Égypte : les enseignements d’une révolution

Qui a parlé d’un coup de force contre la démocratie ?

16 février 2011, par Manuel Marchal

En Égypte, la rue a réussi à faire tomber un régime. Pourtant, avant ces manifestations, rares étaient les protestations remettant en cause le résultat des élections qui avaient maintenu Hosni Moubarak au pouvoir.

Jusqu’à vendredi dernier, Hosni Moubarak était le président de l’Égypte. Selon la Constitution de l’Égypte, le président était élu au suffrage universel, tout comme le Parlement.
Le déroulement des élections ressemblait fortement à celui qui prévalait à La Réunion à l’époque de la répression : bourrage des urnes et résultats connus d’avance.
Cela n’empêchait pas le gouvernement français de poursuivre des relations suivies avec le pouvoir égyptien. On ne compte plus les visites ministérielles en Égypte depuis 2007. Quant à Hosni Moubarak, il a été reçu dès août 2007 par Nicolas Sarkozy à l’Élysée. Quelques mois plus tard en Égypte, le président de la République a souligné que « l’Égypte est, pour la France, un partenaire essentiel, et le Président Moubarak est, pour nous, un ami ».
Cette amitié sera marquée par un silence de Nicolas Sarkozy sur les conditions des élections. Qui ne dit mot consent, et donc considère que le pouvoir égyptien reposait sur une assise démocratique.
Lorsque, le mois dernier, le peuple égyptien commence à manifester en masse sa volonté de changer le pouvoir, Paris appelle au respect des libertés démocratiques aux côtés de Londres et Berlin. Vendredi dernier, c’est la rue qui fait tomber un régime.
Ce mouvement allait illustrer un changement complet de la position de nombreux gouvernements. Car, dans les faits, c’est bien un président élu et reconnu par la communauté internationale qui a été renversé par des manifestations, pas par une élection. En Occident, aucun gouvernement n’a condamné ce changement de régime par la rue, et tous soutiennent le résultat de l’expression populaire.
Voilà qui démontre que la démocratie exportée par l’Occident dans les pays en voie de développement est loin de correspondre à une démocratie réelle. L’absence de condamnation des fraudes électorales, tout comme le soutien à un mouvement populaire qui renverse un gouvernement sont là pour le rappeler.

M.M.


Fraudes électorales : où était la condamnation de Paris ?

Voici une dépêche de l’AFP décrivant le déroulement des élections législatives de novembre dernier en Égypte. Extraits :
« La presse et des observateurs indépendants ont fait état lundi de très nombreux cas de fraude et violences en tous genres lors du premier tour.
Le quotidien indépendant “Chourouq” citait largement le témoignage d’un juge de la région de Guizeh, près du Caire, affirmant avoir vu des officiers de police remplir eux-mêmes les urnes.
Plusieurs journaux et des observateurs ont fait état de deux à quatre morts dans des affrontements entre militants, ou provoqués par des hommes de main recrutés par des candidats, une pratique fréquente en Égypte. (…)
Le ministre de l’Information, Anas el-Fekki, s’est en revanche félicité dans un communiqué du "haut degré de transparence" du scrutin. Il a assuré que les incidents, "limités", n’avaient "pas affecté la conduite générale et l’intégrité de l’élection".
La police a confirmé qu’un homme était mort dans le Sinaï (Nord-Est), tué par balle dans un bureau de vote par des inconnus, mais assuré que les autres morts rapportées n’étaient pas liées au scrutin.
Sans surprise, le parti du Président Moubarak est donné à l’avance largement gagnant de cette élection.
Avant même les premiers résultats, le journal gouvernemental “Al-Ahram” annonçait lundi que "le PND devance les autres" et “Al-Dostour” (indépendant) assurait que tous les ministres qui se sont présentés seront élus ».
Les États-Unis sont sortis de leur réserve et ont critiqué le déroulement du scrutin organisé par leur allié. Le Ministère US des Affaires étrangères a été jusqu’à déclarer que « ces irrégularités mettent en cause la justice et la transparence du processus électoral ».

Washington lançait là un sévère avertissement. Mais en Europe, et particulièrement en France, silence assourdissant.

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