Blogs du Proche-Orient

Vivre avec la guerre

5 août 2006

Les blogs sont - entre autres - des journaux intimes offerts au monde diffusés sur Internet. Les jeunes communiquent entre eux par ces moyens modernes. Et, en les lisant, on découvre les angoisses de chacun, comment ils voient le monde qui les entoure. D’une façon étonnante, bien peu se livrent à des diatribes partisanes, comme on peut en lire ici ou là. Bien sûr, les uns et les autres sont révoltés par ce qui se passe au Liban, on ne le serait à moins. Mais, ils préfèrent livrer leurs sentiments. Et au travers des mots et de la banalité de leur quotidien, on ressent toute l’horreur de cette guerre.

Regarder la guerre

Hier, Yussuf m’a invité à prendre le déjeuner dans sa maison. Il est un membre du comité populaire à Beit Ummar. Il n’y avait aucune action prévue pour notre région et j’ai été très occupé parce que je me suis beaucoup occupé des enfants !
Le jour était beau dans Beit Ummar, mais à quelques kilomètres au Nord et au Sud, les rues débordaient avec le sang. Des amis nous en ont parlé et nous avons regardé la télévision. Yussuf m’a chuchoté, avec la chaleur, une demande : comme tu dois aller de nouveau en Amérique, dis à tes amis de venir en Palestine et d’être témoins de l’occupation (israélienne) avec leurs propres yeux.
Nous avons mangé le thon, les œufs, des tomates, avec de la pita et bu le thé, tout en regardant à la télévision les morts s’additionner à Gaza et au Sud du Liban. J’ai eu envie de pleurer, mais je ne m’en suis pas donné le droit. Yusuf ne pleurait pas, ni Fida, son épouse. Il semble que les gens s’adaptent "aux pires choses".
Regarder la guerre depuis un salon en Palestine est très différent de la regarder des États-Unis. Ici, la tension est grande, et chacun connaît quelqu’un qui est affecté par cette guerre. Ici, les informations sont "claires" et non censurées. Nous pouvons voir les "taxes U.S. en dollars" pleuvoir sur les civils innocents. Les corps sont entreposés dans des congélateurs. Accumulation de cercueils. Médecins essayant de sauver des enfants.
Je peux continuer mon récit, mais peut-être Yussuf a-t-il raison... Vous devez venir ici et voir par vous-mêmes la guerre.

Fernando Reals,
Palestine / Territoires Occupés
(traduit de l’anglais par I.A.C.)


Une sale odeur

Ce soir, il y a une odeur très forte dans l’air. Je l’ai déjà sentie avant.
J’étais à New York lors des attaques du 11 septembre.
Pendant deux mois, après les attaques, la ville sentait comme ce soir les odeurs de Beyrouth. C’est un mélange de bâtiments brûlés, de radiateurs électriques et de corps carbonisés. C’est une odeur putride et nauséabonde. J’ai fermé toutes les fenêtres de l’appartement, mais maintenant, c’est une chaleur étouffante qui envahit les pièces. Je suis allée voir Maya aujourd’hui et elle m’a fait observer que Beyrouth, ces jours-ci, est comme un dimanche... Personne dans les rues... Toutes les boutiques sont fermées... Mais vraiment, c’est encore plus terrible quand le soir vient et qu’il n’y a pas d’électricité. Beyrouth est si noir et silencieux. Aujourd’hui, j’ai pensé à mes étudiants dans le camp palestinien de réfugiés de Barajni d’Al de Burj. Ils sont pris au milieu de tout ça... Situé bien entre l’aéroport et Dahiye. Je ne peux imaginer ce qui peut leur arriver. Ils manquent déjà d’eau, de soins médicaux et d’équipements électriques. Leur situation doit être très mauvaise. Et maintenant, mon cœur se brise à ces pensées...
Ma sœur Lana et moi avons commencé une classe pour enseigner à des jeunes femmes comment devenir autonomes économiquement.
Lana l’a organisée de telle sorte que, chaque mois, quelqu’un vienne et enseigne à ces femmes du camp un métier qu’elles pourraient exercer afin d’aider leurs familles. À la fin des cours, nous sommes allées voir une exposition des travaux réalisées. Tel a été mon mois de juillet. En fait, je n’ai pu donner que deux cours, car cette folie a éclaté.
La dernière fois que je les ai vues, nous faisions des objets en papier mâché, avec des ballons pour faire les têtes et des fils de fer pour faire les corps.
Aujourd’hui, j’ai aussi pensé à ceux qui dominent le monde.
À ces quelques personnes qui contrôlent aujourd’hui, comment vont les choses. J’ai tellement eu peur de ces pensées que je me suis arrêtée.

Zena,
Beyrouth
(traduit de l’anglais par I.A.C.)


La guerre si loin, si proche

J’ai lu un article dans un journal avec un titre, "Quant tout a commencé"...
Je dois avouer que je n’avais pas, d’une certaine manière, compris que cela avait commencé jusqu’à quelques jours. Il y a toujours en Israël quelque chose de lointain dans ce qu’il y a de plus proche.
Quand il y a un attentat à Jérusalem et que tu te trouves à Tel-Aviv, tu es déjà trop loin. Même dans un moment aussi historique que le désengagement, le temps ne s’arrête jamais. À quelques kilomètres, si proches et si loin de nous se passent des drames. Nous devrions êtres touchés ou même traumatisés, mais la vie continue. Je me lève le matin et vois dans mon journal des images d’immeubles israéliens éventrés et de paysage libanais dévastés.
Dans le bus qui m’amène au travail, l’armée commente les dernières opérations de la journée passée. Je suis au bureau et une rumeur d’attaques de Katyusha sur les villes du Nord ponctue la journée. Le soir, à la salle de sport, je regarde les téléviseurs qui passent en boucles les témoignages des victimes de la guerre et des hauts dignitaires de l’armée. Pourtant, tout cela n’a pas l’air réel ou plutôt me parait si loin de ma propre réalité si "normale". Et puis, avant-hier, je m’assois devant la télévision, les images sont retransmises en direct et j’entends les sirènes qui rugissent dans l’obscurité de Haïfa. Ce son me glace sur place. C’est cette même sirène que l’on entend chaque année au moment de la commémoration des victimes de la Shoah. C’est cette même sirène qui est signe de désolation, des catastrophes passées et à venir. Et là, à cet instant, la réalité s’installe avec tout son sens dans mon univers. Cela a quelque chose d’effrayant. II y a des bombes, des morts et la guerre qui se rapproche de la porte de ma maison, en plein centre de Tel-Aviv. Avant, je me sentais protégée par la normalité de ma vie, jour après jour, mais demain, cet univers pourrait s’ébranler, s’effondrer... mais jamais totalement. Je ne sais pas où se trouve le plus proche abri souterrain de ma maison. Je devrais peut-être m’en inquiéter. Ce matin, je me demandais auprès de quel mur de mon appartement je devrais m’abriter en cas d’attaque. Et une sorte de fatalité. Aux informations, ils ont dit qu’en cas d’attaque directe, même les chambres renforcées ne peuvent pas être protégées. Je me demande quand vais-je entendre pour la première fois les sirènes retentir sur Tel-Aviv. C’est la guerre.

Gaele C.,
Tel-Aviv


Brèves

o Un compromis est proche
La secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice a laissé entendre jeudi 3 août que les États-Unis sont prêts à faire un compromis sur les moyens de sortir de la crise au Moyen-Orient, se disant favorables à un cessez-le-feu immédiat, souhaité par la France avant toute autre mesure. Se rapprochant de la position de Paris et d’autres capitales européennes, Condoleezza Rice a déclaré jeudi soir que le Conseil de sécurité de l’ONU pourrait adopter dans les prochains jours une résolution impliquant un cessez-le-feu et l’énonciation de principes visant à amener une paix durable dans la région. Les États-Unis ont d’ailleurs demandé à leurs diplomates de travailler tout le week-end si aucun accord n’était trouvé d’ici à vendredi.

o L’OCI exige un cessez-le-feu
L’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) a appelé jeudi 3 août les Nations unies à imposer un cessez-le-feu immédiat au Liban et ouvrir une enquête spéciale sur ce que l’OCI a qualifié de violations flagrantes des droits de l’Homme par Israël. L’OCI, qui "condamne fermement" l’offensive israélienne, exige donc qu’Israël soit "tenu responsable pour toutes ces actions". L’OCI, plus grande organisation musulmane, affirme qu’"il y a un accord total sur le besoin d’un cessez-le-feu immédiat et du retrait des forces israéliennes derrière la Ligne bleue de 1949", tracée par les Nations unies et qui sert de frontière entre le Liban et Israël, a déclaré le Turc Ekmeleddin Ihsanoglu, Secrétaire général de l’OCI.

o Ahmadinejad réclame "l’élimination" d’Israël
Le Président ultra conservateur iranien Mahmoud Ahmadinejad a de nouveau prononcé des mots extrêmement violents à l’égard d’Israël. "Bien que le véritable remède au conflit soit l’élimination du régime sioniste, il devrait y avoir avant cela un cessez-le-feu immédiat", a dit le Président iranien depuis la Malaisie, où il participe à un Sommet du comité exécutif de l’Organisation de la conférence islamique. Le Président iranien, dont le pays soutient le Hezbollah chiite libanais, a appelé à plusieurs reprises à l’élimination du régime d’Israël, qu’il a qualifié notamment de "tumeur".

o Liban : Le Hezbollah veut frapper Tel Aviv
Alors que la communauté internationale travaillait toujours hier à une résolution commune, à l’ONU, Israël et le Hezbollah se sont à nouveau livrés à une escalade physique et verbale. Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a ainsi menacé de frapper Tel-Aviv, en cas de bombardement israélien de Beyrouth ; et l’armée israélienne a répliqué qu’elle anéantirait, ni plus ni moins, l’ensemble des infrastructures du Liban, si la ville israélienne était touchée par une attaque de roquettes ! Sur le terrain des opérations, le Ministre de la Défense Amir Peretz a demandé à Tsahal de se tenir prête pour une éventuelle prise de contrôle du Liban Sud jusqu’au fleuve Litani, à 30 km au Nord de la frontière israélienne. 7 civils et 3 soldats israéliens ont par ailleurs été tués dans le Nord de l’État hébreu, portant à 55 le nombre de victimes israéliennes depuis le début des violences. Les victimes libanaises, elles, approchent des 450.


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