Selon le “Sunday Times”, Israël s’entraînerait à des frappes nucléaires sur l’Iran

8 janvier 2007

D’après le journal londonien - “Sunday Times” -, Israël aurait échafaudé des plans secrets pour détruire les sites iraniens d’enrichissement d’uranium au moyen d’armes tactiques nucléaires. Citant plusieurs sources militaires israéliennes, le journal dominical britannique ajoute que deux escadrilles de l’armée de l’air se sont exercées en vue d’un éventuel bombardement de la centrale nucléaire de Natanz, en Iran, avec des bombes à pénétration contenant de l’uranium appauvri, connues sous le nom de ’bunker busters’.

Malgré les sanctions prises par l’ONU contre elles en raison de leur programme nucléaire, les autorités iraniennes ont toujours l’intention d’installer 3.000 centrifugeuses à Natanz, où deux cascades de 164 centrifugeuses sont déjà en service. Deux autres sites iraniens, un réacteur à eau lourde à Arak et des infrastructures de transformation d’uranium à Ispahan, seraient visés de leur côté par des bombes conventionnelles, poursuit le “Sunday Times”.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité en décembre l’adoption de sanctions pour tenter de dissuader l’Iran de poursuivre son programme d’enrichissement d’uranium. Si Téhéran revendique le droit de développer son propre nucléaire civil, les puissances occidentales craignent que la république islamique accède à la technologie lui permettant de fabriquer l’arme atomique. Malgré les sanctions, l’Iran compte poursuivre ses travaux d’enrichissement car ses intentions, dit-elle, sont pacifiques.

Israël a toujours refusé d’écarter l’hypothèse de frappes préventives, à l’image du raid aérien lancé en 1981 contre un réacteur nucléaire en Irak, mais beaucoup d’analystes estiment que dans le cas de l’Iran, Israël ne pourrait se lancer seul dans une telle offensive.

Le “Sunday Times” ajoute que les plans israéliens prévoient l’utilisation de bombes conventionnelles à guidage laser pour percer des "tunnels" dans les objectifs. Des ogives nucléaires seraient ensuite tirées dans les orifices afin qu’elles explosent en profondeur dans le sous-sol et que les retombées radioactives s’en trouvent limitées. Selon le quotidien, des pilotes de Tsahal ont effectué ces dernières semaines des vols jusqu’à Gibraltar pour s’entraîner sur la distance de 3.200 kilomètres aller-retour qui sépare Israël des cibles iraniennes. Parmi les itinéraires envisagés, l’un deux survolerait la Turquie.

Le “Sunday Times” cite également des sources qui précisent toutefois que le recours à des frappes nucléaires serait décidé seulement si une attaque conventionnelle était écartée, et si les États-Unis refusaient d’intervenir. Washington n’exclut pas l’option militaire, mais privilégie pour l’heure la voie diplomatique. Le journal ajoute que les informations sur cette menace pourraient avoir filtré afin de faire pression sur l’Iran pour qu’elle renonce à ses projets. Comme il se doit, si un général israélien sous couvert d’anonymat a démenti formellement ces dernières informations, une porte-parole du gouvernement israélien, Miri Eisin, a refusé de commenter l’article du “Sunday Times”. Israël ne s’exprime jamais sur son arsenal nucléaire présumé, selon une stratégie d’"ambiguïté volontaire" destinée à empêcher une course régionale aux armes nucléaires.


Commentaire

Pour un Océan Indien zone de Paix ?

Tournée en ridicule dans les années 70, cette revendication prend aujourd’hui tout son sens.

Je m’en souviens avec une netteté impressionnante. Samedi 22 septembre 1979, il est 17 heures. Nous rentrons au Port, de retour d’une réunion des responsables des sections des hauts de Saint-Paul et jouons un instant avec nos enfants dans la cour. Le temps est sec, le ciel est bleu, sans le moindre nuage. Soudain, un double éclair suivi, quelques instants plus tard, du bruit d’une explosion qui, bien que lointaine, est suffisamment puissant pour que chacun s’interroge sur la provenance d’une telle déflagration.

Pendant plusieurs jours, les suppositions vont bon train. Le ministre de la Défense de l’Afrique du Sud - alors sous régime de l’apartheid - avance l’hypothèse de l’explosion du réacteur d’un sous-marin nucléaire soviétique de la classe Delta 2 croisant alors dans les parages.
Le magazine “Afrique-Asie” sera le premier à avancer une réponse qui, quelques années plus tard, se révélera exacte : aidée d’Israël qui en profite également pour mettre au point des bombes nucléaires tactiques, l’Afrique du Sud vient de réaliser la première explosion nucléaire de son histoire. Son "terrain de jeu" : la zone sud-ouest de l’Océan Indien (1).
Lorsque nous avons émis l’hypothèse de l’explosion d’une bombe atomique, nous avons eu droit à des injures, nombre d’entre elles venant de Saint-André dont le maire était alors le propriétaire des locaux hébergeant le consulat d’Afrique du Sud à Saint-Denis.
La décennie 1970 avait vu les Anglais soustraire l’archipel des Chagos de la souveraineté mauricienne. L’honneur des dirigeants politiques de la zone sud-ouest de l’Océan Indien - dont le PCR - aura été de réagir aussitôt en convoquant plusieurs conférences internationales autour du thème "Océan Indien zone de Paix" refusant tout à la fois ce dépeçage et que des îles de l’océan Indien puissent servir de base d’agression et de stockage de bombes atomiques.

Pour nier la possession d’armes atomiques (armes de destruction massive) les dirigeants israéliens, tous partis de gouvernements confondus, ont, en 1986, jeté en prison pendant 18 ans l’un de leurs techniciens atomistes, Mordehaï Vanunu, parce qu’il voulait révéler l’existence de ces armes atomiques fabriquées, dans le désert du Néguev, dans la centrale de Dimona. Vanunu n’a été libéré que le 21 avril 2004, au terme de sa peine, après avoir refusé à maintes reprises des offres de remise en liberté anticipée en échange de son silence.
Mais, le 6 décembre dernier, le nouveau secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, questionné à Washington par le Sénat reconnaissait publiquement, pour la première fois, que « l’Iran est entouré de pays dotés de l’arme nucléaire : le Pakistan à l’est, Israël à l’ouest... ».
Interrogé lundi 11 décembre 2006 par la chaîne allemande N24 à l’occasion de sa visite à Berlin, le Premier ministre d’Israël, Ehud Olmert a expliqué qu’il y avait une « grande différence » entre la volonté de l’Iran d’accéder à la bombe et la situation d’autres puissances : « Pourriez-vous dire que c’est la même chose que pour l’Amérique, la France, Israël et la Russie ? »
En mai 2007, cela fera 37 ans que le TNP (Traité de non-prolifération des armes nucléaires) est entré en vigueur. Il a été signé par 189 pays -dont l’Iran- mais pas par Israël qui dispose de sa première bombe atomique depuis 1967. Et c’est précisément sur ce point que s’appuient, depuis hier, les gouvernants d’Israël pour légitimer leur arsenal nucléaire.
Rappelons qu’en 2005, le Comité Nobel a attribué le Prix Nobel de la Paix à Mohamed El Baradei et à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’AIEA est cette agence qui a enquêté a plusieurs reprises en Irak à la recherche d’ADM (Armes de Destruction Massive), sans en trouver l’ombre d’une. L’AIEA propose des sanctions contre l’Iran et la Corée du Nord sans jamais s’être intéressée aux ADM nucléaires d’Israël. L’excuse invoquée est monumentale : Israël n’est pas signataire du TNP.
Cet argument est d’une extrême dangerosité puisqu’il sous-entend que, pour se constituer un arsenal nucléaire, il suffirait de se retirer du TNP. Certes les conditions pour obtenir le droit de se retirer du TNP sont complexes, mais qui ne comprend que, prenant à témoin l’opinion publique internationale, MM Ahmadinejad et Kim-Jong-il, pourraient légitimer à leur tour leur droit à se doter de bombes atomiques. D’autant que toutes les grandes puissances atomiques n’ont jamais tenté quoi que ce soit pour convaincre l’Inde, le Pakistan et Israël de signer le TNP et de s’y conformer.

Il n’existe pas de bombes nucléaires sympathiques et d’autres qui seraient antipathiques. L’exemple de l’effondrement de l’URSS en atteste. La perte de contrôle des installations nucléaires, le démantèlement chaotique d’une partie de la flotte de sous-marins nucléaires ont vu s’épanouir un dangereux trafic de matières fissiles. Plus le nombre de pays disposant de l’arme nucléaire sera élevé, plus élevé est le risque d’embrasement délibéré, accidentel ou erroné.
Israël, le Pakistan, l’Iran, l’Inde et Diego-Garcia étant situés autour et au cœur de l’Océan Indien. Qui peut prédire ce qu’il adviendrait dans toute notre région si Israël décidait d’user d’armes nucléaires contre l’Iran au prétexte de lui interdire d’en disposer ?

Jean Saint-Marc

(1)
Pretoria a démantelé ses armes juste avant d’abandonner le régime d’apartheid et d’adhérer au TNP, en 1991.


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  • L’affaire du nucléaire israélien a commencé lors de la guerre de suez (1956) en coopération avec la France. C’est plus tard (après la guerre des Six jours) que l’Afrique du Sud et Israël vont coopérer dans ce domaine (lire à ce sujet l’excellent ouvrage, Israël et l’Afrique : une relation mouvementée, Paris, Karthala, 2003).


Témoignages - 80e année


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