls États-Unis d’un accord à tout prix, au risque d’un accord à n’importe quel prix".
Maurice Ulrich
o “La Croix”
Un petit pas vers la paix, mais d’autres sont nécessaires
"Le petit pas diplomatique amorcé samedi n’est donc guère assuré. Il demandera encore bien des négociations. Cette maturation est nécessaire : un texte international n’a de chances d’aboutir que s’il conforte ou stimule un cheminement politique des belligérants, le Hezbollah et Israël. Et du Liban lui-même, qui, dans la guerre comme dans la recherche de la paix, doit pouvoir décider de son destin. Or, pendant les discussions, les violences continuent. Avant tout arrêt éventuel des combats, chacun veut marquer des points et affirmer qu’il était sur le point de remporter la victoire. Le nombre des victimes croît jour après jour, creusant des haines profondes et longues à guérir, bien plus longues que le temps nécessaire au déclenchement d’une guerre, bien plus longues que le temps nécessaire à la diplomatie. Même les tout petits pas doivent être franchis sans attendre".
Dominique Quinio
o “Ouest France”
Le piège
"Rendre sa souveraineté au Liban est nécessaire, mais lui donner les moyens de sa souveraineté est tout aussi indispensable. L’armée libanaise en aura-t-elle jamais un jour les moyens ? La Syrie peut-elle, en échange de la garantie de la survie de son régime, mettre fin à sa politique d’ingérence dans les affaires libanaises ? Et si, pour affaiblir le Hezbollah militairement, Israël continue de le renforcer politiquement, l’État hébreu tombe dans le piège que lui tend son adversaire".
Dominique Moïsi
o “Le télégramme”
Les risques des manœuvres de la France avec l’Iran
"Très conscient de la menace iranienne, le Président Chirac a œuvré - avec succès, semble-t-il aujourd’hui, auprès des Américains - pour un cessez-le-feu, un accord politique et l’envoi d’une force multinationale. La mise en musique par le Ministre des Affaires étrangères n’a, hélas, pas été si cohérente. Il y a quelques semaines, Philippe Douste-Blazy pointait la volonté de puissance nucléaire de l’Iran. Il y a quelques jours, il présentait ce grand pays comme un pôle "d’équilibre". Hier, dans le “Journal du Dimanche”, il rectifiait à nouveau : "L’Iran doit œuvrer à la stabilisation de la région". Autrement dit : flattons Ahmadinejad comme nous avons flatté le Russe Poutine. Certes, il n’est pas interdit d’être habile. Mais n’oublions pas que, tels les footballeurs italiens qui avaient médité de pousser Zidane à la faute, ces rusés stratèges islamistes méditent depuis longtemps de ruiner l’image d’Israël et de provoquer une nouvelle poussée mondiale d’antisémitisme".
Christine Clerc
o “La Charente libre”
Un optimisme tempéré par la position libanaise
"Il ne faut ni sous-estimer, ni surévaluer la portée du projet de cessez-le-feu qui a commencé à être discuté par le Conseil de sécurité de l’ONU. Le texte, proposé par la France et auquel les États-Unis ont finalement donné leur accord samedi, constitue en effet le véritable premier pas diplomatique significatif pour tenter de mettre fin à la guerre qui depuis plus de trois semaines a fait plus de mille morts au Liban, mais aussi dans le Nord d’Israël (...). Les autorités libanaises ont une attitude ambiguë. En même temps qu’elles affichent une susceptibilité déplacée à l’idée que la future force internationale puisse faire usage de la force pour faire respecter son mandat, elles redoutent d’avoir, avant l’arrivée de ces mêmes troupes, un rôle bien délicat à jouer : commander à l’armée libanaise de désarmer le Hezbollah. Un désarmement qui lui avait été réclamé par l’ONU. C’était, rappelez-vous, l’objet de la résolution 1559...".
Jacques Guyon