Elias Sanbar. Palestine-Israel : le piège du diktat américain - 1 -

Objectif de la Maison-Blanche : « permettre à Israël de continuer la colonisation »

13 janvier 2009

Françoise Germain-Robin, journaliste à ’l’Humanité’, a rencontré Elias Sanbar, écrivain et représentant de la Palestine à l’UNESCO. Dans un entretien publié le 18 décembre dernier, il expose un point de vue sur les tenants et les aboutissants de la guerre déclenchée une semaine plus tard à Gaza. Il revient tout d’abord sur les raisons qui expliquent pourquoi les Palestiniens ont choisi d’élire démocratiquement le Hamas pour diriger les affaires de leurs pays. Et force est de constater que les dirigeants occidentaux ont contribué à la victoire de ce parti.

Un an après la conférence d’Anapolis, le Conseil de sécurité de l’ONU vient de réitérer l’engagement pris par le président des États-Unis de la création d’un État palestinien, en repoussant l’échéance. Quel crédit apporter à cette nouvelle promesse, quand on voit le résultat catastrophique d’Anapolis : depuis un an, tout sur le terrain va à contresens du chemin de la paix ?
- Elias Sanbar. C’est vrai, la situation s’est aggravée car Anapolis n’a pas empêché le développement de la colonisation et de mesures spécifiques à Jérusalem. Anapolis était d’avance un projet mort-né. Peu auparavant, Bush, dans la conférence de presse la plus brève de l’histoire, avait fixé les règles en deux choses dites et une omission. La première chose dite, c’est le refus net d’une solution à la question des réfugiés. La seconde, c’est que les « nouvelles réalités de terrain empêchent le retour aux lignes de cessez-le-feu de 1949 ». C’est là qu’il y a eu brouillage : il a dit 1949 alors que tout le monde parle de 1967.
En fait, c’est la même chose, c’est la ligne verte. Cela voulait dire clairement qu’il n’y aurait pas d’application des résolutions 242 et 338 de l’ONU, pas de retrait sur la ligne de 1967. Que les « nouvelles réalités », c’est-à-dire les colonies, sont là pour toujours. La troisième chose, l’omission, c’est qu’il n’y a pas eu un seul mot sur Jérusalem, comme si la question était déjà réglée. Après cela, il ne restait pas grand-chose à négocier.

Que restait-il ?
- Deux choses importantes aux yeux des Américains : ne laisser personne entrer dans le jeu (ni l’Union européenne, ni la Russie, ni l’ONU) et permettre le développement de faits accomplis sur le terrain en multipliant les effets d’annonce. Toute la négociation menée sous l’égide des Américains ces trois dernières années avait ce seul objectif : garder la mainmise totale sur le processus pour permettre à Israël de continuer la colonisation. Tout était bloqué, sauf cela : l’extension des colonies et la construction du mur.

Pourquoi les Palestiniens ont-ils accepté de jouer ce jeu ?
- C’est une question légitime. Je dirais : par faiblesse profonde. Il n’y avait aucun moyen de contrer le diktat américain. Il ne fallait pas apparaître comme celui qui ne voulait pas la paix. C’est un jeu pervers : on peut venir et tout saboter, mais ne pas venir, c’est être celui qui refuse la paix qu’on lui propose. Il faut ajouter à cette faiblesse une dose d’illusion : on espérait que les Américains pouvaient obtenir quelque chose des Israéliens. Il y a un autre élément, interne celui-là : quand vous avez négocié pendant trois ans en n’osant pas dire à votre opinion publique que ça ne donne rien, c’est difficile de venir dire au bout du compte : “On s’est fait avoir pendant trois ans”. Car alors, c’est le Hamas qui marque des points, lui qui a toujours dénoncé le processus de paix. L’Autorité palestinienne a été prise dans cet étau en permanence.

Cela, me semble-t-il, dure depuis plus de trois ans. C’est la raison pour laquelle le Fatah a perdu les élections de 2006 : le processus de paix n’avait pas donné de résultats.
- Ce n’est pas la principale raison. Les gens ont voté par rapport à trois choses : la première, c’est l’insécurité. Dans une société occupée, on peut à la rigueur admettre la violence contre l’occupant, pas la violence intérieure. Ce qui relève du pénal apparaît comme inqualifiable : les vols, les enlèvements, les bandes armées, le clientélisme. Deuxième raison : ce qui apparaissait comme l’accaparement du pouvoir par le Fatah et son manque d’unité.

Et la corruption ?
- Aussi, mais cela a été considérablement monté par les médias. Il y en a eu, je ne le nie pas, mais pas autant qu’on l’a dit. L’Union européenne a fait une grande enquête dont elle n’a pas eu le courage de publier les résultats. Il en ressortait que de tous les pays aidés la Palestine était celui où le pourcentage de détournement était le plus faible. Une enquête de la Banque mondiale a abouti aux mêmes conclusions.

(à suivre)


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