Irak

Si l’armée américaine attaque l’Irak George Bush exclut son pays de la communauté internationale

La France et la Russie voteront contre la guerre

12 mars 2003

Paris et Moscou se déclarent officiellement prêts à opposer un veto au projet de résolution américaine sur l’Irak, cela veut dire que ce texte sera rejeté. Si George Bush veut faire la guerre, il s’opposera aux Nations-Unies. En persistant dans sa volonté d’attaquer un pays peuplé de 24 millions d’habitants pour satisfaire des ambitions personnelles, le président américain ne pourrait que rejoindre la galerie des grands criminels de l’Histoire. Cette situation met son allié britannique dans l’embarras. Des premiers signes de discorde se font jour entre Washington et Londres.

Alors que Paris et Moscou ont annoncé leur intention de s’opposer au vote d’une deuxième résolution à l’ONU autorisant une guerre contre Bagdad, de premiers signes de discorde ont opposé dirigeants américains et britanniques sur la stratégie à suivre aux Nations Unies.
D’un côté, le président français Jacques Chirac a indiqué qu’en aucun cas le projet de résolution qui fixe le 17 mars comme date butoir pour le désarmement de l’Irak ne passerait, la France étant déterminée à voter contre. La Russie avait auparavant affirmé être décidée à mettre son veto à ce projet présenté par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne, et dont les chances de recueillir la majorité nécessaire apparaissaient hier plutôt minces. D’autant plus qu’un troisième membre permanent du Conseil de sécurité, la Chine, a toujours fait savoir sa volonté de poursuivre les inspections et de refuser la guerre.

De l’autre côté, alors que les couteaux sont tirés au Conseil de sécurité de l’ONU, pour la première fois des divergences sont apparues lors des consultations à huis clos entre les positions britanniques et américaines, selon des diplomates ayant participé aux travaux. L’ambassadeur britannique aux Nations Unies Jeremy Greenstock, selon des sources qui ne peuvent être identifiées, a « émis des idées » d’amendement au projet original introduisant, comme l’ont demandé certains pays membres non permanents, des critères permettant de juger si la volonté exprimée par Bagdad de se conformer à ses obligations est, ou non, réelle. De tels aménagements supposent cependant pour être crédibles que la date butoir fixée au 17 mars soit repoussée, ce que les États-Unis, qui s’en tiennent toujours au calendrier militaire, refusent. John Negroponte, l’ambassadeur américain à l’ONU, a d’ailleurs réaffirmé que les États-Unis exigeraient un vote avant la fin de la semaine.
Un débat public du Conseil de sécurité sur l’Irak devait débuter hier et pourrait se poursuivre aujourd’hui. Dans ce contexte, le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a mis en garde les États-Unis contre une action militaire entreprise en Irak sans l’aval du Conseil de sécurité. « Si une action est lancée sans l’autorité du Conseil de Sécurité, la légitimité et le soutien pour une telle action en seront sérieusement affectés », a-t-il dit.
Le président américain George W. Bush a multiplié les entretiens téléphoniques pour tenter de recueillir le soutien nécessaire. Il a appelé notamment le président chinois Jiang Zemin, le Premier ministre espagnol José Maria Aznar, le dirigeant du parti au pouvoir en Turquie Recep Tayyip Erdogan, qui devrait être prochainement nommé Premier ministre.

La France dira non à la guerre
Pour la première fois depuis le début de la crise irakienne, le président français a décidé de s’adresser directement aux Français. Il a balayé tous les sujets : l’utilisation du droit de veto de la France, son éventuel déplacement à New York si nécessaire dans les jours qui viennent, les répercussions politiques et économiques sur les relations franco-américaines, le rôle déterminant des Nations Unies, la reconstruction en Irak si une guerre a lieu, la division de l’Europe...etc. Le président français est apparu déterminé à se battre jusqu’au bout pour tenter d’empêcher la guerre. Il a ainsi de nouveau affirmé que la « guerre n’est pas inévitable » mais a toutefois regretté l’insuffisance de la coopération de Bagdad en matière de désarmement, avant d’ajouter : « Un pays qui a le passé et la structure politique de l’Irak est toujours un pays dangereux ».
Lundi soir, lors de cette intervention télévisée de près de 40 minutes, Jacques Chirac a mis fin au suspens en annonçant que la France utiliserait son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU en votant « non » à la nouvelle résolution sur l’Irak, présentée la semaine dernière par les États-Unis, la Grande Bretagne et l’Espagne qui donne jusqu’au 17 mars au régime irakien pour se désarmer totalement. « La France votera non quelles que soient les circonstances », a-t-il déclaré. Tout en s’efforçant de dédramatiser l’utilisation de ce droit de veto, le chef de l’État a cependant réaffirmé que la « France n’acceptera pas et donc refusera » une résolution utilisant la force contre l’Irak. Ainsi a-t-il réaffirmé ne pas vouloir s’engager sur une « voie qui conduirait automatiquement à la guerre tant que les inspecteurs ne nous auront pas dit : nous ne pouvons plus rien faire en Irak ». Le président a ajouté avoir le sentiment que la Russie et la Chine qui disposent aussi d’un droit de veto aux Nations Unies étaient disposées à adopter la même attitude que la France.
Tony Blair sommé de démissionner
Dans le camp de la guerre, la perspective d’un conflit avec l’Irak fragilise le Premier ministre britannique Tony Blair. Il a d’abord enregistré dimanche la démission du député travailliste Andrew Reed de son poste de secrétaire privé parlementaire au ministère de l’Environnement. Elle aussi en désaccord avec la politique irakienne du chef du gouvernement, la ministre au Développement international Clare Short menace d’en faire autant si l’aval de l’ONU n’était pas obtenu. « S’il n’y a pas d’aval de l’ONU pour une action militaire ou s’il n’y a pas d’aval de l’ONU pour reconstruire le pays », a-t-elle déclaré sur BBC-Radio, « je n’apporterai pas mon soutien à une violation du droit international [qui] ébranlerait l’ONU et je démissionnerai du gouvernement ».
De son côté, le doyen des députés du Parti travailliste - celui de Tony Blair - à la Chambre des communes, Tam Dalyell, a demandé lundi matin le départ « tout de suite » du Premier ministre Tony Blair, en raison de sa politique irakienne. « Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont grand tort, je crois que c’est trop tard pour Tony Blair. Moi, je veux changer de Premier ministre, nous cherchons un autre politicien que Tony Blair », a déclaré le parlementaire. « L’Allemagne et la France ont raison, j’espère qu’un autre Premier ministre parle sérieusement avec l’Allemagne et la France », a-t-il ajouté, affirmant qu’à ses yeux, un tel départ de Tony Blair était « possible ».
Leur exemple pourrait être suivi par des figures du gouvernement, comme Robin Cook, ministre chargé des relations avec le Parlement.
L’Irak a détruit près de la moitié des missiles interdits
Les experts de l’ONU ont supervisé lundi la destruction de six missiles de plus. Le nombre total des Al Samoud 2 détruits depuis le 1er mars s’élève ainsi à 52, soit près de la moitié du nombre des missiles de ce type qui seraient détenus par l’Irak. Les inspecteurs de la Commission de contrôle, de surveillance et d’inspection de l’ONU (COCOVINU), ont assisté également à la destruction de trois ogives de plus, de tous les logiciels informatiques qui ont servi au lancement des missiles interdits, ainsi que d’autres matériaux ayant servi à la fabrication de ces missiles.
Par ailleurs, les experts de la COCOVINU ont eu lundi un entretien privé avec un scientifique irakien, alors que des équipes d’experts biologiques ont inspecté le site militaire d’Al Aziziyah, et une équipe d’experts chimiques a inspecté une usine de production du cuir.
Pour leur part, les experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique ont examiné l’état de déchets radioactifs déposés à une vingtaine de kilomètres au Sud de Bagdad.

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