Lexique de la guerre en Libye — 2 —

Quand les forces d’agression s’autoproclament « les alliés » au service d’une « communauté internationale »

29 juillet 2011

Dans notre édition d’hier, nous avions commencé à reproduire un article d’Acrimed (www.acrimed.org) relatif au lexique employé par les médias pour décrire la situation politique en Libye. Après la transformation de la « guerre » en « riposte », voici que les forces d’agression deviennent des « alliés » agissant pour le compte de la « Communauté internationale ».

« Les alliés »
- Se dit, sans autre précision, des États engagés dans la guerre qui ne dit pas ou fort peu son nom. Ceux-ci peuvent être affublés de plusieurs autres désignations : « la coalition », « le front anti-Kadhafi », voire « les Occidentaux » (par un lapsus fort peu diplomatique envers ceux qui ne le sont pas)… Mais « alliés » est l’un des termes les plus souvent employés, et l’un des plus significatifs :
« Libye : les alliés mettent au point leur dispositif militaire » (titre d’un article du “Figaro”, 18 mars) ; « Libye : les alliés verrouillent le ciel » (titre d’un article du “Midi-Libre”, 21 mars) ; « La route d’Ajdabiah en partie rouverte par les alliés  » (site de “L’Express”, 20 mars) ; etc.
« Les alliés ». Lors de l’invasion de l’Irak déjà, l’attelage américano-britannique (flanqué de quelques troupes auxiliaires, mais privé de “la France”), avait, comme nous le relevions alors (1), bénéficié de cette appellation. Elle vaut soutien à la guerre en cours : un soutien qui relèverait du débat public, s’il s’assumait comme tel au lieu de s’abriter derrière une référence historique qui renvoie à l’un des deux camps en présence lors de la Deuxième Guerre mondiale. Chacun avouera que la comparaison est des plus osées, pour ne pas dire hasardeuse, quelle que soit l’ampleur des crimes commis par le régime libyen. Rien ne nous garantit, devant l’abondance de la référence aux “Alliés”, que Kadhafi ne nous sera pas présenté demain comme le nouvel Hitler. Ou, pour être plus exact, comme le nouveau nouveau nouvel Hitler. Contre lequel la mobilisation armée de la « communauté internationale » ne peut être contestée.

« Communauté internationale »
- Se dit, indifféremment, des membres du Conseil de Sécurité qui ont adopté la résolution, de ceux qui la soutiennent et de ceux qui, en s’abstenant, l’ont réprouvé. Cette expression semble désormais moins utilisée que lors de l’euphorie des premiers jours :
«  La communauté internationale montre sa solidarité avec le printemps arabe » (site de “La Croix”, 20 mars) ; « Kadhafi menace la communauté internationale  » (titre tout en nuance d’une dépêche publiée sur le site du “Point” le 19 mars) ; « Dossier Libye : la communauté internationale décide d’intervenir » (site de “Marianne”, 19 mars) ; etc.
Ce disant — comme nous l’avions déjà fait remarquer dans un article précédent (2) —, les médias ont pendant quelques jours oublié « de rappeler que quelques pays mineurs, périphériques et peu influents, n’ont pas voté la résolution de l’ONU, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Allemagne… ». On a semblé davantage s’intéresser aux quatre avions (de fabrication française) gracieusement mis à disposition par ce géant qu’est le Qatar qu’aux réactions des gouvernements de pays qui représentent plus de la moitié de l’humanité… Plutôt que de s’efforcer d’informer pour les comprendre, quitte, ensuite, à les soutenir ou les désavouer, l’on n’a guère épilogué sur les raisons pour lesquelles ils n’étaient pas convaincus de cette guerre. Ou plutôt, de ces « frappes ».

(A suivre)

Julien Salingue (avec Henri Maler)

(1) http://www.acrimed.org/article992.html
(2) http://www.acrimed.org/article3558.html

Libye

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