Renforcement de la mobilisation pour la paix aux États-Unis

La population américaine de plus en plus inquiète

2 avril 2003

Les listes des soldats américains tués ou manquants s’allongent de jour en jour. Et, en même temps, aux Etats-Unis, l’inquiétude et la résistance à la guerre gagnent en ampleur.

Madame Fisher a 41 ans. Elle vit et travaille à Columbus (Ohio). Son fils a 17 ans. « J’en deviens folle », dit-elle au "New York Times". « Qu’est-ce que nos jeunes ne doivent pas subir tous, là-bas ? Je pensais que nos troupes allaient entrer là-bas, puis, boum-boum-boum, et revenir aussitôt. Mais, maintenant, j’ai l’impression que notre gouvernement ne contrôle plus la situation. Ils nous disent que tout va bien, mais qui les croit encore ? Des Américains meurent, des Irakiens meurent. Des enfants irakiens sont tués. C’est une guerre atroce, et je ne sais pas si nos troupes sont capables de l’affronter ».
Rodney Fisher est le beau-frère de Jamaal R. Addison, qui a perdu la vie au deuxième jour de la guerre. Rodney : « De toute façon, j’estimais qu’il n’y avait aucune raison d’aller faire la guerre là-bas », indique-t-il au "Los Angeles Times". « La mort de Jamaal ne m’a pas convaincu du contraire. C’était un brave garçon, il ne méritait pas ça, aucun de nos jeunes ne mérite ça. C’est vraiment injuste ».
Une mère et un père d’un soldat tué ont accusé ouvertement Bush de la mort de leur fils. Un homme s’est suicidé lorsque son fils est parti pour l’Irak. Juste avant, il avait dit : « Je sais très bien ce que mon fils va vivre là-bas car j’ai combattu au Vietnam », rapporte le "New York Times". Tous ces faits ne font que miner le terrain sous les pieds de Bush.
Aux États-Unis, l’inquiétude gagne du terrain, l’opinion finit par se rendre compte vraiment que Bush, Rumsfeld et les généraux leur ont menti. Déjà après une semaine de guerre, le résultat des sondages d’opinion a baissé en flèche. C’est parmi la population noire que la tendance est la plus forte : à peine 33% de la population y soutient encore le président.

De l’argent pour la guerre,mais pas pour l’enseignement

Un bombardier "furtif", quasi indécelable sur radar, coûte 2 milliards de francs. Chaque bombe "intelligente" (ce qui ne les empêche pas de frapper un bus en Syrie ou un village en Iran, comme cela s’est passé le troisième jour de la guerre), coûte 60.000 dollars. Mais, « quand il pleut, l’eau inonde les classes et les couloirs, ici », déclare Sheila Mills Harris, la directrice de la School Without Walls, au "New York Times". L’épouse du président, Laura Bush, a très gentiment honoré l’école d’une visite, mais cela n’a nullement rebouché les trous de la toiture.
Mais ce n’est certes pas l’enseignement qui va empêcher Bush de dormir. Pas plus que les soins de santé. Ou que le chômage et la pauvreté qui augmentent en flèche. Les États qui tentent plus ou moins de réparer les ravages de Bush connaissent une crise budgétaire pire que celle des années 30 ! (Bob Herbert, "Casualties at home", "New York Times", 27 mars 2003). Et cette crise se traduit par de nouvelles restrictions dans l’enseignement.
Le 25 mars, le nouveau budget américain a été approuvé. Les familles aux bas revenus vont encore être plus pauvres et elles auront encore davantage besoin du soutien des autorités. Les règles en matière de soins de santé ont été tellement modifiées qu’il est devenu encore plus malaisé pour les malades et les personnes âgées de faire appel à l’aide familiale ou aux soins à domicile. Des milliards de dollars ont été retirés des programmes de l’aide alimentaire aux plus démunis. Les coupes sombres dans le secteur social sont les pires de l’Histoire des États-Unis. On a même restreint massivement les programmes de solidarité aux anciens combattants et ce, au moment précis où la guerre fait rage !
Sous d’innombrables aspects, la guerre contre l’Irak est également une guerre contre la population même des États-Unis. Soixante mille jeunes Américains ont laissé la vie au Vietnam. N’était-ce donc pas une guerre contre le peuple américain aussi ? En Irak, ce n’est pas différent. Afin de financer cette guerre, c’est le peuple qui doit payer : dans l’enseignement, dans la sécurité sociale, dans les programmes d’emploi.

Résistance, répression, résistance accrue

Bien sûr, tout cela accroît encore une résistance que la police et les autorités essaient de réprimer. Le 8 mars, les écrivains célèbres Alice Walker (La Couleur pourpre) et Maxine Hong Kingston (The Woman Warrior) ont pu admirer la prison de l’intérieur. Arrêtés pour avoir protesté contre la guerre. Le 24 mars, c’était au tour de deux lauréats du prix Nobel de la Paix (Mairead Corrigan Maguire et Jody Williams), de deux évêques (Thomas Gumbleton, de Detroit, et Joseph Prague, de Chicago) et de Daniel Ellsberg, l’homme qui avait fait connaître les "petits papiers" du Pentagone sur la guerre du Vietnam et qui est universellement connu pour son opposition à cette même guerre. Ce jour-là, dans tous les États-Unis, 1.500 personnes ont été arrêtées.
Mais il semble que la répression ne donne pas les résultats escomptés. Dans le week-end qui a suivi le début de la guerre, 250.000 personnes ont manifesté à New York. Dans d’autres villes américaines, 150.000 autres ont également défilé. Il semble que le mouvement ne s’arrêtera pas. La semaine dernière, une fois de plus, des dizaines de manifestations ont eu lieu aux quatre coins du pays. La résistance pousse les autorités locales dans leurs derniers retranchements et les force à signer des motions de protestation contre la guerre.
Le secrétaire d’État à la Justice, Peter Ashcroft, est prêt à sortir sa Loi Patriot II, une loi qui, plus encore que la Loi Patriot I d’octobre 2001, entend réduire les droits démocratiques. Sous les pressions de la rue, les autorités de pas moins de 65 villes ont signé une motion contre cette nouvelle mouture de la Loi Patriot.


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