Menaces réelles sur la Syrie

18 avril 2003

« Après l’Irak, la guerre continuera », elle ne s’arrêtera pas là, a écrit, jeudi dernier, Uri Dan, « plume » historique de l’extrême droite israélienne, dans les colonnes du "Jerusalem Post". Selon lui, les organisations extrémistes arabes ne tarderont pas à se réorganiser pour frapper les États-Unis et leurs alliés dans le monde, y compris dans les pays arabes. Contre quel pays s’abattra la foudre des États-Unis ? Après l’Irak, Washington attaquera-t-il la Syrie ? Cette hypothèse demeure certes encore lointaine, mais une guerre de Washington contre Damas n’est pas à exclure. À en croire les analystes interrogés par les télévisions américaines sur l’après-Saddam, la Syrie serait en effet plus dangereuse que l’Iran, pays faisant pourtant partie du fameux « axe du mal » dessiné par George W. Bush (comprenant aussi l’Irak et la Corée du Nord). Car, selon le gouvernement américain, l’Iran traverserait une véritable crise, caractérisée par un conflit interne entre différentes tendances politiques.
De son côté, Israël n’a pas attendu pour mettre la pression sur les États-Unis pour qu’ils agissent contre l’ennemi iranien mais, pour l’heure, Washington ne mobilisera pas ses troupes en direction de l’Iran. L’administration Bush peint la Syrie comme un pays « plus monolithique » que l’Iran et, surtout, comme un pays décidé à s’opposer fermement au contrôle américain sur la région. L’option syrienne serait donc la plus probable. D’autant qu’Israël, le principal allié de Washington au Proche-Orient, verrait d’un très bon œil un bombardement de Damas, dont le gouvernement ne veut pas renoncer à la souveraineté syrienne sur le plateau du Golan, reconnue et sanctionnée par des résolutions internationales et qui, depuis trente-six ans, est occupé par les troupes et les colons israéliens.
Or, ces dernières semaines, les États-Unis n’ont pas manqué une occasion pour lancer des accusations contre la Syrie. D’abord, le secrétaire d’État à la défense, Donald Rumsfeld, puis le vice-président, Dick Cheney, ont mis en garde Damas, allant jusqu’à pointer ouvertement le doigt sur le gouvernement syrien pour avoir offert une protection aux membres du régime irakien ayant fui Bagdad. « Il est temps d’abattre les autres maîtres de la terreur », a écrit à ce propos Michael Leeden, de l’American entreprise institute, centre d’études sis à Washington, dans un article-déclaration de guerre intitulé "Et maintenant c’est le tour de la Syrie et de l’Iran". Michael Leeden soutient qu’il faut frapper immédiatement, car la Syrie est pour l’heure isolée et elle ne pourra résister, seule, contre l’avènement de ce qu’il définit comme la « révolution démocratique » qui a déjà « bouleversé Kaboul et Bagdad ».
Il faut alors lire à la lumière de ces déclarations le fait que les forces armées américaines se sont battues pour prendre le contrôle de Al-Qaim, une petite ville de l’Irak, à 400 kilomètres à l’Ouest de Bagdad, située à la frontière avec la Syrie, c’est-à-dire dans une position stratégiquement très importante.
Quelle sera la prochaine étape ?

Les militaires américains accusés de soutenir les pillages
Un journaliste du "Financial Times" a écrit que les Américains ont provoqué les pillages à Najaf. Et ils ont fait la même chose, le lendemain, à Bassorah, la deuxième ville d’Irak. À Bagdad, des hôpitaux, des bâtiments publics, des maisons privées ont été pillées, mais le ministère du Pétrole, lui, était bien gardé par des soldats américains. Quatre médecins belges à Bagdad ont vécu ces événements de près. Ils livrent leur témoignage dans les colonnes de notre confrère "Solidaire".

Les États-Unis ont dû attendre treize ans pour voir leurs troupes d’occupation entrer dans Bagdad : après la guerre de 1991, il y a eu treize années meurtrières d’embargo, puis trois semaines de guerre barbare, avec des bombardements jour et nuit, la destruction de stations d’épuration et de centrales électriques et la terreur dans les territoires occupés. Mais pour les dirigeants américains, ce n’était pas encore suffisant : il fallait des pillages. Il fallait conduire le chaos et l’anarchie à son paroxysme pour que l’appel au rétablissement de l’ordre par les Américains se fasse entendre partout. Il fallait que la population, au lieu de résister à l’occupant, invoque son aide. Dans les manuels, cela s’appelle la guerre psychologique.
Les pillages ont commencé à Najaf, au Sud de Bagdad. Un journaliste du "Financial Times" relate que le commandement militaire américain a amené une milice de l’opposition irakienne à Najaf, l’Iraqi Coordination for National Unity, pour y organiser les pillages, alors que la majorité de la population s’y opposait. Abu Zeinab, un habitant de Najaf, expliquait au "Financial Times" : « Ces gens pillent et volent. Ils nous menacent en disant : Vous ne pouvez rien faire contre nous. Les Américains nous protègent ».

À Bassorah, deuxième ville du pays, les Américains ont provoqué et encouragé les pillages en ouvrant les locaux où étaient entreposés les stocks de riz et de farine. Tout le monde pouvait se servir gratuitement avait annoncé la direction de l’armée. « Ce qui a suivi, c’était des dizaines de répétitions de la prise de la Bastille », écrit un correspondant du journal néerlandais "NRC-Handelsblad". Ce qui a abouti à des pillages dans toute la ville pendant des jours entiers. Les docteurs Geert Van Moorter, Harrie Dewitte, Colette Moulaert et Claire Geraets racontent qu’ils ont vécu des scènes hallucinantes à Bagdad. Ils ont vu des pillages partout. Les pillards s’attaquaient indifféremment aux bâtiments officiels et aux habitations privées. Gazwan, un ami irakien des médecins belges, se demandait : « Pourquoi piller des bâtiments gouvernementaux ? Ils servent à gérer le pays ! Et tout cela se déroule sous les yeux des Américains ! ». Lorsque Geert Van Moorter a interpellé un GI américain en disant « Vous laissez détruire en un jour ce qui a été construit en trente ans », celui-ci a répondu : Nous assumons des tâches militaires et n’avons pas à remplir des devoirs de police. Personne n’est parfait ! ». Les médecins belges ont visité trois hôpitaux, ou ce qu’il en reste. L’hôpital Yarmouk, où Geert et Colette se sont rendus à plusieurs reprises, est entièrement pillé. « Des gens ont vidé une benne à ordures pour la remplir de meubles d’hôpital », raconte Geert. « Les médicaments étaient éparpillés sur le sol et piétinés. Dans le Fertility Center, nous avons vu des jeunes jouer avec des instruments d’échographie et des appareils Doppler. Les locaux de l’UNICEF situés à quelques centaines de mètres de notre hôtel ont été pillés eux aussi. Tout comme le National Health Laboratory ».

Les médecins, infirmières et infirmiers sont au désespoir : il ne leur reste presque rien pour soigner les malades et les blessés.


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